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07/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19226

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2005, 19226


Tribunal administratif N° 19226 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Vu la requête inscrite sous le numéro 19226 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2005 par Maître Sandra FADI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant a

ctuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affair...

Tribunal administratif N° 19226 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Vu la requête inscrite sous le numéro 19226 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2005 par Maître Sandra FADI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 décembre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 par Maître Sandra FADI pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra FADI et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2005.

Monsieur … introduisit en date du 4 novembre 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi qu’en date du 15 décembre 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par lettre du 30 décembre 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 5 janvier 2005, que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs qu’elle serait basée principalement sur des problèmes d’ordre matériel ne répondant à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant entendu que l’absence de travail et le fait de « ne pas savoir où aller» ne rentrerait absolument pas dans le cadre de cette Convention. Le ministre a relevé en plus, concernant un incident relaté par Monsieur … en rapport avec les autorités d’un autre pays, à savoir les autorités nigérianes, qu’il s’agirait d’un fait isolé s’étant déroulé dans une région disputée entre le Cameroun et le Nigeria et que non seulement il aurait été possible à Monsieur … de requérir la protection des autorités camerounaises, mais qu’en outre, rien ne l’aurait empêché de s’installer dans une autre partie du Cameroun et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne. Il a estimé dans ce contexte que le fait pour les autorités nigérianes de l’avoir empêché d’accéder à cette zone disputée, sans que cette interdiction ne soit autrement circonstanciée, ne répondrait pas non plus à un des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Par requête déposée en date du 28 janvier 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 30 décembre 2004.

Etant donné que l'article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile, 2. d'un régime de protection temporaire, dispose qu'en matière de demandes d'asile déclarées manifestement infondées au sens de l'article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation introduit par le demandeur est recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord valoir que la décision litigieuse émanerait d’une autorité administrative incompétente et devrait encourir l’annulation de ce chef, étant donné que seul le ministre de la Justice serait compétent en la matière. Il soutient ensuite que ce serait à tort que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande manifestement infondée. Il précise qu’il aurait exercé la profession de pêcheur dans son pays natal, mais qu’il n’aurait plus été autorisé à poursuivre cette activité en raison des combats et violences engendrés par un conflit au sujet des eaux et des ressources naturelles entre les peuples camerounais et nigérians et que les autorités politiques et administratives actuellement en place au Cameroun ne lui permettraient pas de recevoir une protection adéquate. Il expose ensuite avoir fuit son pays après y avoir été violemment battu à coups de machette et avoir enduré des souffrances durant plus de 7 jours auprès d’un médecin local. Il relève par ailleurs avoir perdu toute trace des membres de sa famille, notamment de sa concubine et de ses deux enfants, ainsi que de ses papiers et affaires personnelles.

Le délégué du Gouvernement insiste que conformément à l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des ministères, la procédure d’asile relève dorénavant des attributions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration. Quant au fond, il estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, étant donné notamment qu’il résulterait clairement des faits relatés que Monsieur … n’invoquerait aucune crainte de persécution de la part des autorisé camerounaises, mais ferait état uniquement d’agissements de l’armée nigériane qui seraient par ailleurs limités à une certaine zone. Dans la mesure où le Cameroun lui aurait été parfaitement accessible dans toutes ses autres parties, il estime qu’il ne ressortirait pas du dossier en quoi Monsieur … aurait été dans l’impossibilité de bénéficier d’une possibilité de fuite interne.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur le fait qu’il aurait vécu dans une région contrôlée par les autorités nigérianes et que les autorités de ce pays ne lui auraient plus permis de travailler, voire d’y vivre sans faire l’objet d’actes de torture. Aussi les autorités camerounaises n’auraient pas été en mesure d’assurer sa protection.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir le Cameroun. - En effet, tel que relevé à juste titre par le ministre dans le cadre de la décision litigieuse, les problèmes allégués par le demandeur ont trait non pas à des actes de persécution dirigés à son encontre par les autorités de son pays d’origine, mais s’inscrivent dans le cadre général de disputes territoriales entre les autorités nigérianes et camerounaises limitées à une zone territoriale déterminée. Au-delà du fait que le demandeur reste en défaut de présenter une argumentation plausible relativement au fait qu’il n’a pas choisi de quitter cette zone de conflit et de trouver refuge dans une autre partie du Cameroun, il se dégage encore des déclarations du demandeur actées dans le procès-

verbal d’audition du 15 décembre 2004 que Monsieur … n’a pas rencontré de problèmes avec les autorités camerounaises et que c’est essentiellement en raison de considérations d’ordre économique qu’il n’a pas envisagé de s’établir ailleurs dans son pays d’origine, à l’abri de la zone de conflit.

Le tribunal constate ainsi que le demandeur base ses craintes de persécution sur l’état de crise prévalant dans une zone déterminée de son pays d’origine sans apporter davantage de précisions quant à d’éventuelles persécutions qu’il risquerait personnellement de subir du fait de cette situation de la part des autorités de son propre pays. Dans ces circonstances, le ministre a valablement pu retenir que la demande d’asile de Monsieur … ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. Le recours est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19226
Date de la décision : 07/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-07;19226 ?

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