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07/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18747

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2005, 18747


Tribunal administratif N° 18747 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, Croatie, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18747 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 octobre 2004 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, assisté de Maître Lise REIBEL, avocats, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,

… , demeurant à … (Croatie), de nationalité croate, tendant principalement à la r...

Tribunal administratif N° 18747 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, Croatie, contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18747 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 octobre 2004 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, assisté de Maître Lise REIBEL, avocats, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à … (Croatie), de nationalité croate, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 juillet 2004 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2005 par Maître Claude WASSENICH, au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Lise REIBEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 février 2005.

Par courrier du 27 mai 2003, Monsieur … s’adressa au ministre de la Justice pour obtenir une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Le ministre prit position par rapport à cette demande par courrier du 30 juin 2003 en priant l’intéressé de bien vouloir lui faire parvenir, avant tout autre progrès en cause, une preuve de ses moyens d’existence. Après avoir complété son dossier par courrier du 6 août 2003, Monsieur … réitéra sa demande le 14 octobre 2003. Par l’intermédiaire de son mandataire, il relança une itérative fois sa demande par courrier du 5 avril 2004.

Par décision du 20 juillet 2004, le ministre de la Justice refusa de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour présentée par Monsieur … dans les termes suivants :

« Il résulte de vos extraits de compte que votre pension d’invalidité s’élève à € 432,15. Or, cette somme se situe de loin en dessous du niveau du salaire social minimum légal. Donc, je me dois malheureusement de constater que vous ne disposez pas de moyens d’existence personnels suffisants vous permettant de subvenir à vos besoins.

Ainsi, en application de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande de prolongation de l’autorisation de séjour. (…) » Par courrier du 14 septembre 2004, rappelé le 1er octobre 2004, le mandataire de Monsieur … s’adressa au ministre de la Justice pour solliciter la communication d’une copie du dossier de l’intéressé. Par courrier du 27 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait suite à cette demande.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prérelatée du 20 juillet 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut d’abord à l’annulation de la décision litigieuse en raison d’un non-respect allégué de ses droits les plus élémentaires ayant consisté dans l’impossibilité de consulter en temps utile le dossier administratif. Il reproche ensuite à la décision ministérielle de ne pas être motivée à suffisance en faisant valoir que le ministre resterait en défaut de spécifier en quoi le fait pour les revenus de Monsieur … d’être inférieurs au salaire minimum empêcherait la délivrance d’une autorisation de séjour. Il estime pour le surplus que ses revenus, même s’ils sont faibles, suffiraient à assurer sa subsistance, étant entendu que par la suite, il pourrait entreprendre toutes les démarches en vue de disposer d’un emploi complémentaire.

Le délégué du Gouvernement conclut au libellé obscur du moyen formulé pour non-respect des droits les plus élémentaires en rapport avec la communication du dossier administratif. A titre subsidiaire, il relève que depuis l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des ministères, les questions d’immigration ont été conférées au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte qu’il aurait appartenu au mandataire de Monsieur … de s’adresser directement au ministre compétent afin d’éviter une transmission de sa demande par la voie administrative, voire de consulter directement, en cas d’urgence, le dossier administratif dans les locaux dudit ministère.

Quant à la motivation de la décision litigieuse, il relève qu’elle est expressément fondée sur l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qui accorde au ministre compétent la possibilité de refuser une autorisation de séjour à l’étranger qui ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. Il estime que c’est à juste titre que le ministre a estimé qu’une pension d’invalidité d’un montant de 432,- € ne saurait représenter la preuve de moyens d’existence au sens de la loi.

Dans son mémoire en réplique le demandeur fait valoir que la décision litigieuse émane du ministre de la Justice pour soutenir que le recours ne saurait valablement être dirigé contre le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration. Il estime qu’il n’aurait dès lors été que logique d’introduire la demande de dossier en date du 17 septembre 2004 auprès de ce même ministre qui, en cas d’incompétence, aurait de toute façon été obligé de transmettre sa demande au ministre qu’il estimait compétent. Dans la mesure où la communication du dossier ne serait intervenue qu’en date du 27 octobre 2004, soit après l’écoulement du délai au cours duquel il devait préparer son recours, il maintient partant son moyen d’annulation. Quant au montant de sa rente d’invalidité, il fait valoir que cette somme suffirait pour payer un hébergement modique et des repas et signale qu’il pourra encore introduire une demande de permis de travail afin de compléter ses revenus.

Nul n’étant censé ignorer la loi, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement fait valoir qu’à partir de l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des ministères, la matière de l’entrée et du séjour des étrangers fait partie des attributions relevant des compétences du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, pour soutenir qu’il aurait appartenu au demandeur, par ailleurs assisté à cette époque d’un mandataire professionnel, de s’adresser directement à l’autorité désormais compétente pour l’instruction plus en avant de sa demande. Il s’y ajoute que conformément à son obligation de collaboration, le ministre de la Justice a effectivement continué la demande de Monsieur … au ministre compétent, de même qu’il aurait par ailleurs été loisible au mandataire du demandeur de consulter sur place le dossier administratif de l’intéressé si son devoir professionnel devait requérir pareille consultation afin de préparer utilement la défense de l’intéressé. Le demandeur ayant pour le surplus pris connaissance du dossier à partir de sa transmission lui adressée le 27 octobre 2004, de manière à avoir eu de fait la possibilité de compléter sa défense en connaissance de cause dans le cadre de mémoire en réplique déposé le 8 février 2005, de sorte qu’aucune décision afférente de ses droits de la défense ne saurait être utilement retenue en l’espèce.

Quant au fond, il est constant que conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, le ministre compétent peut refuser l’entrée et le séjour à l’étranger qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

La notion de moyens suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour est une notion relative, par essence évolutive dans le temps pour être étroitement liée aux coûts de la vie, entrevue à partir des fluctuation et disparité du coût du logement suivant la nature et la situation géographique du lieu d’implantation choisi, de sorte que l’autorité investie du pouvoir de décision en la matière dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu dont le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, ne peut contrôler l’exercice qu’au regard de la légalité de la décision déférée en vérifiant si elle n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, sans pour autant pouvoir substituer à l’appréciation de l’autorité administrative sa propre appréciation sur base de considérations d’opportunité 1.

Confronté en l’espèce à la situation d’un étranger disposant comme unique source de revenus une pension d’invalidité de 432,15 € seulement, le ministre a valablement pu conclure au caractère insuffisant des moyens personnels invoqué pour supporter les frais de voyage et de séjour au Luxembourg dans le chef du demandeur, étant entendu que la simple expectative, par ailleurs hypothétique, d’un travail à défaut d’un titre de séjour, n’établit pas l’existence de moyens personnels suffisants, à défaut pour l’intéressé de disposer d’un permis de travail 2.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précède que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 1 cf. trib. adm. 29 avril 2002, n° 14422 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etranger, n° 144 et autres références y citées, page 225.

2 cf. trib. adm. 22 mai 2003, n° 15857 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etranger, n° 164, page 231 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18747
Date de la décision : 07/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-07;18747 ?

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