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07/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18470

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2005, 18470


Tribunal administratif N° 18470 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée H. s.à r.l., … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18470 du rôle et déposée le 28 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limi

tée H. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actue...

Tribunal administratif N° 18470 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée H. s.à r.l., … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18470 du rôle et déposée le 28 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée H. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce de Diekirch sous le numéro B … tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 16 mars 2004 refusant à Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, l’octroi d’un permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2005 en nom et pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Olivier POOS, en remplacement de Maître Nicolas DECKER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

Suivant déclaration d’engagement datée du 5 novembre 2003, entrée à l’Administration de l’emploi, ci-après désignée par l’« ADEM », en date du 21 novembre 2003, la société à responsabilité limitée H. s.à r.l., ci-après désignée par « la société H. », introduisit une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … pour un poste en relation avec l’élevage et l’entretien de chevaux.

Par arrêté du 16 mars 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi, dénommé ci-

après le « ministre », refusa la délivrance du permis de travail sollicité « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2722 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par lettre du 27 avril 2004, la société H. introduisit un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 16 mars 2004.

Le recours gracieux s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 3 mai 2004, la société H. a fait introduire, par requête déposée le 28 juillet 2004, un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 16 mars 2004.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, ni une autre disposition légale n’instaurent un recours de pleine juridiction en matière de refus de permis de travail, seul un recours en annulation a pu être dirigé à l’encontre de la décision attaquée.

Le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient ne pas avoir demandé « à employer un travailleur non-qualifié, mais un travailleur qui soit au courant de l’élevage de chevaux et qui puisse également donner les soins aux chevaux », condition qui serait remplie dans le chef de Monsieur … pour avoir suivi une formation de technicien vétérinaire à l’école vétérinaire de Sarajevo. Ainsi, selon la demanderesse, Monsieur … serait particulièrement qualifié pour occuper le poste de travail proposé, d’autant plus que les différents demandeurs d’emploi assignés par l’ADEM n’auraient aucune expérience dans l’élevage de chevaux et n’auraient dès lors pas pu être retenus.

Le délégué du gouvernement rétorque que la situation du marché de l’emploi serait mauvaise, en se prévalant des statistiques officielles qui sont publiées mensuellement dans la presse écrite et parlée à la suite de la réunion du Comité de conjoncture, que suivant la situation sur le marché de l’emploi luxembourgeois du 28 février 2004, 8.912 demandeurs d’emploi étaient inscrits aux bureaux de placement de l’ADEM, dont 2.722 ouvriers non-qualifiés. Or, comme l’exercice d’une fonction en relation avec l’élevage et l’entretien de chevaux, rémunérée au niveau du salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié ne nécessiterait aucune qualification particulière, ce serait à bon droit que le ministre, compte tenu des chiffres exposés ci-

avant, aurait refusé un permis de travail à un ressortissant d’un pays tiers sur base de la priorité à l’emploi des travailleurs de l’Union Européenne et de l’Espace Economique Européen et la disponibilité de 2.722 ouvriers non qualifiés sur le marché luxembourgeois.

Le représentant étatique rappelle ensuite les bases légale et réglementaire dont découle l’obligation de déclaration préalable de la vacance d’un poste de travail et affirme qu’en l’espèce, la société H. aurait manqué à cette obligation. Plus particulièrement, il expose que la vacance de poste comme « assistant-vétérinaire » aurait été déclarée par la société H. en date du 21 avril 2004, soit après l’embauche du demandeur suivant contrat du 15 novembre 2003, de sorte qu’aucun demandeur d’emploi n’aurait pu se présenter auprès de ladite société avant la prise de décision du 16 mars 2004.

Enfin, le délégué du gouvernement expose qu’au moment de la prise de décision, le demandeur n’aurait pas disposé d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que son recrutement constituerait un recrutement non-autorisé à l’étranger, l’employeur ayant préalablement dû solliciter auprès de l’ADEM une autorisation de le recruter, tel que prévu par l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, ce que l’employeur n’aurait pas fait.

Dans son mémoire en réplique, la société H. conteste que des demandeurs d’emploi appropriés auraient été disponibles sur le marché luxembourgeois et relève qu’avant la déclaration d’engagement du 5 novembre 2003, elle aurait déclaré le poste vacant, mais qu’à l’époque, aucun candidat ne lui aurait été assigné par l’ADEM. Ce constat serait encore confirmé par le fait qu’après le départ de Monsieur … au courant du mois d’avril 2004, le poste en question aurait de nouveau été déclaré vacant, mais qu’uniquement deux personnes se seraient présentées pour postuler audit poste et qu’aucune n’aurait eu une expérience dans l’élevage de chevaux. Il s’ensuivrait que les 2.722 demandeurs d’emplois n’entreraient pas en ligne de compte et que partant la décision attaquée devrait être annulée pour ne pas être légalement motivée.

Le recours sous examen appelle le tribunal d’examiner si les motifs contenus dans la décision déférée sont de nature à justifier le refus du permis de travail, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

Parmi les motifs invoqués à la base de l’arrêté ministériel figure celui de la non-

déclaration de poste vacant par la société H. lequel, s’il se trouve vérifié en fait et en droit, est de nature à justifier à lui seul le refus déféré.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg dispose en son second alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’emploi, conformément à l’article 9, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’Administration de l’emploi est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, aptes à occuper le poste vacant, en assignant le cas échéant à l’employeur en question des ressortissants de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes.

Or, en l’espèce, s’il est vrai que la société H. a rempli le formulaire intitulé « déclaration de place vacante » pour le poste en question en date du 9 avril 2004, il ne ressort toutefois d’aucun élément du dossier soumis à l’appréciation du tribunal que la société H. a déclaré ledit poste vacant préalablement à l’embauche de Monsieur …, la simple affirmation non-documentée qu’elle aurait déclaré le poste vacant dès avant la déclaration d’engagement du 5 novembre 2003 n’étant pas suffisante à cet égard.

Comme la déclaration de vacance de poste est postérieure à l’embauche de Monsieur … suivant contrat du 5 novembre 2003, voire, même postérieure à la décision ministérielle litigieuse du 16 mars 2004, elle ne saurait dès lors entrer en considération et la société H., en engageant Monsieur … avant de déclarer ledit poste vacant ne saurait plus reprocher par après à l’ADEM de ne pas lui avoir assigné d’autres candidats bénéficiant de la priorité d’embauche.

Face au caractère clair et précis de la disposition réglementaire précitée, et eu égard aux circonstances de l’espèce, le ministre a partant valablement pu refuser le permis de travail sollicité au seul motif que le poste de travail ne fut pas déclaré vacant par l’employeur, de sorte que l’examen des autres motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré, de même que les moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 7 mars 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18470
Date de la décision : 07/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-07;18470 ?

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