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07/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18401

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2005, 18401


Tribunal administratif N° 18401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juillet 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18401 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , de nationalité capverdienne, demeurant actuellement à L-â

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Tribunal administratif N° 18401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juillet 2004 Audience publique du 7 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18401 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le… , de nationalité capverdienne, demeurant actuellement à L-… , tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 juin 2004, refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2005 par Maître NGONO YAH pour compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2005.

Madame …, après s’être mariée le 8 décembre 2000 avec Monsieur … , de nationalité luxembourgeoise, a bénéficié d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Son divorce fut prononcé par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 30 octobre 2003. Entre-temps, Madame … a donné naissance en date du 8 juillet 2003 à des jumeaux, les enfants … , qui ont été reconnus par leur père, Monsieur XXX, de nationalité capverdienne, demeurant à … .

L’autorisation de séjour dont bénéficiait Madame … n’ayant été valable que jusqu’au 31 mars 2004, elle a introduit, en date du 10 mars 2004, une demande en renouvellement de son autorisation de séjour.

Le ministre de la Justice a rencontré cette demande dans les termes suivants :

« Suite à un réexamen de votre dossier, je constate que vous êtes divorcée de votre mari et que la communauté de vie n’existe donc plus.

Or, les autorisations de séjour des 22 avril 2002 et 2 avril 2003 vous étaient accordées sur base de votre mariage avec Monsieur … .

Pour le surplus, je constate que vous n’êtes pas en possession de moyens d’existence personnels, légalement acquis, tels que prévus à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, vous permettant d’assurer votre séjour indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir.

Vu ce qui précède, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de prolonger votre autorisation de séjour.

Comme votre autorisation de séjour est venue à échéance le 31 MARS 2004 et que vous vous trouvez dès lors en séjour irrégulier au pays, vous êtes invitée à quitter le pays dans un délai d’un mois.(…) » Par requête déposée en date du 14 juillet 2004, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle précitée du 17 juin 2004, lui notifiée le 19 juin 2004.

Le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière. Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, serait en contradiction flagrante avec les dispositions de l’article 13 du code civil et que les étrangers vivant sur le territoire national auraient, comme les nationaux ou les européens, le droit de mener une vie familiale normale. Elle expose dans ce contexte vivre en concubinage avec le père de ses enfants à Colmar-Berg et que celui-ci toucherait des revenus réguliers lui permettant de prendre en charge toute sa famille, de sorte que ce serait à tort que le ministre lui a opposé l’absence de ressources propres. Elle estime que le ministre, informé de l’existence de sa communauté de vie avec Monsieur XXX, n’aurait pas pu raisonnablement faire abstraction du fait que celui-ci, en sa qualité de chef de famille, aurait à charge de nourrir et d’entretenir sa famille, ceci indépendamment d’un lien matrimonial. Pour appuyer son argumentation relative à l’absence de nécessité d’un lien matrimonial dans ce contexte, elle se réfère aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que l’existence d’une vie familiale effective ne serait pas conditionnée par l’existence d’un lien purement matrimonial.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée s’appliquerait à tout étranger qui désire séjourner au pays, que ce soit un étudiant, une personne désirant travailler au pays, une personne désirant bénéficier du regroupement familial, ou encore une personne sollicitant une régularisation de son séjour irrégulier. Dans la mesure où l’article 2 de ladite loi prévoit clairement que l’entrée et le séjour pourront être refusés à l’étranger qui ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais liés à son séjour au pays, et que Madame … ne serait pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au pays, le représentant étatique estime que c’est à bon droit et pour de justes motifs que le ministre lui a refusé l’autorisation de résider au pays.

Dans son mémoire en réplique la demanderesse insiste que Monsieur XXX, père naturel de ses enfants, les a reconnus en date du 9 juillet 2003 et qu’ils vivent désormais tous en communauté de vie, de sorte à prendre en charge tant son propre entretien que celui de ses deux enfants. Dans ces conditions elle estime remplir manifestement les conditions légales pour bénéficier d’une autorisation de séjour.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en disposant que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », confère au ministre compétent la possibilité de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne justifie pas de l’existence d’une source de revenus suffisants.

S’agissant d’un texte de loi spécial, visant spécifiquement la situation des étrangers au pays, son application ne saurait utilement être mise en échec par les dispositions invoquées du code civil.

La demanderesse entend se prévaloir en l’espèce des revenus de son concubin et père de ses enfants pour soutenir que l’absence de moyens personnels suffisants ne saurait lui être utilement opposée.

Force est cependant de relever que même à admettre l’existence d’une communauté de vie effective entre la demanderesse et Monsieur XXX, ainsi que l’existence d’une vie familiale effective entre les intéressés, il n’en demeure pas moins que contrairement aux liens unissant Monsieur XXX à ses enfants par l’effet de sa reconnaissance de paternité, les liens unissant de fait la demanderesse au père de ses enfants, à défaut de consécration légale, ne sont pas de nature à générer une quelconque présomption de prise en charge de Madame … par Monsieur XXX.

Il s’ensuit que contrairement à ce qui a été soutenu oralement à l’audience par la mandataire de la demanderesse, le ministre n’était pas tenu de présumer, à partir de l’information de l’existence d’une communauté de vie entre les intéressés, que Monsieur XXX entend effectivement prendre en charge la demanderesse.

En l’absence de prise en charge afférente soumise au ministre compétent, ainsi qu’à défaut d’autres sources de revenus indiquées dans le chef de la demanderesse, le ministre a partant valablement pu recourir à la faculté lui accordée par la loi pour refuser de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour présentée par Madame ….

Au-delà de critiquer la décision litigieuse quant à son volet relatif au motif de refus tiré de l’absence de moyens d’existence personnels, la demanderesse critique également la décision litigieuse en ce que l’invitation lui est adressée de quitter le territoire national.

Elle conclut à cet égard à une violation par le ministre des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en faisant valoir que la décision litigieuse l’empêcherait de poursuivre sa vie familiale sur le territoire luxembourgeois, tout en donnant à considérer que le père de ses enfants aurait perdu tous liens avec son pays d’origine et travaillerait depuis près de 10 ans sur le territoire luxembourgeois, de sorte que sa propre présence sur le territoire national apparaîtrait comme la seule possibilité de maintenir leur vie familiale.

Force est de relever dans ce contexte que conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée « le refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché (…) entraîne pour l’étranger l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois endéans le délai imparti, qui commencera à partir de la notification de la décision. » Il se dégage de la disposition légale prérelatée que l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois après avoir essuyé un refus d’entrée et de séjour découle directement de la loi, sans qu’une décision afférente de la part du ministre compétent ne soit requise. Il s’ensuit qu’à défaut de contestation se rapportant spécifiquement au délai imparti en l’espèce à la demanderesse pour quitter le pays, l’invitation à quitter le Luxembourg lui adressée ne saurait s’analyser, en son principe, en une décision administrative susceptible de recours, étant donné qu’en attirant l’attention de la demanderesse sur le fait que son autorisation de séjour est venue à échéance le 31 mars 2004 et qu’elle se trouve dès lors en séjour irrégulier au pays, de sorte à être obligée de quitter le territoire, le ministre n’a fait qu’informer la demanderesse sur l’état de la législation en la matière.

Dans la mesure où cette information ne saurait s’analyser en une décision d’éloignement du territoire au sens de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, l’argumentation développée basée sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme laisse d’être pertinente en l’espèce, faute d’être dirigée contre une éventuelle décision d’éloignement prise à l’encontre de la demanderesse.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18401
Date de la décision : 07/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-07;18401 ?

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