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04/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19336

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mars 2005, 19336


Tribunal administratif Numéro 19336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique extraordinaire du 4 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19336 du rôle et déposée le 22 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, ...

Tribunal administratif Numéro 19336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique extraordinaire du 4 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19336 du rôle et déposée le 22 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 janvier 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 28 février 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mars 2005.

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Le 28 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l'intéressé ne dispose ni d'un titre de voyage, ni d'un document d'identité valables ;

Considérant qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels ;

Considérant qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu'un éloignement immédiat n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement dans l'attente de l'établissement ; (sic) (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 28 janvier 2005.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies, étant donné qu’aucune circonstance de fait n’empêcherait l’autorité compétente de l’éloigner vers le Kosovo depuis le 10 février 2005, date de l’émission par le ministre d’un laissez-passer EU.

En second lieu, le demandeur soutient que la mesure critiquée serait disproportionnée par rapport au but poursuivi par l'autorité administrative et qu’il n’aurait pas été placé dans un établissement approprié.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement relève à titre préliminaire que l’arrêté ministériel déféré, notifié le 1er février 2005, a perdu ses effets en date du 2 mars 2005, date des plaidoiries, de sorte que le recours serait actuellement sans objet dans la mesure où il tend à la réformation de la décision ministérielle et à la libération immédiate du demandeur.

Il est constant que le demandeur n’est plus à l’heure actuelle placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la décision de placement litigieuse, laquelle, limitée à la durée maximum d’un mois en application de l’article 15, alinéa 1er de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, a cessé de produire ses effets à partir du 2 mars 2005, de sorte que la demande de Monsieur …, tendant à voir mettre un terme, par voie de réformation, à la mesure de placement du 28 janvier 2005, seule litigieuse en l’espèce, est à considérer comme étant devenue sans objet.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation développée par le demandeur dans son mémoire en réplique, et réitérée en termes de plaidoiries à l’audience du 2 mars 2005, selon laquelle l’irrecevabilité dont se prévaut la partie étatique serait à rejeter « au motif qu’elle constitue une condition supplémentaire non prévue par la loi et ce en violation de l’article 15, paragraphe (9) de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, telle que modifiée ultérieurement », une telle « irrecevabilité » étant selon le demandeur contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui lui garantirait le droit à un « recours effectif ».

En effet, le fait que le présent recours en réformation soit devenu sans objet ne constitue pas une abnégation du droit du demandeur à un recours effectif, ni une condition supplémentaire insérée dans la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, mais une simple conséquence des caractéristiques inhérentes au recours en réformation, dans le cadre duquel le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d'y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s'opère au moment où il est appelé à statuer. En d’autres termes, le tribunal saisi d’un recours en réformation est appelé à statuer au jour des présentes, de sorte à ne plus pouvoir utilement faire droit à la demande lui adressée par rapport à laquelle il est appelé à statuer, l’acte déféré ayant cessé de produire des effets.

Le tribunal tient par ailleurs à souligner que le demandeur ne saurait s’estimer lésé du fait que son recours en réformation est devenu sans objet, alors que cette conclusion résulte du fait de sa propre carence, consistant à attendre plus de trois semaines - en l’occurrence le 22 février 2005 - pour agir contre un acte pris en date du 28 janvier 2005 et notifié le 1er février 2005 et dont les effets se trouvent être limités par la loi à un mois, et qui devait dès lors nécessairement cesser de produire ses effets le 1er mars 2005. Il en résulte que le demandeur est malvenu de se prévaloir du fait qu’il serait privé de « recours effectif », lorsque l’issue du recours telle que retenue ci-avant ne résulte que de la propre inaction du demandeur, respectivement de celle de son mandataire.

Enfin, il échet de rappeler qu’il ne saurait être question d’une privation de « recours effectif », étant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précité garantit expressément un recours de pleine juridiction contre les décisions de placement, l’issue d’un tel recours dépendant évidemment, outre des qualités intrinsèques de l’acte déféré, également des diligences du demandeur.

En ordre subsidiaire, Monsieur … conclut à l’annulation de la décision litigieuse pour violation de la loi.

Le délégué du Gouvernement en revanche soulève l’irrecevabilité du recours en annulation, au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu par la loi.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 2, p. 661).

Le recours en annulation, non autrement contesté sous ces aspects, est dès lors recevable.

Le tribunal constate que le demandeur ne conteste pas les conditions de fond de la décision de rétention déférée, mais se limite à soulever un défaut de diligences en vue de limiter la rétention au strict nécessaire, d’une part, et le caractère inapproprié de son placement, d’autre part.

En ce qui concerne le moyen tiré d’un défaut de diligences de la part des autorités luxembourgeoises pour écourter au maximum la restriction des libertés de l’intéressé, le tribunal tient à rappeler que dans le cadre d’un recours en annulation, il est appelé à apprécier la décision dévolue par rapport aux circonstances de droit et de fait telles qu’elles existaient au moment où la décision a été prise.

Or il n’est pas contesté qu’en date du 28 janvier 2005, date de la prise de la décision de rétention déférée, le ministre se trouvait dans l’impossibilité, tant juridique que matérielle, d’éloigner le demandeur, celui-ci étant dépourvu de tout document d’identité valable, et son rapatriement devant encore être organisé matériellement, de sorte que le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il est constant que le demandeur est placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig dans la partie destinée exclusivement aux étrangers en situation irrégulière. Il échet à ce sujet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre compétent, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation sans objet et en déboute ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 4 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19336
Date de la décision : 04/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-04;19336 ?

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