La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18186

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mars 2005, 18186


Numéro 18186 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juin 2004 Audience publique du 3 mars 2005 Recours formé par la société civile immobilière T., …, et consorts contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt commercial communal

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18186 du rôle, déposée le 8 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par

Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Lu...

Numéro 18186 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juin 2004 Audience publique du 3 mars 2005 Recours formé par la société civile immobilière T., …, et consorts contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt commercial communal

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18186 du rôle, déposée le 8 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière T., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant unique, et, pour autant que de besoin, de Monsieur …, employé privé en retraite, et de son épouse, Madame …, sans état, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation  des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 1998, 1999 et, pour autant que de besoin, 2000, tous émis le 24 juillet 2003 par le bureau d'imposition sociétés 3,  de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 1er avril 2004, n° C 12240 du rôle, déclarant irrecevable pour cause de tardiveté la réclamation du 7 novembre 2003 à l’encontre des prédits bulletins d’impôt du 24 juillet 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2004 par Maître Monique WATGEN pour compte de la société civile immobilière T., de Monsieur … et de Madame …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décision et bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2005.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

A partir du 29 septembre 1998, la société civile immobilière T., préqualifiée, ci-après désignée par la « société T. », prit en location sous forme d’un contrat de crédit-bail une voiture BMW 528i affectée aux déplacements de son gérant, Monsieur …, également préqualifié, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

Suite au dépôt par la société T. des déclarations d’impôt pour les années 1998 à 2000, comportant notamment une déduction intégrale des loyers payés du chef de la voiture BMW 528i durant ces trois années d’imposition, le bureau d'imposition sociétés 3 de la section sociétés du service d’imposition de l’administration des Contributions directes l’informa, par lettre du 16 juin 2003, de ce qu’il entendait opérer notamment une reprise des frais de voiture à hauteur de 50% et l’invita à présenter ses objections pour le 7 juillet 2003 au plus tard.

Monsieur … prit position par rapport à cette communication du bureau d'imposition par courrier du 1er juillet 2003 à travers lequel il déclara s’opposer à la reprise de 50% des frais de voiture, mais être éventuellement disposé à accepter une reprise de 20% au plus.

En date du 24 juillet 2003, le bureau d'imposition émit à l’égard de la société T. les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives, les bulletins de l’impôt commercial communal et les bulletins de l’établissement de la valeur unitaire pour les années d’imposition 1998 à 2000, opérant tels quels les redressements annoncés dans le courrier prévisé du 16 juin 2003, dont celui de la reprise de 50% des frais de voiture. Les trois bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives comportent tous la remarque générale « redressements selon courrier du 16.07.2003 ».

Par lettre recommandée du 25 juillet 2003, Monsieur … déclara ne pas avoir reçu un « courrier du 16.07.2003 » tel que visé dans les prédits bulletins d’établissement et sollicita la transmission de ce courrier.

N’ayant pas reçu de réponse à cette demande, la société T. fit introduire, par courrier de son mandataire du 7 novembre 2003, une réclamation à l’encontre des bulletins de l’impôt commercial communal des années 1998 et 1999 et, pour autant que de besoin, de l’année 2000 en critiquant la reprise des frais de voiture opérée par le bureau d'imposition.

Par décision du 1er avril 2004, inscrite sous le numéro C 12240 du rôle, le directeur de l’administration des Contributions, ci-après désigné par le « directeur », déclara cette réclamation irrecevable aux motifs énoncés comme suit :

« Vu la requête introduite le 10 novembre 2003 par Maître Monique WATGEN, au nom de la société civile T., L-8314 Capellen, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt commercial communal des années 1998, 1999 et 2000, tous émis le 24 juillet 2003 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les bulletins de l’impôt commercial communal des années 1998, 1999 et 2000 ont été mis à la poste sous pli fermé le 24 juillet 2003 ;

Considérant qu’aux termes des §§ 245 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours jointe aux bulletins entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification, qui en cas de simple pli postal est présumée accomplie le troisième jour ouvrable après la mise à la poste ;

Considérant qu’aux termes de § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant que l’instruction n’a pas révélé de circonstance susceptible de justifier un relevé de forclusion (§§ 86 et 87 AO) ;

Considérant qu’aux termes du § 252 AO la réclamation tardive est irrecevable ;

Considérant à titre superfétatoire que les moyens de forme invoqués par la réclamante, s’ils sont le cas échéant recevables dans le cadre d’un recours dirigé contre les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, ne sauraient cependant servir dans le cadre d’une action dirigée contre les bulletins de l’impôt commercial communal qui ne sont pas concernés ;

P a r c e s m o t i f s dit les réclamations irrecevables ».

Par requête déposée le 8 juin 2004, la société T. et, pour autant que de besoin, Monsieur … et son épouse, Madame …, préqualifiée, ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 1998, 1999 et, pour autant que de besoin, 2000 et de la décision directoriale précitée du 1er avril 2004.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt commercial communal. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours encourt cependant l’irrecevabilité en ce qu’il vise les trois bulletins de l’impôt commercial communal du 24 juillet 2003, étant donné qu’il résulte des dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi prévisée du 7 novembre 1996 qu’en présence d’une décision directoriale ayant vidé une réclamation à l’encontre d’un bulletin d’impôt, un recours contentieux n’est admissible que contre la seule décision directoriale à l’exclusion du bulletin en cause.

C’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dans le chef de Monsieur … et de Madame …, à la fois à l’encontre des bulletins de l’impôt commercial communal critiqués et de la décision directoriale du 1er avril 2004. En effet, ni l’un ni l’autre n’ont établi avoir introduit à l’encontre de ces bulletins de l’impôt commercial communal des réclamations personnelles, lesquelles n’auraient pas été vidées par une décision directoriale depuis plus de six mois. En outre, ils n’étaient pas parties à la décision directoriale du 1er avril 2004, étant donné que la réclamation du 7 novembre 2003 a été introduite au nom de la seule société T..

Il s’ensuit que le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi dans le seul chef de la société T. et pour autant que celle-ci entend déférer au tribunal la décision directoriale du 1er avril 2004. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, la société T. fait valoir que ce serait à tort que le directeur a déclaré sa réclamation irrecevable, au motif que la raison exclusive de son introduction après le délai légal de trois mois résiderait dans la faute commise par le bureau d'imposition qui n’a pas pris position par rapport à sa demande du 1er juillet 2003 en communication du courrier du 16 juillet 2003 énoncé dans les bulletins d’établissement comme se trouvant à la base des redressements opérés dans les bulletins de l’impôt commercial communal déférés.

Elle estime que le silence gardé par le bureau d'imposition face à la demande du 1er juillet 2003 a lésé ses droits en l’empêchant de confectionner une réclamation tenant compte des motifs et de l’import des redressements opérés et qu’elle aurait dès lors pu admettre en toute bonne foi que le délai de réclamation contre les bulletins de l’impôt commercial communal critiqués du 24 juillet 2003 n’aurait commencé à courir qu’à partir de la communication d’une copie dudit courrier du bureau d'imposition du 16 juillet 2003.

Il est incontesté que les bulletins de l’impôt commercial communal critiqués ont été réceptionnés le 25 juillet 2003 par Monsieur … en sa qualité de gérant de la société T., de manière que le délai de réclamation à leur encontre a en principe commencé à courir à partir de cette date pour expirer le 25 octobre 2003 et qu’en conséquence, la réclamation du 7 novembre 2003 parvenue à la direction de l’administration des Contributions directes le 10 novembre 2003 était en principe tardive.

Au vœu du paragraphe 83 (2) AO, le délai de réclamation de trois mois instauré par le paragraphe 228 AO est un délai de forclusion non susceptible d’une prorogation.

En outre, le paragraphe 211 (2) AO, en retenant qu’un bulletin d’impôt obligatoirement écrit doit comporter l’indication des points sur lesquels l’imposition s’écarte de la déclaration d’impôt, érige l’existence et l’indication d’une motivation valable en question relative à la validité du bulletin, mais non pas en motif pour empêcher le cours du délai de réclamation ou l’interrompre.

Il s’ensuit qu’un défaut de communication complète des motifs à la base des points sur lesquels un bulletin d’impôt s’écarte des déclarations d’un contribuable n’a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de réclamation à l’encontre du bulletin en cause.

S’y ajoute par ailleurs que le renvoi dans les trois bulletins d’établissement à un « courrier du 16.07.2003 » pour motiver les redressements opérés doit être considéré, au vu des éléments en cause, comme une simple erreur matérielle et comme visant en réalité le courrier prévisé du bureau d'imposition du 16 juin 2003 renseignant clairement les redressements envisagés par le bureau d'imposition.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le directeur a retenu dans la décision critiquée que la réclamation de la société T. du 7 novembre 2003 était tardive.

La société T. conclut à titre subsidiaire que le directeur aurait dû lui accorder un relevé de forclusion sur base du paragraphe 86 AO, vu qu’autrement il « couvre toutes les bévues commises par ses services et en impute les conséquences au contribuable ». Elle estime que l’omission fautive aurait en l’espèce été commise par le bureau d'imposition et aurait lésé ses droits, de manière qu’elle devrait être assimilée à une absence de faute de sa part et conduire au relevé de la déchéance du droit d’agir contre les bulletins de l’impôt commercial communal émis le 24 juillet 2003.

Aux termes du paragraphe 86 AO, « Nachsicht wegen Versäumung einer Rechtsmittelfrist kann beantragen, wer ohne sein Verschulden verhindert war, die Frist einzuhalten. … ».

Or, l’indication erronée dans des bulletins d’établissement de la date d’un courrier comportant le relevé de redressements opérés et répercutés sur des bulletins de l’impôt commercial communal ne peut être considéré comme circonstance de nature à empêcher légitimement un contribuable à introduire une réclamation dans le délai légal contre ces mêmes bulletins de l’impôt commercial communal, un complément de motivation en tenant compte ayant pu à tout moment être fourni ultérieurement.

Par voie de conséquence, le directeur a valablement pu refuser le relevé de forclusion en l’espèce.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le directeur a déclaré la réclamation de la société T. du 7 novembre 2003 irrecevable pour tardiveté et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation, déclare le recours en réformation irrecevable pour autant qu’introduit par Monsieur … et Madame …, déclare le recours en réformation introduit par la société T. irrecevable dans la mesure où il entreprend les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 1998 à 2000, émis le 24 juillet 2003, reçoit le recours en réformation introduit par la société T. en la forme dans la mesure où il est dirigé contre la décision directoriale du 1er avril 2004, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 3 mars 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18186
Date de la décision : 03/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-03;18186 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award