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02/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18905

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2005, 18905


Tribunal administratif N° 18905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2004 Audience publique 2 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18905 du rôle et déposée le 25 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Stéphanie GUERISSE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Ukraine), de nationalité ukrainienne, placé au Centre de

séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la r...

Tribunal administratif N° 18905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2004 Audience publique 2 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18905 du rôle et déposée le 25 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Stéphanie GUERISSE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Ukraine), de nationalité ukrainienne, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 25 octobre 2004 attribuée au ministre de la Justice portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons médicales ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Stéphanie GUERISSE au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 1er février 2005 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 28 février 2005, en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH, Maître Stéphanie GUERISSE n’ayant été ni présente, ni représentée.

En date du 18 novembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Un recours contentieux introduit par Monsieur … contre la décision du ministre de la Justice du 28 janvier 2004 portant rejet de la prédite demande d’asile fut déclaré non justifié par jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2004, numéro 17755 du rôle.

Suivant courrier de son mandataire du 17 août 2004, Monsieur … introduisit auprès du ministre de la Justice une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons médicales, en affirmant souffrir d’une « maladie pour laquelle le traitement à prendre n’est pas dispensé en Ukraine ».

Par décision du 25 octobre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa de faire droit à cette demande au motif, d’une part, que Monsieur … ne disposerait ni de moyens d’existence personnels suffisants, ni de documents de voyage valables et, d’autre part, qu’il aurait commis plusieurs délits au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte à pouvoir être considéré comme susceptible de troubler l’ordre et la sécurité publics.

Le ministre souligna encore que Monsieur … ne présenterait aucune pathologie médicale empêchant son rapatriement en Ukraine.

Par requête déposée le 25 novembre 2004, inscrite sous le numéro 18905, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision de refus du 25 octobre 2004, attribuée erronément au ministre de la Justice.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision litigieuse. Le tribunal est partant incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant pour sa part été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur prétend être atteint « d’une maladie qui ne peut être traitée en Ukraine alors qu’aucune médication n’est fournie dans son pays d’origine ».

Il fait encore plaider que les motifs de refus avancés par le ministre, à savoir l’absence de moyens d’existence personnels suffisants ne seraient pas pertinents, « alors que la demande se base sur une justification médicale ».

Il estime enfin que sa demande ayant été traitée « de la manière la plus sommaire qui soit et sans aucune considération pour sa condition d’être humain qui a droit à recevoir un traitement », la décision ministérielle de refus déférée devrait encourir la réformation, sinon l’annulation.

Le délégué du Gouvernement résiste à cette argumentation en relevant les nombreux délits commis par le demandeur, ce qui justifierait le refus ministériel dans la mesure où le demandeur représenterait un risque pour l’ordre et la sécurité publics. Il relève encore que si le demandeur argue du fait qu’il serait malade pour justifier d’une impossibilité de travailler, cette maladie ne l’empêcherait en revanche pas de commettre des infractions.

Enfin, il relève que le demandeur n’apporterait aucune précision quant à la maladie dont il souffrirait et quant aux médicaments qui ne seraient prétendument pas disponibles dans son pays d’origine.

Le demandeur fait répliquer à ce sujet que la raison pour laquelle il souhaite rester au Luxembourg se justifierait par le fait qu’il serait atteint « d’une maladie pour laquelle aucun traitement efficace n’existe actuellement, la maladie étant incurable », et explique que s’il existe certes des traitements permettant de retarder le développement de la maladie, traitements cependant onéreux et « qui ne sont pas disponibles dans tous les pays », la maladie est néanmoins incurable.

Enfin, il relève que si le certificat médical versé au dossier ne mentionne pas le nom de la maladie, cette absence se justifierait par la volonté de ne pas faire de lui « un pestiféré ».

La partie étatique, dans le cadre de son mémoire en duplique, estime que le coût du traitement ne serait pas un élément à prendre en compte et précise, pensant avoir identifié la maladie du requérant, que le traitement afférent serait certes onéreux, mais que la question de coût se poserait dans tous les pays, et qu’il serait disponible en Ukraine.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusées à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Confronté à des décisions relevant ainsi d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se limiter à contrôler si la décision lui déférée n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, sans pouvoir substituer à l’appréciation de l’autorité administrative sa propre appréciation sur base de considérations d’opportunité.

Il n’est pas contesté en cause qu’au vœu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une autorisation de séjour peut être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants légalement perçus pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers, et qu’en l’espèce le demandeur n’a pas établi qu’il était, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnerait légalement à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis.

Il n’est de même pas contesté que le demandeur est dépourvu de papiers de légitimation, ni d’ailleurs, au vu des infractions lui reprochées, qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

Il s’ensuit que le ministre pouvait en principe refuser l’autorisation de séjour au demandeur en se fondant sur les prédits motifs.

Il y a cependant lieu d’analyser les motifs ayant amené le ministre à ne pas reconnaître l’existence de raisons humanitaires de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour.

Force est à ce sujet au tribunal de constater que le demandeur reste en défaut de fournir la moindre précision quant à la maladie dont il souffrirait, et reste au contraire fort évasif quant à la nature de celle-ci. Il échet encore de constater que le certificat médical versé en cause indique uniquement que le demandeur souffre d’une « maladie chronique » et qu’il affirme péremptoirement, sans autre justification ou précision, que les médicaments nécessaires ne seraient pas disponibles en Ukraine.

Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir tant la réalité que la gravité éventuelle de la maladie dont il souffrirait que l’absence de possibilités de soins dans son pays d’origine. Le tribunal tient à ce sujet à souligner que l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires relevant du pouvoir discrétionnaire du ministre, il appartient à la personne désireuse d’en bénéficier d’apporter sa pleine et entière collaboration à l’instruction de sa demande, et dans ce contexte d’apporter au plus tard dans le cadre de la procédure contentieuse les précisions requises pour sous-tendre utilement ses prétentions et de mettre le tribunal en mesure d’en vérifier la pertinence.

Force est par ailleurs de constater qu’il ressort de deux avis du contrôle médical, datés respectivement des 22 avril et 13 octobre 2004 que non seulement le médecin-conseil ayant procédé à l’examen du demandeur a conclu à ce que le demandeur « ne présente pas de pathologie médiale empêchant son rapatriement dans son pays », mais surtout qu’il n’a pas jugé opportun de cocher la case « est atteint d’une maladie d’une gravité exceptionnelle nécessitant la poursuite du traitement au Luxembourg » pour une durée déterminée.

Or, si l'étranger reste en défaut d’établir qu’un suivi médical de son état de santé ne peut pas être assuré ou lui est refusé dans son pays d’origine ou qu’il n’établit pas la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue, son état de santé ne justifie pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires (trib. adm. 5 février 2002, n° 15125, confirmé par arrêt du 8 mai 2003, n° 16072C, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 207, p.242).

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme les demandeurs ont pris position par écrit par le fait de déposer leur requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18905
Date de la décision : 02/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-02;18905 ?

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