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02/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18892

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2005, 18892


Tribunal administratif Numéro 18892 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …

(Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo/Etat de ...

Tribunal administratif Numéro 18892 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de leurs 2 enfants mineurs …, tous de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 février 2005.

Le 18 août 2003, Monsieur … et son épouse Madame …, accompagnés de leur enfant mineur … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date des 16 janvier et 21 mai 2004. Madame … renonça à être entendue.

Par décision du 6 septembre 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 13 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa la famille …-

… de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n'invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social. Le ministre a reproché en outre à Monsieur … d’avoir fait de fausses déclarations .

Un recours gracieux daté du 14 octobre 2004 fut rejeté par une décision confirmative du 18 octobre 2004.

Le 22 novembre 2004, la famille …-… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle du 6 septembre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribuanl est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font valoir qu’ils appartiennent à la minorité ashkali et qu’en raison de cette appartenance ils seraient régulièrement victimes de menaces de la part de leurs voisins albanais et qu’ils ne pourraient se déplacer que sous la protection de la KFOR.

A l’audience à laquelle l’affaire était fixée pour plaidoiries, le mandataire des demandeurs explique, en ce qui concerne le mensonge de Monsieur … lors de son audition, qu’il n’aurait pas eu d’autre choix que de mentir afin de pouvoir rester au Luxembourg et il ajoute que les enfants du couple souffriraient lorsque le statut de réfugié serait refusé à leurs parents. Il souligne que la mère des enfants serait gravement malade et qu’il serait douteux qu’elle puisse survivre à un voyage au Kosovo et que le père aurait beaucoup de mal au Luxembourg à soigner son épouse et à accorder à ses deux enfants toute la sollicitude requise.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une seine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de ses auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Au-delà des mensonges auxquels s’est livré Monsieur … au cours de ses deux auditions, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément concret permettant de retenir dans leur chef une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la crainte générale exprimée par les demandeurs d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité Ashkali, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Ashkalis est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est pas cependant telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions.

Or, en l’espèce les demandeurs restent en défaut de soumettre au tribunal des éléments suffisants permettant de retenir dans leur chef des persécutions au sens de la Convention de Genève.

Pour le surplus, les considérations mises en avant par le mandataire des demandeurs quant à l’état de santé déficient de Madame … ne sauraient être prises en considération dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile.

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont les demandeurs font état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18892
Date de la décision : 02/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-02;18892 ?

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