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02/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18861

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2005, 18861


Tribunal administratif N° 18861 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par les époux … et …-… et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18861 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né

le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de son épouse, Madame …-…, née le … (Kosovo/Etat...

Tribunal administratif N° 18861 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par les époux … et …-… et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18861 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de son épouse, Madame …-…, née le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de leurs enfants mineurs…, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 août 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative intervenue sur recours gracieux du même ministre du 11 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 février 2005.

Le 17 septembre 2003 respectivement le 3 novembre 2003, Monsieur …, ainsi que son épouse Madame …-…, accompagnés de leurs deux enfants mineurs … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 17 septembre 2003, respectivement le 3 novembre 2003, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date des 6 novembre 2003 et 1er avril 2004.

Madame …-… fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 17 décembre 2003.

Par décision du 18 août 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 1er septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les consorts …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n’invoquerait aucune crainte de persécution en raison de leurs opinions politique, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de leur mandataire du 4 octobre 2004, les consorts …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 11 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirme sa décision antérieure.

Le 15 novembre 2004, Monsieur et Madame …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs… , ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles visées ci-avant.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribuanl est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font valoir qu’ils sont originaires du Kosovo, qu’ils appartiendraient à la minorité serbe du Kosovo et que leur départ du Kosovo aurait été motivé par le fait qu’ils auraient subi des persécutions en raison de leur appartenance ethnique. Ils précisent à ce sujet qu’ils auraient été persécutés à plusieurs reprises non seulement en raison de leur origine serbe par des éléments de la population albanaise, mais encore du fait que Monsieur … aurait été engagé comme policier réserviste pendant le conflit au Kosovo. Ils ajoutent que le beau-frère de Monsieur … aurait été assassiné en date du 31 août 2004 par des Albanais du fait que ce dernier aurait travaillé à la police comme réserviste avec le demandeur lui-même. Ils reprochent notamment à l’autorité administrative d’avoir fait une appréciation erronée des faits d’espèce en ce sens que ce serait à tort qu’elle est arrivée à la conclusion que les faits par eux relatés ne justifieraient pas dans leur chef une crainte justifiée de persécution en raison de leur appartenance ethnique à la minorité serbe du Kosovo.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef de l’existence d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par les demandeurs d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité serbe, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Serbes est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions.

En effet la seule crainte exprimée en rapport avec une attaque à la bombe ayant eu lieu le 31 août 2003 au village de Ternica où une personne a trouvé la mort ne saurait suffire à cet égard, faute de lien établi ou allégué avec la situation des demandeurs. Il s’y ajoute qu’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève ne saurait être admis dès la commission d’un acte de persécution de la part d’une ou de plusieurs personnes, mais seulement dans l’hypothèse où les autorités spécifiquement compétentes pour la répression des actes de persécution commis encouragent ces actes ou encore sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes. Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut d’établir, voire d’alléguer concrètement que les autorités internationales en place au Kosovo soient incapables de leur offrir une protection adéquate.

De tout ce qui précède il résulte que les craintes dont les demandeurs font état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18861
Date de la décision : 02/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-02;18861 ?

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