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02/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18736

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2005, 18736


Tribunal administratif N° 18736 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de port d’armes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18736 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 octobre 2004 par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … dit …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’an

nulation d’une décision du ministre de la Justice du 19 juillet 2004, rejetant sa demande en ob...

Tribunal administratif N° 18736 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de port d’armes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18736 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 octobre 2004 par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … dit …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 19 juillet 2004, rejetant sa demande en obtention d’une autorisation pour le port, à des fins de tir sportif, d’un pistolet Walther P 22, calibre .22 LR ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Marc WALCH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2005.

Par une décision du 19 juillet 2004, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en obtention d’une autorisation de port d’armes introduite le 16 février 2004 par Monsieur ….

Ladite décision a la teneur suivante :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 16 février 2004 par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour le port, à des fins de tir sportif, d’un pistolet WALTHER P22 cal.

22 Ir.

Or, il résulte de l’enquête menée à ce sujet que vous avez fait l’objet du procès-verbal no. 007/2000 dressé par la Police de Diekirch pour la détention et la cession illégales d’armes prohibées à des personnes non autorisées, ceci en contravention aux dispositions de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

Il ressort plus amplement du procès-verbal en question que non seulement vous avez acquis et détenu de façon illégale des armes prohibées, mais que vous les avez de surcroît cédées à des personnes non autorisées mineures d’âge.

Il convient de mentionner finalement l’avis défavorable du 05 juillet 2004 de Monsieur le Procureur d’Etat de Diekirch, dont copie ci-jointe, avis auquel je me rallie et qui est censé faire partie intégrante de la présente décision.

Par conséquent, comme il est à craindre, sur base de l’ensemble de ces faits, que vous ne fassiez un mauvais usage d’armes en votre possession, l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 2 de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour.

(…) ».

Par requête déposée en date du 19 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision ministérielle de refus précitée du 19 juillet 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision querellée.

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, ni aucune autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour statuer sur la demande principale tendant à la réformation de la décision ministérielle litigieuse.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … estime que ce serait à tort que le ministre de la Justice lui a refusé l’autorisation de port d’armes sollicitée, les faits à la base des motifs invoqués à l’appui de cette décision étant, d’une part, prescrits pour autant que le procès-

verbal n° 007/2000 dressé par la police de Diekirch est concerné, et, d’autre part, basés sur une enquête fausse, qui reposerait exclusivement sur « des rumeurs, ouï-dires et suppositions ».

Le demandeur précise à ce sujet que les faits relevés dans le prédit procès-verbal n° 007/2000 seraient prescrits, et que la prescription étant d’ordre public, le ministre n’aurait pas valablement pu se baser sur ces faits pour motiver sa décision de refus.

Il estime encore que la décision querellée violerait en tout état de cause la loi, étant donné que le ministre n’aurait pas apprécié à sa juste valeur sa situation spécifique et subjective. Il souligne à ce sujet avoir été mineur d’âge à l’époque des faits relatés par le procès-verbal n° 007/2000, et que, ayant pris conscience « de ne pas avoir agi conformément à la loi », il avait « passé des aveux spontanés et complets », et aurait depuis lors fait preuve d’une conduite irréprochable.

Il s’insurge encore avec véhémence à l’encontre de l’enquête diligentée par le commissariat de proximité de Larochette, qualifiée de « secrète, unilatérale et largement tendancieuse », et ne reposant que sur des rumeurs et ouï-dires non vérifiés et non vérifiables, pour prendre position par rapport à chacune des affirmations y contenues.

Enfin, il critique la décision déférée pour constituer un excès de pouvoir, en faisant plaider que l’enquête diligentée par le commissariat de proximité de Larochette aurait violé le nécessaire et élémentaire principe du contradictoire, ledit commissariat ayant par ailleurs procédé à une enquête uniquement à charge du demandeur, « compilant rumeurs, ragots, ouï-

dires, suppositions et spéculations, sans même faire preuve de l’honnêteté intellectuelle d’indiquer ses sources ».

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours. A l’audience publique du 21 février 2005, il a encore précisé que la décision de refus ministérielle ne reposait pas sur les résultats de l’enquête diligentée par la police de Larochette, mais sur les faits retenus dans le procès-verbal n° 007/2000 dressé par la police de Diekirch, et dont la gravité justifierait à suffisance de droit le refus opposé au demandeur.

En ce qui concerne les motifs avancés par le ministre pour justifier sa décision de refus, il y a lieu de rappeler que le juge administratif vérifie les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et examine si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la décision prise est proportionnelle par rapport aux faits établis.

Les dispositions pertinentes des articles 16 et 18 combinés de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions disposent d’une part, que « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables. L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme ».

Il résulte de la combinaison des deux dispositions légales précitées que le refus d’une autorisation de porter des armes et munitions est possible, d’une part, lorsqu’il est établi que l’intéressé n’a plus de motifs valables pour requérir l’autorisation de port d’armes, et, d’autre part, même au cas où des motifs valables persisteraient, sur base de considérations fondées sur le comportement, l’état mental, les antécédents portant à craindre que le titulaire fasse un mauvais usage de l’arme.

En l’espèce, il échet de constater que le ministre de la Justice s’est basé sur le deuxième cas de figure lui permettant de refuser une autorisation de porter des armes.

En matière d’armes prohibées, le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer, de refuser, voire de retirer l’autorisation de porter des armes, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire. Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le ministre peut se baser sur des considérations tirées du comportement du demandeur telles que celles-ci lui ont été soumises dans le cas d’espèce à travers le procès-verbal, qui constitue un moyen licite et approprié pour puiser les renseignements de nature à asseoir sa décision, et cela indépendamment de toute poursuite pénale (cf. Cour adm. 23 novembre 2000, n° 12102C, Pas. adm. 2004, v° Armes prohibées, n° 18, p.56).

En l’espèce, la décision ministérielle repose principalement sur le procès-verbal référencé n° 007/2000 du 13 mars 2000 dressé par le service de recherches et d’enquêtes criminelles de la police de Diekirch, l’enquête diligentée par la police de Larochette n’ayant revêtu, conformément aux explications orales fournies par le délégué du Gouvernement, qu’un rôle mineur dans l’appréciation du ministre.

Il se dégage à ce sujet du prédit procès-verbal référencé n° 007/2000 que le demandeur a vendu 15 armes, pour l’essentiel des armes « soft-air » ou à air comprimé, à des mineurs d’âge, en ayant eu parfaitement conscience de l’illégalité de ses actes, puisqu’il a exigé de la part de certains des acquéreurs le paiement d’une prime de risque (« Gefahrenzulage »).

Il résulte encore de ce même procès-verbal que la police confisqua diverses armes prohibées, dont des armes à air comprimé et une arme blanche, suite à une perquisition chez le demandeur ordonnée par le juge d’instruction près du tribunal d’arrondissement de et à Diekirch.

Le tribunal est par conséquent amené à constater que le demandeur s’est rendu coupable d’un véritable trafic d’armes à l’attention de mineurs d’âges, et ce alors qu’il avait parfaitement conscience de l’illégalité de ses actes, le fait que ce commerce aurait porté sur des armes dont la dangerosité, aux dires du mandataire, serait réduite, n’étant en l’espèce pas pertinent. En effet, non seulement il n’est pas contesté que ces armes se rangent dans la catégorie des armes soumises à autorisation telle que prévue par la loi modifiée du 15 mars 1983 précitée, de sorte qu’il n’appartient pas au tribunal de procéder à une distinction non prévue par le texte légal, mais ces armes, qui tirent chacune des projectiles, sont toutes susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de personnes.

Force est encore de constater que le demandeur était majeur tant à l’époque de la perquisition qu’à celle de certaines des ventes faites à des mineurs.

Il résulte de ce qui précède que le ministre, en se fondant sur le commerce d’armes illicites pénalement répréhensible poursuivi par le demandeur en toute connaissance de son caractère illégal, n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi modifiée du 15 mars 1983 et il a donc légalement pu refuser, au vu de ces faits et du comportement délictuel sous-jacent du demandeur, l’autorisation de port d’armes sollicitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le moyen du demandeur selon lequel les faits lui reprochés seraient de toute façon prescrits, étant donné que la prescription se limite à mettre un terme à l’action publique, mais n’efface pas l’existence des faits à sa base (trib.

adm. 25 octobre 2004, n° 18326, confirmé par arrêt du 17 février 2005, n° 18925C, non encore publiés).

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18736
Date de la décision : 02/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-02;18736 ?

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