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02/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18545

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2005, 18545


Tribunal administratif N° 18545 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … en matière d’autorisation de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18545 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 août 2004 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’a...

Tribunal administratif N° 18545 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2004 Audience publique du 2 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … en matière d’autorisation de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18545 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 août 2004 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 6 mai 2004 faisant droit à une demande en autorisation de bâtir présentée le 13 mai 2003 par… , sise à L-…, au nom et pour compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-7535 Mersch, 18, rue de la Gare, et portant sur la construction d’un immeuble à caractère résidentiel sur la parcelle sise à Luxembourg, … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 27 août 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée au mandataire de Madame … ainsi qu’au mandataire de la société … s.à r.l. en date du 14 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée au mandataire de Madame … ainsi qu’au mandataire de la Ville de Luxembourg en date du 14 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Marc THEWES au nom de Madame … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue par voie de télécopie adressée au mandataire de la Ville de Luxembourg ainsi qu’au mandataire de la société … s.à r.l. en date du 14 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 par Maître Jean MEDERNACH pour compte de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée au mandataire de Madame … ainsi qu’au mandataire de la société … s.à r.l. en date du 11 février 2005 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 par Maître Victor ELVINGER en nom de la société … s.à r.l. ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée au mandataire de la Ville de Luxembourg ainsi qu’au mandataire de Madame … en date du même jour ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Emanuelle WIOT, en remplacement de Maître Marc THEWES, Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH et Victor ELVINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2005.

Suivant autorisation de bâtir du 6 mai 2004,référencée sous le numéro 499.1A.2003, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg accorda à la société … l’autorisation pour la construction d’un immeuble à caractère résidentiel sur la parcelle sise 10, rue … à Luxembourg sur base notamment des plans et des pièces présentés à l’appui de la demande présentée le 13 mai 2003 par … pour compte de la société bénéficiaire de cette autorisation.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 août 2004, Madame …, propriétaire d’une maison d’habitation avoisinant la parcelle devant recevoir la construction sous autorisation, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prévisée du bourgmestre du 6 mai 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Quant au recours subsidiaire en annulation, la société tierce intéressée … conclut à son irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir vérifié dans le chef de la demanderesse au motif que les arguments invoqués tirés des problèmes éventuels de circulation ne seraient pas pertinents.

Force est cependant de constater que le voisin direct longeant le terrain devant accueillir la construction projetée et ayant une vue immédiate sur celui-ci a qualité et intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation de construire, ceci d’autant plus qu’il se base sur des considérations de vue tirés d’arguments relatifs aux reculs1.

Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer que la voirie qui servira d’unique accès à l’immeuble projeté serait étroite et sinueuse et ne permettrait pas le croisement de deux voitures, de même qu’elle accuserait une forte déclivité et n’aurait aucune issue, de sorte que par sa configuration elle ne serait pas apte à faire face à un accroissement de circulation tel qu’il serait forcément induit par la présence d’une résidence à cet endroit.

Elle fait valoir ensuite qu’eu égard à l’importance de la construction prévue et de ses incidences massives sur l’infrastructure environnante, ainsi que compte tenu de l’intention de la société … de réaliser un lotissement dans un but de revente et partant de spéculation, ce projet aurait dû être soumis préalablement à l’établissement d’un projet d’aménagement particulier, ci-après « PAP », ceci conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

Quant à ce premier moyen relatif à l’absence de PAP, la Ville de Luxembourg rétorque que le terrain concerné est classé en zone d’habitation 3 (H3), de manière à être éligible pour recevoir des constructions allant jusqu’à une hauteur de 11,5 mètres et pouvant recevoir trois niveaux pleins. Il se situerait par ailleurs aux abords d’une voie achevée, étant desservi par la rue …. Dans la mesure où le terrain concerné a une contenance inférieure à 20 ares, en l’occurrence 18,35 ares, la partie défenderesse estime qu’il ne saurait être compris comme étant de grande envergure. Faute de remplir cette condition, le projet ne serait dès lors pas soumis à l’obligation d’établissement d’un PAP.

Elle signale en outre que le projet a été réalisé sur base du mécanisme de transposition des volumes et des surfaces tel que prévu à l’article A.0.9. de la partie écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, ci-après « PAG », qui prévoit la possibilité d’autoriser la construction d’un immeuble dépassant la bande de 1 Cf. trib. adm. 4 juin 1997, n° 9278 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 23 et autres références y citées, p. 556 construction admissible, opération qui aurait permis justement la réalisation en l’espèce d’une construction s’intégrant d’une façon la moins gênante possible par rapport à la topographie du terrain, tout en réduisant d’un étage la hauteur de la construction par rapport à ce qui était admissible en zone H3.

La société … s.à r.l. rejoint la Ville de Luxembourg dans son argumentation relativement à ce premier moyen basé sur l’absence de PAP en faisant valoir qu’il s’agit de la construction d’une seule et simple résidence remplissant par ailleurs toutes les conditions prévues par le règlement des bâtisses, pour conclure à l’absence d’obligation en l’espèce de recourir à l’établissement d’un PAP.

Conformément aux dispositions de l’article 1er, c) de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, applicable au jour de la prise de la décision litigieuse, l’obligation d’avoir un projet d’aménagement incombe « aux associations, sociétés ou particuliers qui entreprennent de créer ou de développer des lotissements de terrains ou de groupes d’habitation. » La même disposition spécifie in fine qu’« on entend par groupe d’habitations deux maisons ou plus occupant un terrain qui, en raison de son étendue, de sa situation et de la condition du propriétaire, est destiné à être soumis à un lotissement. » S’agissant en l’occurence non pas d’un groupe d’habitations de deux maisons ou plus, mais d’une résidence unique, de taille urbaine classique, ne se distinguant point par l’occupation d’un terrain d’une envergure particulière inhabituelle, ladite disposition légale ne saurait trouver application en l’espèce, de sorte que le premier moyen présenté par la demanderesse laisse d’être fondé.

En effet, le terrain concerné ne saurait être considéré comme étant destiné à être soumis à un lotissement, alors que d’après les dispositions générales du plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg, il est susceptible de recevoir une construction de trois étages, et partant destiné, par essence, à recevoir des projets du type de celui faisant l’objet de l’autorisation litigieuse, voire plus imposant encore au niveau du gabarit autorisable.

La partie demanderesse conclut ensuite au non-respect des distances de construction prescrites, en faisant valoir que la construction envisagée serait parallèle à la rue de Muhlenbach et non à la rue …, par rapport à laquelle la parcelle choisie pour accueillir la construction ne présenterait qu’un front de rue relativement restreint, de manière à devoir être qualifiée de construction en deuxième position par rapport à la rue de Muhlenbach. Dans cet ordre d’idées, elle conclut à une violation des dispositions de l’article A.0.10 de la partie écrite du PAG suivant lesquelles la construction de deux immeubles non joints sur une même parcelle ne pourrait être autorisée que sous condition que ces constructions respectent entre elles un espace libre d’au moins 15 mètres et sur toutes les autres limites une marge de reculement égale ou supérieure au recul postérieur imposé pour la construction principale. Elle relève en outre que la hauteur de l’immeuble situé en deuxième position devrait être diminuée d’un niveau par rapport à l’immeuble donnant sur la rue et que la mise en valeur des terrains adjacents ne devrait pas être rendue impossible, de même que toute construction située en deuxième position devrait disposer d’un accès imprenable à partir de la voie desservante permettant le passage des véhicules d’intervention urgente.

La Ville de Luxembourg rétorque que la rue desservante ne serait pas la rue de Muhlenbach, mais la rue …, de sorte que les arguments articulés par la demanderesse relativement à l’article A.0.10 de la partie écrite du PAG seraient sans fondement en l’espèce, la construction autorisée étant en effet alignée sur la rue Ferrant, y compris sur la limite de l’aire de rebroussement imposée, de sorte à ne pas se trouver en deuxième position. Elle signale pour le surplus que l’immeuble résidentiel critiqué, suite à la transposition des volumes et des surfaces, aurait été réduit d’un étage pour mieux s’intégrer dans le tissu urbain environnant, ceci sur base de l’article A.0.9 de la partie écrite du PAG, de sorte qu’elle pourrait valablement dépasser la bande de construction admissible.

Il se dégage clairement des pièces versées en cause et plus particulièrement de l’extrait du plan cadastral concerné que la parcelle devant recevoir la construction litigieuse, inscrite sous le numéro 384/2497, est sise aux abords de la rue … et que l’immeuble projeté est prévu d’être desservi à partir de cette rue, de sorte que l’argumentation consistant à soutenir qu’il s’agirait d’une construction en deuxième ligne par rapport à la rue de Muhlenbach laisse d’être pertinente.

Il se dégage en effet tant de la lettre que de l’esprit de l’article A.0.10 de la partie écrite du PAG que les constructions en deuxième position s’entendent sur une même parcelle en ce sens que tant la construction principale que celle située en deuxième position disposent d’un accès à partir de la même voie desservante, hypothèse qui ne se trouve pourtant nullement vérifiée en l’espèce.

La demanderesse conclut ensuite à une violation de l’article 17.1 du règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg, ci-après « Rb », en ce sens que les emplacements de stationnement pour véhicules prévus n’auraient pas des accès faciles et permanents sur la voie publique tenant compte des impératifs de la sécurité de la circulation et que cette disposition ne saurait par ailleurs être respectée en l’espèce, alors que de tels emplacements ne seraient matériellement pas réalisables compte tenu de l’agencement des lieux et de la voirie existante dans la rue Ferrant.

La Ville de Luxembourg se réfère aux plans autorisés pour faire constater que le nombre d’emplacements prévu serait conforme à la loi, tout en précisant que les places de parkings sont accessibles par la rue …, la société … se ralliant à cette prise de position.

Dans son mémoire en réplique la demanderesse estime que les parties défenderesse et tierce intéressée seraient non fondées dans leur argumentation alors qu’elles ne se donneraient pas la peine d’expliquer en quoi l’immeuble projeté serait conforme aux dispositions de l’article 17 du Rb.

La Ville de Luxembourg rétorque que l’article 17.2 du Rb prévoit qu’au minimum un emplacement de stationnement par logement doit être fourni et que la construction projetée comportant 16 appartements, accuserait un nombre de 26 emplacements de stationnement.

Force est de constater qu’eu égard au nombre non contesté en cause d’emplacements de stationnement prévus, la demanderesse reste en défaut d’établir concrètement en quoi les dispositions pertinentes du règlement sur les bâtisses relatives aux emplacements de stationnement auraient été violées, étant entendu qu’il ne suffit pas, eu égard aux exigences de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de faire état de manière générale de la violation d’une disposition réglementaire, la requête introductive d’instance devant comporter, au-delà, l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués avec suffisamment de précision pour permettre tant aux parties qu’au tribunal d’entrevoir le cadre légal précis par rapport auquel une violation est alléguée.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’en l’état, le moyen basé sur une violation de l’article 17.1 du Rb laisse d’être fondé.

La demanderesse reproche finalement au bourgmestre de s’être livré à une erreur manifeste d’appréciation en autorisant une construction dont l’implantation serait manifestement inappropriée, alors que par son étendue et par son importance, la construction litigieuse aurait inmanquablement des incidences massives sur l’infrastructure environnante et la situation des riverains de la rue Ferrant. Elle estime pour le surplus que l’entrave à la qualité de vie des riverains par la construction projetée relèverait de la salubrité, de la tranquillité et de la sûreté publiques auxquelles le bourgmestre aurait dû avoir égard pour autoriser ou refuser une construction, que l’implantation de l’immeuble sur la parcelle concernée serait dénuée de tout sens urbanistique et qu’elle irait à l’encontre de tout principe de bon aménagement local.

Le bourgmestre, confronté à une demande d’autorisation de construire, est tenu d’instruire celle-ci sur base de la réglementation urbanistique applicable, de même que le tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation en la matière, est amené à vérifier si la décision litigieuse est légalement motivée. Force est de constater en l’espèce que le principe même de l’érection d’un immeuble résidentiel sur la parcelle concernée s’inscrit clairement dans les prévisions de la réglementation urbanistique applicable, de sorte qu’en l’absence de critiques dirigées spécifiquement contre le recours que le bourgmestre a eu aux dispositions de l’article A.0.9. de la partie écrite du PAG pour procéder à la transposition des volumes, il ne saurait se voir utilement adresser le reproche d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en autorisant la construction d’un immeuble résidentiel en l’endroit concerné. Il n’appartient en effet en aucun cas au bourgmestre de mettre en échec la réglementation urbanistique communale sur base de considérations générales tenant notamment à la qualité de vie des riverains, voire à son propre sens d’un bon aménagement local, étant donné que le bourgmestre, ès-qualité, n’a pas compétence pour définir de manière générale l’aménagement local.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme. Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18545
Date de la décision : 02/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-02;18545 ?

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