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01/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19004C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 mars 2005, 19004C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19004 C Inscrit le 14 décembre 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 1er MARS 2005 Recours formé par …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 15 novembre 2004, no 18169 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décem...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19004 C Inscrit le 14 décembre 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 1er MARS 2005 Recours formé par …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 15 novembre 2004, no 18169 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2004 par Maître Aurore Gigot, avocat à la Cour, au nom d’…, né le … à … (Tchétchénie/Fédération de Russie), de nationalité tchétchène et de citoyenneté russe, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 15 novembre 2004, à la requête de l’actuel appelant contre une décision du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 janvier 2005 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport ainsi que Maître Aurore Gigot et la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18169 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 par Maître Deidre Du Bois, avocat à la Cour, assistée de Maître Aurore Gigot, avocat, …, né le … à Grozny (Tchétchénie/Fédération de Russie), de nationalité tchétchène et de citoyenneté russe, demeurant actuellement à L-…, a demandé principalement la réformation et subsidiairement l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 mai 2004, confirmative d’une décision du même ministre du 26 mars 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme non fondée.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 15 novembre 2004, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Aurore Gigot, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 14 décembre 2004.

L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause, alors que ce serait à tort que les premiers juges auraient estimé que sa demande reposerait sur une fraude délibérée pour avoir été déposée moyennant recours à une fausse identité.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 10 janvier 2005 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le même article 6 précise dans son alinéa 2, d) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « délibérément omis de signaler qu’il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités ».

Les cas énumérés à l’article 6, alinéa 2, sub a) à g) constituent non pas des conditions supplémentaires à remplir dans le chef d’un demandeur d’asile pour voir sa demande d’asile considérée comme manifestement infondée au sens de l’alinéa 1er du même article, mais traduisent des illustrations de ce que le législateur a envisagé d’une manière plus générale à l’alinéa 1er de l’article 6 prévisé, de sorte que le demandeur d’asile qui range dans une des hypothèses plus particulièrement envisagées à l’alinéa 2 de l’article 6 peut en principe automatiquement être considéré comme ayant présenté une demande d’asile manifestement infondée au sens de l’alinéa 1er de l’article 6, sans que le ministre n’ait besoin d’établir au-

delà des éléments caractérisant le cas pertinent énuméré à l’alinéa 2 de l’article 6, également le caractère frauduleux de l’objectif de la demande lui adressée, celui-ci se dégageant précisément des éléments constitutifs des différents cas plus particulièrement envisagés.

Or, en l’espèce, le tribunal administratif a à bon droit retenu qu’il ressort du dossier administratif que le demandeur avait précédemment séjourné aux Pays-Bas et y avait présenté une demande d’asile sous le nom de « … » et que les deux interprètes, présentes lors des auditions respectives du demandeur en date des 6 mai 2003 et 12 mars 2004, ont attiré l’attention de l’agent du ministère de la Justice sur le fait qu’… ne maîtrisait qu’approximativement la langue russe. A cela s’ajoute que le demandeur est lui-même en aveu de ne pas parler le tchétchène.

2 A partir du moment où il est établi que le cas d’un demandeur d’asile correspond à l’un des cas plus particulièrement envisagés à l’alinéa 2 de l’article 6, le demandeur ne peut éviter que sa demande ne soit automatiquement rejetée qu’en donnant, en application des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 6, une explication satisfaisante relative à la fraude lui reprochée.

Force est cependant de constater avec les premiers juges que le demandeur ne fournit aucune explication, mais se contente de contester la réalité des renseignements transmis par les autorités néerlandaises d’après lesquelles il a antérieurement présenté une demande d’asile aux Pays-Bas sous une autre identité. De telles contestations ne sauraient cependant énerver cette conclusion non ambiguë, se dégageant de la vérification par comparaison des empreintes digitales. Pour le surplus, cette conclusion se trouve encore corroborée par la mauvaise connaissance de la langue russe par …, de sorte que la demande d’asile sous analyse repose sur une fraude délibérée et constitue un recours abusif aux procédures d’asile.

La demande subsidiaire reformulée en instance d’appel visant à voir ordonner une nouvelle prise de ses empreintes digitales est à rejeter, alors que le demandeur omet de fournir le moindre élément de nature à mettre en évidence une défaillance au stade de la première comparaison effectuée.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a pu considérer que la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour reposer sur une fraude délibérée.

Comme l’ont souligné à juste titre les premiers juges, toute demande d’asile remplissant les conditions fixées par l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, de sorte à pouvoir être rejetée comme étant manifestement infondée, peut également, et a fortiori, être considérée comme simplement non fondée au sens de l’article 11 de la même loi alors que le fait de faire application des dispositions des articles 11 et 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 au lieu de celles contenues aux articles 9 et 10 de la même loi ne saurait en aucune manière préjudicier au demandeur d’asile qui, au contraire, bénéficie ainsi de garanties de procédure plus étendues, dans la mesure où il pourra introduire un recours en réformation devant les juridictions administratives et où les délais d’instruction au niveau administratif et au niveau juridictionnel ne comportent pas la même limitation dans le temps que ceux prévus au sujet des demandes d’asile déclarées manifestement infondées (Cour adm. 19 février 2004, n° 17263C ; Cour adm. 19 février 2004, n° 17264C).

A partir de ces considérations, le tribunal administratif a à bon escient constaté que la décision litigieuse est justifiée dans son résultat en ce qu’elle a rejeté comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée la demande du demandeur en obtention du statut de réfugié.

Le jugement du 15 novembre 2004 est partant à confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 14 décembre 2004, 3 le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 15 novembre 2004 dans toute sa teneur, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19004C
Date de la décision : 01/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-01;19004c ?

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