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28/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18723

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 février 2005, 18723


Tribunal administratif Numéro 18723 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2004 Audience publique du 28 février 2005

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Recours formé par Monsieur XXX, … contre une décision du directeur général de la police grand-ducale et deux décisions du ministre de l’Intérieur en présence de Monsieur YYY, … en matière de changement d’affectation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18723 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2004 par Maître Monique WATGEN, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, commiss...

Tribunal administratif Numéro 18723 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2004 Audience publique du 28 février 2005

============================

Recours formé par Monsieur XXX, … contre une décision du directeur général de la police grand-ducale et deux décisions du ministre de l’Intérieur en présence de Monsieur YYY, … en matière de changement d’affectation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18723 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2004 par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, commissaire en chef auprès de la police grand-ducale, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une décision du directeur général de la police grand-ducale du 1er juillet 2004 refusant sa candidature au poste de commandant du commissariat de proximité de …, 2) d’une décision confirmative, rendue sur réclamation, par le ministre de l’Intérieur le 15 juillet 2004, ainsi que 3) d’un arrêté indiqué comme ayant été pris en date du 30 juin 2004 par le ministre de l’Intérieur et nommant par voie de changement d’affectation Monsieur YYY, commissaire en chef, au poste de commandant du commissariat de proximité de … avec effet au 1er juillet 2004 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 22 octobre 2004 portant signification de ce recours à Monsieur YYY, demeurant à L-8077 Bertrange, 10, rue de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur YYY ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée en date du 17 décembre 2004 au mandataire de Monsieur XXX ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2005 par Maître Monique WATGEN pour compte de Monsieur XXX ;

1Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue par voie de télécopie adressée en date du 4 janvier 2005 au mandataire de Monsieur YYY ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 février 2005 par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Monique WATGEN, Georges PIERRET et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 février 2005.

Suivant note de service référencée sous le numéro 65/2004 du 2 juin 2004, le poste de commandant du commissariat de proximité de la police grand-ducale de … fut déclaré vacant pour le 1er juillet 2004. Monsieur XXX, commissaire en chef affecté à la section 31- sociétés et associations - du service de police judiciaire, s’adressa à la direction générale de la police par courrier du 8 juin 2004 pour soumettre sa candidature au poste en question.

Par courrier du 1er juillet 2004, la direction générale de la police grand-ducale informa Monsieur XXX de ce que « sa candidature (réf 2004/34770/303 et 2004/34770/351) pour le poste de commandant du commissariat de proximité de … n’a pas été retenue comme proposition d’affectation à Monsieur le ministre de l’Intérieur pour des raisons d’intérêt de service :

- l’un des objectifs majeurs de la réorganisation du SPJ étant de prévoir un renforcement maximal de ses effectifs, donc d’éviter à court terme le départ de fonctionnaires qualifiés. Les renforts en personnel serviront notamment à réduire le délai d’exécution des enquêtes judiciaires en cours au SPJ.

Cette motivation a été communiquée à Monsieur le ministre de l’Intérieur par notre courrier du 21 juin 2004 (…) et préalablement à toute prise de décision d’affectation par cette autorité compétente concernant le poste brigué par l’intéressé ».

Par courrier du 12 juillet 2004, Monsieur … s’adressa au ministre de l’Intérieur pour lui soumettre une réclamation contre la proposition de nomination de Monsieur YYY au poste par lui brigué.

Le ministre refusa de faire droit à cette réclamation par courrier du 15 juillet 2004 libellée comme suit :

« Monsieur, En réponse à votre réclamation que vous avez introduite le 12 juillet 2004, je vous prie de bien vouloir noter que votre candidature au poste vacant de commandant du commissariat de proximité de … n’a pas été retenue pour des raisons de service.

2 Dans le cadre de la récente réorganisation du Service de Police Judiciaire, un nouvel organigramme a été arrêté le 10 juillet 2003 par les Ministres de la Justice et de l’Intérieur, créant notamment un certain nombre de section nouvelles, entre autres une section « anti-

blanchiment », une section « nouvelles technologies », une section « entraide judiciaire internationale », une section « banques, assurances, bourse et fiscalité », ainsi qu’une section « sociétés et associations » à laquelle vous êtes affecté. Cette mesure a pour objectif d’évacuer plus rapidement les affaires dans le domaine de la criminalité économique et financière. Il est évident qu’un travail efficace et rapide peut uniquement être accompli par du personnel qualifié en nombre suffisant. Il serait dès lors contraire à l’intérêt du service d’extraire de ce service un enquêteur très qualifié en charge de dossiers qui sont à traiter de façon prioritaire. (…) ».

Par arrêté du 28 juin 2004, le ministre de l’Intérieur nomma le commissaire en chef YYY au poste de commandant du commissariat de proximité de … avec effet au 1er juillet 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2004, Monsieur XXX a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision du directeur général de la police grand-ducale du 1er juillet 2004 refusant sa candidature au poste en question, 2) de la décision confirmative rendue sur réclamation par le ministre de l’Intérieur le 15 juillet 2004, ainsi que 3) de l’arrêté ministériel prévisé du 28 juin 2004, erronément indiqué comme datant du 30 juin 2004 dans la requête introductive d’instance.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du directeur général de la police du 1er juillet 2004 au motif que cet acte ne constituerait pas une véritable décision de nature à faire grief. Il précise dans ce contexte que le directeur général a transmis le 21 juin 2004 la candidature de Monsieur XXX au ministre de l’Intérieur, de sorte à n’avoir fait que donner son avis au sujet de cette candidature.

Il se dégage du libellé même du courrier prérelaté du 1er juillet 2004 qu’il n’a pas pour objet de refuser la candidature de Monsieur XXX au poste par lui brigué tel que soutenu à l’appui de la requête introductive d’instance, mais qu’il s’agit d’une simple information portée à la connaissance de l’intéressé relativement au fait que sa candidature n’a pas été retenue comme proposition d’affectation au ministre compétent, sous la précision que cette motivation a été communiquée préalablement à toute prise de décision d’affectation à l’autorité compétente, en l’occurrence, le ministre de l’Intérieur.

Il se dégage encore clairement des pièces versées au dossier par le délégué du Gouvernement que par courrier du 21 juin 2004, le directeur général de la police grand-ducale a soumis au ministre de l’Intérieur différentes propositions dont notamment celle de Monsieur YYY pour le poste de commandant du commissariat de proximité de …, tout en ayant spécifié expressément que « le commissaire en chef XXX du Service de Police Judiciaire est le deuxième en rang ayant postulé pour ce poste. Etant donné que les effectifs de ce service ne peuvent être réduits à l’heure actuelle et vu les difficultés de recrutement existantes ainsi que 3les conclusions avancées par le directeur du service de police judiciaire, j’avise défavorablement la demande de l’intéressé ».

Dans ces conditions, le tribunal ne saurait suivre l’argumentation présentée par le demandeur consistant à dire que le directeur général de la police n’aurait pas soumis sa demande de nomination à l’autorité compétente et prononcé un refus implicite à la demande concernée, de sorte à avoir oté à cette autorité une compétence expressément prévue dans son chef par la loi du 31 mai 1999 sur la police et l’inspection générale de la police, en son article 25, alinéa 4.

Il se dégage en effet clairement des courriers échangés que le directeur général de la police n’a fait qu’aviser défavorablement la candidature du demandeur sans pour autant se substituer au ministre compétent pour la prise de décision.

A défaut pour le courrier déféré du 1er juillet 2004 de comporter l’élément décisionnel allégué à l’appui du recours, le recours en annulation dirigé contre cet acte est partant irrecevable.

La partie tierce intéressée conclut dans son mémoire en réponse en outre à l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel déféré du 28 juin 2004. Elle fait valoir à cet égard que le demandeur en aurait eu connaissance de cet acte au moins avant le 12 juillet 2004, date à laquelle il a fait parvenir un courrier au ministre de l’Intérieur afin de contester sa propre nomination, de sorte que le délai de trois mois prévu en la matière pour l’introduction d’un recours aurait été dépassé.

Force est de relever à cet égard que la réclamation introduite le 12 juillet 2004 auprès du ministre de l’Intérieur a eu pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux à l’encontre de l’arrêté ministériel du 28 juin 2004, eut-il valablement commencé à courir, de sorte que le délai de recours a commencé en l’espèce à courir à partir de la notification de la nouvelle décision rendue sur réclamation par le ministre de l’Intérieur en date du 15 juillet 2004, ceci conformément aux dispositions de l’article 13 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté laisse d’être fondé.

Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

Conformément aux dispositions de l’article 22 de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée, la fonction de commissaire en chef revêtue par les sieurs XXX et YYY s’inscrit dans le cadre des carrières d’inspecteur. Il s’ensuit que conformément aux dispositions de l’article 25, alinéa 4 de la même loi, les membres de cette carrière sont nommés et promus par le ministre qui les affecte aux emplois ou les en désaffecte, étant entendu que le ministre compétent, à la date de la prise des décisions litigieuses, était le ministre de l’Intérieur, ceci conformément à l’arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des ministères.

Le demandeur conclut d’abord à l’illégalité de l’arrêté ministériel du 28 juin 2004 en faisant valoir que la décision de refus de le nommer au poste par lui brigué aurait été prise non 4pas par le ministre de l’Intérieur, mais par le directeur général de la police à travers son courrier prérelaté du 1er juillet 2004. Il en déduit que la décision confirmative rendue par le ministre de l’Intérieur le 15 juillet 2004 n’aurait pas non plus pu ratifier après coup la décision du 28 juin 2004 entachée d’illégalité pour cause d’incompétence, alors qu’une décision nulle ne pourrait pas être régularisée.

Tel que relevé plus amplement ci-avant dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours dirigé contre le courrier du directeur général du 1er juillet 2004, il se dégage clairement des pièces versées au dossier que ce n’est pas le directeur général de la police grand-ducale qui est l’auteur de la décision de refus litigieuse, mais bien le ministre de l’Intérieur qui, en nommant par arrêté ministériel du 28 juin 2004 le commissaire en chef YYY au poste en question, a implicitement refusé de retenir pour le même poste la candidature du demandeur qui lui a été continuée en bonne et due forme par le directeur général. Il s’ensuit que le moyen d’incompétence ainsi soulevé laisse d’être fondé dans tous ses volets.

Le demandeur reproche ensuite à la décision litigieuse du ministre de l’Intérieur du 28 juin 2004, ainsi qu’à celle confirmative sur réclamation du 15 juillet 2004, de ne pas être légalement motivées à suffisance. Il conteste plus particulièrement le motif de refus basé sur l’intérêt du service en faisant valoir que sa demande de nomination au poste de commandant du commissariat de proximité de … n’aurait en rien eu pour effet de perturber le fonctionnement tant du service de police judiciaire en général que du service « sociétés et associations » de la section financière en particulier. Il signale dans ce contexte que tant l’ancienne section économique et financière que les sections économique et financière fonctionnant à l’heure actuelle auraient de tout temps accusé des départs de fonctionnaires– enquêteurs jouissant de la même qualification que lui-même, sinon d’une qualification supérieure.

Il cite à titre d’exemple les commissaires en chef … et… , qui successivement auraient assumé les fonctions de chef de section, partant des fonctions clés de la section financière, et qui auraient joui en cette qualité d’une haute qualification en tant qu’enquêteurs et d’une grande expérience en matière financière, mais qui auraient néanmoins été affectés au poste de secrétaire auprès de la direction du SPJ et n’assumeraient depuis cette nomination plus aucune fonction comme enquêteurs, sans que toutefois leur départ de la section financière n’ait suscité le moindre problème. Il se réfère ensuite au premier commissaire divisionnaire… , qui aurait été affecté à l’inspection générale de la police en tant qu’universitaire licencié en sciences politiques et économiques, sans que le départ de cet enquêteur à qualification supérieure à la sienne n’ait suscité le moindre problème pour le service qu’il a quitté, ainsi qu’au commissaire principal … , également un enquêteur à haute qualification pour les dossiers financiers, qui aurait été détaché à partir du 6 septembre 2004 à l’école de police au centre d’instruction militaire de Diekirch pour y intégrer le service « Instruction tactique de base », dont le départ n’aurait pas non plus suscité de problème au niveau de la section financière du SPJ. Il cite finalement d’autres fonctionnaires ayant antérieurement été affectés à la section économique et financière du SPJ et qui ne se seraient pas vu opposer un refus à leur demande de mutation, en l’occurrence les commissaires en chef… , … , … et….

Compte tenu de ces différents exemples, le demandeur estime qu’il ne serait pas équitable de lui opposer en l’espèce l’intérêt du service, étant donné que cette notion s’avérerait être une notion arbitraire dans le contexte particulier sous examen.

5 Il donne à considérer pour le surplus que si l’intérêt du service était un motif permettant à l’autorité de nomination de refuser carrément toute demande de mutation émanant d’un membre du SPJ, tandis que ce même intérêt ne s’opposerait pas pour autant à une demande de mutation émanant d’un autre membre du corps de police grand-ducale, cette pratique reviendrait à créer, à l’intérieur du corps de police, deux entités suivant des régimes différents quant aux conditions de nomination, sans que la loi ne permette pour autant de faire cette distinction. Il relève en outre qu’aucun avantage financier ou autre ne s’attacherait à la qualité d’agent affecté au SPJ, pour soutenir qu’un tel blocage de toute demande de mutation des agents concernés ne saurait se justifier légalement.

Le demandeur critique ensuite les décisions déférées en faisant état de leur contrariété par rapport à une pratique courante suivie depuis toujours par la direction de la police consistant à accorder une priorité de nomination aux candidats à un poste se positionnant devant tous les autres candidats au niveau du tableau d’ancienneté, étant entendu que cette pratique se dégagerait d’ailleurs du libellé même de la note de service prévisée du 2 juin 2004 en ce qu’elle fait appel aux candidatures pour le poste litigieux dans les termes suivants :

« l’ensemble des commissaires en chef et les commissaires se trouvant en rang utile jusqu’aux commissaire … pourront postuler pour ce poste ». Dans la mesure où il devancerait le commissaire en chef YYY de 45 rang au tableau d’avancement, il estime dès lors que le poste aurait dû lui être accordé. Il fait valoir à cet égard qu’une pratique généralement suivie par l’administration interdirait à cette dernière de s’en écarter dans un cas individuel et lui imposerait de respecter les règles qu’elle s’est elle-même données, à moins que des circonstances très exceptionnelles, non vérifiées en l’espèce, ne justifient une dérogation à cette pratique.

Le délégué du Gouvernement fait état dans son mémoire en réponse du rapport complémentaire du 22 octobre 2002 sur le fonctionnement du SPJ établi par l’inspection générale de la police, pour conclure qu’il ne serait pas dans l’intérêt du service de désaffecter Monsieur XXX de son unité, d’autant plus qu’il s’agirait d’un enquêteur très expérimenté dans le domaine de la lutte contre la criminalité économique et financière. Quant aux différents exemples invoqués pour illustrer une illégalité de traitement à l’égard de Monsieur XXX, le représentant étatique rétorque que les départs incriminés auraient été autorisés avant la réorganisation du SPJ mise en œuvre après publication du nouvel organigramme signé conjointement le 10 juillet 2003 par les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Pour ce qui est plus particulièrement de la situation professionnelle du premier commissaire principal… , il signale qu’il n’aurait été détaché que temporairement à l’école de police pour y superviser l’instruction tactique de base des volontaires de police et que dès cette phase de formation serait terminée, il retournerait à son poste initial.

Quant à la pratique invoquée consistant à accorder priorité aux candidats classés devant les autres au tableau d’ancienneté, le délégué du Gouvernement fait valoir qu’à part le fait que l’ancienneté doit être respectée lorsqu’un membre de la carrière de l’inspecteur de police brigue un poste dirigeant en vue de sa promotion au grade de commissaire en chef, suivant l’article 27 du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers, l’administration aurait le droit de choisir librement, pour les autres postes, le personnel qui à ses yeux remplit le mieux les besoins du service.

6 A titre subsidiaire, il signale que contrairement aux allégations du demandeur, les policiers affectés au SPJ bénéficient d’un avantage financier, en l’occurrence une indemnité mensuelle, non imposable, fixée à 15 points indiciaires en vertu du règlement grand-ducal du 1er juin 2001 déterminant les conditions, les modalités d’octroi et le montant de l’indemnité prévue à l’article 80 de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée.

Monsieur YYY se rallie au mémoire gouvernemental et insiste sur le caractère discrétionnaire du choix parmi les différents candidats.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait valoir que le rapport dressé par l’inspection générale de la police du 22 octobre 2002 invoqué par le délégué du Gouvernement à l’appui de son argumentation ne serait plus d’actualité. Il signale dans ce contexte que les concluions de ce rapport n’auraient servi à l’époque que pour permettre d’arrêter les modalités de la réorganisation des différents services de la police, par le biais de la fusion, respectivement de la scission d’ancien service et la création de nouveaux services plus spécialisés. Dans la mesure où cette réorganisation a été opérée par le biais du nouvel organigramme arrêté le 10 juillet 2003 et que depuis lors les services ont été agencés de façon à pouvoir travailler de manière plus productive, de même que du personnel supplémentaire a été embauché pour renforcer notamment les services de la police judiciaire, ledit rapport ne serait pas de nature à motiver objectivement la décision de refus litigieuse. Quant à son moyen tiré de la violation d’une pratique courante en matière de nomination, le demandeur insiste sur le caractère mal fondé de l’argumentation de la partie publique, étant donné que la discrétion laissée à l’administration de procéder à la nomination d’un candidat qu’elle juge satisfaire au mieux aux besoins du service, se trouverait restreinte en présence de règles impératives que l’administration s’est elle-même données pour arrêter des critères de nomination propres.

Le délégué du Gouvernement rétorque dans son mémoire en duplique que le moyen du demandeur basé sur la considération que la section « sociétés et associations » du SPJ aurait été renforcée d’un certain nombre d’experts comptables et de réviseurs d’entreprises serait à réfuter, alors que, suivant organigramme du 10 juillet 2003, cette section n’emploierait pas d’employés civils spécialisés et que par ailleurs son effectif prévu par l’article 14 de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée ne serait pas encore atteint, le SPJ disposant actuellement de 104 enquêteurs dans la carrière de l’inspecteur pour un effectif légal fixé à 120 unités. Il maintient ainsi sa conclusion que seul l’intérêt du service aurait justifié le refus opposé à Monsieur XXX, étant donné qu’il ne ferait pas de doute que ses compétences tout à fait spécifiques seraient actuellement plus précieuses dans la lutte contre la criminalité économique que dans le travail d’un commissariat de proximité qui exercerait une activité principalement préventive au niveau local.

Il est constant que pour conclure au caractère dirimant du critère de sélection fondé sur le rang des candidats d’après le tableau d’ancienneté, le demandeur se réfère non pas à une disposition légale ou réglementaire afférente, mais à une pratique généralement suivie en la matière au sein de la police grand-ducale.

Si la pratique ainsi alléguée, en l’absence de critère de sélection textuellement consacré, traduit certes une approche de principe répondant à un souci d’objectivité et de traitement égalitaire, il n’en reste pas moins qu’en l’absence de contrainte légale ou réglementaire afférente, l’application de ce critère ne saurait être érigée en un automatisme 7non susceptible d’être énervé au cas par cas par des considérations fondées notamment sur l’intérêt du service.

En l’espèce, l’autorité de nomination, qui est en principe libre de choisir le candidat qui lui convient le mieux pour le poste à pouvoir, n’a pas retenu le critère de sélection basé sur l’ancienneté et a fourni à l’appui de sa décision des explications concrètes quant aux raisons qui l’amènent à conclure au rejet de la candidature du demandeur.

Si le droit de l’administration d’apprécier l’existence et l’étendue des besoins de service, ainsi que de choisir le personnel qui, à ses yeux, remplit le mieux ces besoins, est discrétionnaire, son exercice n’en est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel dans ce sens que sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée1, sans que ce contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne puisse pour autant aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation. Si cette vérification peut ainsi s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, elle ne saurait cependant porter à conséquence que dans l’hypothèse où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité2.

En l’espèce l’argumentation basée sur l’intérêt du service est axée non pas sur l’existence d’un avantage comparatif du candidat retenu par rapport au demandeur entrevu à partir de leur aptitude respective à revêtir le poste brigué, mais essentiellement sur les besoins du service auquel le demandeur est actuellement affecté, en ce sens que l’intérêt de ce service s’opposerait à sa mutation vers le poste brigué.

Cette motivation est fondée notamment sur la version finale du rapport complémentaire sur le fonctionnement du SPJ établi en date du 22 octobre 2002 dont il se dégage que les deux sections concernées à l’époque étaient confrontées à une surcharge de travail incontestable qui a justifié une certaine réorganisation, rencontrée par la suite notamment par l’élaboration d’un nouvel organigramme arrêté le 10 juillet 2003. Eu égard au caractère récent de la mise en œuvre de cette réorganisation du SPJ, l’argumentation déployée par la partie publique reste pertinente au moment de la prise des décisions litigieuses, étant donné que par essence, une approche de cette envergure ne saurait être réalisée utilement dans le court terme, mais requiert une certaine continuité au niveau notamment des agents directement concernés.

Il s’ensuit que sur la toile de fond des informations et prises de position fournies à l’appui des décisions litigieuses, celles-ci ne sauraient encourir en l’état le reproche d’être manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi consistant à préserver aux mieux l’intérêt du service concerné.

1 Cf .Trib. adm. 18 juin 1998, n° 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Fonction publique, n° 77 et autres références y citées, p. 308 2 Cf. Cour adm. 26 novembre 2002, n° 15233C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 12 et autres références y citées, p. 655 8 Cette conclusion ne saurait être énervée par les exemples d’autres agents ayant fait l’objet de changements d’affectation dans le passé cités par le demandeur, étant donné que d’après les explications afférentes fournies en cause par le délégué du Gouvernement et non utilement énervées par le demandeur, ces changements se sont situés dans le temps avant la réorganisation du SPJ invoquée à l’appui des décisions litigieuses, à l’exception du cas d’un premier commissaire principal ayant fait l’objet d’un détachement temporaire à l’école de police, situation qui à son tour revêt un caractère de spécificité en ce que cette affectation répond à une autre nécessité, en l’occurrence celle d’assurer une formation adéquate, faisant en sorte qu’il ne saurait être utilement comparé à la situation du demandeur.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme pour autant que dirigé contre les décisions litigieuses du ministre de l ‘Intérieur des 28 juin et 15 juillet 2004 ;

au fond le dit non justifié et en déboute dans cette même mesure ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18723
Date de la décision : 28/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-28;18723 ?

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