La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18632

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 février 2005, 18632


Tribunal administratif N° 18632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 septembre 2004 Audience publique du 28 février 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Betzdorf en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18632 du rôle et déposée le 6 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à resp

onsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annul...

Tribunal administratif N° 18632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 septembre 2004 Audience publique du 28 février 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Betzdorf en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18632 du rôle et déposée le 6 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Betzdorf datée du 10 juin 2004 et portant refus de délivrer une autorisation de bâtir une maison à appartements sur un terrain sis route de Luxembourg à Roodt-sur-Syre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 6 septembre 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de Betzdorf ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 2004 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Betzdorf ;

Vu la communication de cette constitution d’avocat au mandataire de la demanderesse intervenue en date du même jour ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2004 par Maître Roger NOTHAR pour compte de l’administration communale de Betzdorf et notifié le même jour au mandataire de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2005 par Maître Georges KRIEGER au nom de la demanderesse et notifié le 5 janvier 2005 au mandataire de l’administration communale de Betzdorf ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 2005 par Maître Roger NOTHAR pour compte de l’administration communale de Betzdorf et notifié le même jour au mandataire de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Georges KRIEGER et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2005.

_______________________________________________________________________

En date du 12 mars 2004, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après « la société … », a déposé, sur base d’accords de principe précédemment obtenus, une demande en autorisation de construire et de morcellement en vue de la construction d’une maison à appartements sur un terrain lui appartenant sis route de Luxembourg à Roodt-

sur-Syre .

Par courrier recommandé du 10 juin 2004, le bourgmestre de la commune de Betzdorf, ci-après « le bourgmestre » rejeta la demande en autorisation de construire en les termes suivants :

« (…) Après avoir réexaminé le dossier et après avoir constaté la non-conformité de la construction avec le règlement des bâtisses actuellement en vigueur dans la commune, je regrette de ne pas pouvoir vous délivrer une autorisation définitive pour la construction d'une maison à appartements, étant donné que le projet est en contradiction avec les articles 2.32 « implantation des constructions» et 2.33 « hauteur des constructions » du règlement des bâtisses actuellement en vigueur.

En ce qui concerne votre demande du 12 mars 2004 pour le morcellement de deux terrains sis route de Luxembourg à Roodt-sur-Syre, inscrits au cadastre sous les numéros 104/5113 et 118/5157 (morcellement en lots 1 et 2 suivant mesurage cadastral n° 14/138056 du 01.03.2004), je me permets de vous informer que l'affaire sera soumise au conseil communal, pour avis.

Un recours contre la présente autorisation peut être introduit auprès du Tribunal Administratif par un avocat de la liste 1. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision.

(…) ».

C’est contre cette décision de refus du 10 juin 2004 que la société … fit introduire par requête du 6 septembre 2004 un recours tendant à son annulation.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse soulève l’illégalité de la décision déférée, en faisant valoir qu’elle violerait les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, et plus particulièrement de son article 8.

Elle fait plaider qu’elle disposerait d’une décision datée du 26 juillet 2002 lui accordant un « accord de principe » pour la construction de la résidence, accord soumis à la condition soit de l’acquisition intégrale des parcelles concernées, soit de l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, de sorte que cette autorisation serait à qualifier d’ « autorisation conditionnelle ».

Elle précise qu’un morcellement des lots concernés a été définitivement approuvé en date du 26 juillet 2004, et la condition imposée partant réalisée, de sorte que « l’autorisation de bâtir datée du 26 juillet 2002 est définitivement acquise à la partie requérante ».

La décision de refus déférée s’analyserait dès lors en décision de retrait prise en violation de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.

En ce qui concerne les motifs de refus invoqués par le bourgmestre, et en particulier la violation de l’article 2.32 du règlement sur les bâtisses de la commune de Betzdorf, ci-après « Rb », la demanderesse conteste l’interprétation qui en est faite par le bourgmestre, en affirmant que cet article serait affecté d’une erreur matérielle, consistant en l’emploi d’un pluriel au lieu d’un singulier.

Quant au reproche d’une violation de l’article 2.33 Rb par le projet soumis à autorisation, la demanderesse estime que son projet serait conforme aux exigences y énoncées.

L’administration communale de Betzdorf résiste à l’argumentation de la demanderesse et estime pour sa part que le bourgmestre aurait fait une saine application de la réglementation communale, qui ne violerait par ailleurs pas ledit règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, de sorte que la demanderesse serait à débouter de son recours.

1.

Quant à la violation de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes Aux termes de cet article, « en dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision. Le retrait d’une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision ».

Il résulte du libellé même de cette disposition que celle-ci ne trouve à s’appliquer qu’en présence d’une « décision ayant créé ou reconnu des droits », qualité que la demanderesse entend voir donner à la décision du 26 juillet 2002 lui adressée par le bourgmestre et formulée comme suit :

« Monsieur, Par la présente, nous avons l'honneur de vous délivrer un accord de principe pour la construction d'un immeuble résidentiel à Roodt-sur-Syre, route de Luxembourg.

Toutefois, l'accord de principe est lié à la condition que vous deviendrez propriétaire de l'intégralité des parcelles représentées sur le plan cadastral du 17.08.1998 sous les dénominations « … » et « lot 4 ».

Sinon, une autorisation de pourra être délivrée qu’après établissement d’un projet d’aménagement particulier (PAP) (…) ».

La partie demanderesse fait plaider à ce sujet que la condition énoncée dans cette « autorisation conditionnelle » aurait été remplie par l’approbation en date du 26 juillet 2004 d’un morcellement des terrains concernés, de sorte que l’autorisation conditionnelle serait devenue définitive.

Il convient cependant de rappeler que dans le cadre du recours en annulation l’analyse du tribunal ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date où le juge statue - telle la situation vérifiée en cas de recours en réformation - ni à une étape intermédiaire postérieure au jour où la décision déférée a été prise ( voir trib. adm. 22 décembre 2004, n° 18038, www. ja.etat.lu).

Or il ressort des propres écrits et pièces de la partie demanderesse que la condition prétendument imposée par l’ autorisation qualifiée de « conditionnelle » n’aurait été remplie qu’en date du 26 juillet 2004, soit postérieurement à la décision de refus déférée, de sorte que – à suivre le raisonnement de la partie demanderesse – l’autorisation de principe n’était pas encore devenue « définitive » au jour où le bourgmestre a pris la décision de refus déférée. Le tribunal tient encore à souligner que ce fait ressort du libellé même de la décision attaquée qui précise que la question du morcellement sera – l’usage du temps futur étant significatif - soumis au conseil communal.

Le tribunal est encore amené à constater que l’autorisation qualifiée par la demanderesse de « conditionnelle » ne mentionne pas la nécessité d’un morcellement, mais la nécessité de procéder à l’établissement d’un plan d’aménagement particulier. Or il s’agit là de deux notions distinctes, la notion de « morcellement » se rapportant à une simple opération foncière soumise à l’article 41.2 Rb et consistant en la séparation d’un ou de plusieurs lots en plusieurs parties distinctes, tandis que la notion de « plan d’aménagement particulier » correspond à une opération réglementaire soumise au respect d’une procédure légale déterminée, à savoir à l’époque de la décision du 26 juillet 2002 à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

Il s’ensuit que même à suivre le raisonnement de la partie demanderesse, la condition énoncée par l’autorisation de principe qualifiée par la demanderesse de « conditionnelle » ne saurait en tout état de cause pas être considérée comme remplie, l’existence du plan d’aménagement particulier requis par la commune n’étant pas établie, de sorte que l’autorisation de principe en question ne saurait être qualifiée de « décision ayant créé ou reconnu des droits ».

Qui plus est, le tribunal est amené à écarter l’argumentation de la partie demanderesse consistant à vouloir re-qualifier l’autorisation de principe en « autorisation conditionnelle », l’accord délivré par le bourgmestre en date du 26 juillet 2002 n’ayant pas d’autre portée que celle d’informer la partie demanderesse que le principe de la construction d’une résidence sur les terrains concernés pouvait être – sous certaines conditions – approuvé. En effet, contrairement à ce que fait plaider la demanderesse, l’autorisation de principe délivrée ne saurait devenir définitive par le seul accomplissement de la condition y inscrite, l’autorisation de principe étant délivrée, aux termes de l’article 45 Rb, sur base d’un dossier sommaire, qui, contrairement à l’autorisation de bâtir proprement dite régie par l’article 46 Rb, ne comprend aucun plan de construction. Or à défaut de tels plans, le bourgmestre ne saurait vérifier la conformité du projet par rapport à la réglementation d’urbanisme en vigueur, de sorte que l’autorisation délivrée à une étape préalable à celle du dépôt des plans de construction ne saurait nécessairement que se rapporter au principe même de la construction projetée.

Ce principe demeure cependant acquis en l’espèce, en ce sens que la décision de refus déférée ne porte pas sur le principe de la réalisation d’une résidence sur les terrains concernés, mais sur des détails techniques (implantation et hauteur) de la construction.

Il résulte de tous les développements qui précèdent que l’accord délivré par le bourgmestre en date du 26 juillet 2002 n’est pas constitutif d’une « décision ayant créé ou reconnu des droits » au sens de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, de sorte que le bourgmestre a pu rejeter la demande en autorisation de construire par la décision du 10 juin 2004 déférée sans violer le prédit article 8.

Le moyen tiré de la violation de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité est dès lors à écarter.

2.

Quant à la conformité du projet à l’article 2.32 Rb L’article 2.32 Rb, intitulé « L’implantation des constructions » et concernant la zone d’habitation primaire, dispose que « les constructions servant à l’habitation ou assimilées seront implantées dans une bande de vingt mètres de profondeur parallèle à l’alignement des rues et distantes en principe de six mètres de ce dernier (…) ».

La partie demanderesse fait en substance plaider que cette disposition serait affectée d’une erreur matérielle, l’adjectif « distant » se rapportant en fait à la bande de vingt mètres et non aux constructions, de sorte que cet adjectif aurait dû être employé au singulier au lieu du pluriel.

Il convient de prime abord de rappeler qu’avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises, l’application textuelle du texte clair et précis par le juge ne pouvant trouver exception que dans la mesure où il aboutirait à une situation absurde, contraire à toute logique, bref au bon sens même (ord. prés. 7 décembre 2004, n° 18887, www.ja.etat.lu). Par ailleurs, il n’appartient pas aux juridictions administratives d’interpréter une disposition légale au-delà des termes y employés, sous peine de rajouter à la loi.

Or non seulement l’erreur matérielle invoquée par la demanderesse reste en défaut d’être établie, ne serait-ce qu’au vu de l’article 2.52 Rb, article qui réglemente la question de l’implantation des constructions dans la zone dite « Nouveaux quartiers », et dont le libellé est absolument identique à celui de l’article 2.32 Rb, mais l’article litigieux est encore parfaitement cohérent, en ce sens que, d’une part, il prévoit une bande constructible de vingt mètres de profondeur le long des voies publiques, et, d’autre part, l’obligation de respecter « en principe » un recul antérieur de 6 mètres par rapport à l’alignement des rues pour l’implantation des constructions.

Le fait que l’application de cet article réduise de facto les possibilités d’implantation des constructions principales à une bande résiduelle de 14 mètres ne constitue par ailleurs pas un quelconque illogisme, mais constitue le résultat d’une décision d’opportunité et de politique urbanistique des autorités compétentes.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’argument de la demanderesse selon lequel le recul de 6 mètres à l’intérieur de la bande constructible de vingt mètres aboutirait à imposer au sein de cette même bande constructible une « zone non aedificandi », étant donné que le recul imposé ne constitue pas une telle zone, mais un espace appelé à accueillir notamment les voies d’accès aux constructions principales (voir article 11 Rb), voire des murets, grillages et autres clôtures (article 12 Rb).

Les références par la partie demanderesse aux définitions contenues dans les règlements sur les bâtisses d’autres communes sont en l’espèce dépourvues de toute pertinence.

Enfin, le tribunal note que le mandataire de la partie demanderesse a lui-même, lors de l’audience publique du 16 février 2005, admis qu’en « collant » au texte et à la grammaire de l’article 2.32 Rb, l’on pourrait admettre l’interprétation de l’administration communale de Betzdorf. Or c’est précisément ce qu’il advient de faire en présence d’un texte clair et précis tel que l’article 2.32 Rb litigieux, alors qu’il n’appartient pas au tribunal d’y insérer des distinctions qui n’y figurent point.

Le moyen de la demanderesse consistant à reprocher au bourgmestre une interprétation erronée de l’article 2.32 Rb est dès lors à écarter, de sorte que la décision de refus déférée est motivée à suffisance de droit et de fait par le seul constat de la non-

conformité du projet de la partie demanderesse par rapport au prédit article 2.32 Rb, non-

conformité d’ailleurs non autrement critiquée par la demanderesse, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant l’autre motif de refus invoqué à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 février 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18632
Date de la décision : 28/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-28;18632 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award