La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2005 | LUXEMBOURG | N°17968,18167

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 février 2005, 17968,18167


Tribunal administratif Nos 17968 et 18167 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg respectivement inscrits les 26 avril 2004 et 3 juin 2004 Audience publique du 28 février 2005 Recours formé par l’administration communale de Mertert en présence des sociétés XXX s.a. et YYY s.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement ainsi qu’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17968 du rôle et déposée le 26 avril 2004 au greffe du tribunal administr

atif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Tribunal administratif Nos 17968 et 18167 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg respectivement inscrits les 26 avril 2004 et 3 juin 2004 Audience publique du 28 février 2005 Recours formé par l’administration communale de Mertert en présence des sociétés XXX s.a. et YYY s.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement ainsi qu’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17968 du rôle et déposée le 26 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mertert, établie en la maison communale à L-6630 Wasserbillig, 1-3, Grand’Rue, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 10 mars 2004, n° 1/02/0373, faisant droit à la demande de la société XXX s.a. d’être autorisée à aménager et à exploiter une zone d’activité dénommée « Kampen » sur le territoire de la commune de Mertert, section C de Mertert, nos cadastraux 711/5224, 711/6384, 711/6933, 711/6934, 711/6935 et 711/6936 au lieu-dit « in den oberen Kampen » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick KURDYBAN, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 30 avril 2004 portant signification de ce recours à la société anonyme XXX s.a., établie et ayant son siège social à L-… , ainsi qu’à la société anonyme YYY s.a., établie et ayant son siège social à L-…;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2004 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme XXX s.a., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 7 septembre 2004 par Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Mertert ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 octobre 2004 par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale de Mertert, notifié le 21 octobre 2004 au mandataire de la société anonyme XXX s.a. ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé en date du 22 novembre 2004 par Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Mertert ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18167 du rôle et déposée le 3 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mertert, préqualifiée, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 21 avril 2004, n° 1/2002/0373/59005/115/125, faisant droit à la demande de la société XXX s.a. d’être autorisée à aménager et à exploiter une zone d’activité dénommée « Kampen » sur le territoire de la commune de Mertert, section C de Mertert, nos cadastraux 711/5224, 711/6384, 711/6933, 711/6934, 711/6935 et 711/6936 au lieu-

dit « in den oberen Kampen » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 8 juin 2004 portant signification de ce recours à la société anonyme XXX s.a., préqualifieé, ainsi qu’à la société anonyme YYY s.a., préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juin 2004 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme XXX s.a., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 7 septembre 2004 par Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., notifié le 6 septembre 2004 au mandataire de l’administration communale de Mertert ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2004 par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale de Mertert, notifié le même jour au mandataire de la société anonyme XXX s.a. ;

Vu le mémoire en duplique déposé en date du 3 décembre 2004 par Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Mertert ;

I+ II.

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Maître Charles OSSOLA en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 décembre 2004 Vu l’avis du tribunal adressé aux parties en date du 16 décembre 2004 ;

Vu la prise de position écrite de Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., ainsi que les pièces y annexées, déposées au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2004 ;

Vu la prise de position écrite de Maître Roger NOTHAR, au nom de l’administration communale de Mertert, ainsi que les pièces y annexées, déposées au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2005 ;

Vu la prise de position écrite de Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., du 4 janvier 2005 ;

Vu la prise de position additionnelle de Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., ainsi que les pièces supplémentaires y annexées, déposées au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2005 ;

Vu l’avis de rupture de délibéré du tribunal du 19 janvier 2005, afin de permettre aux parties d’indiquer au tribunal sur base des pièces versées en cause, et en particulier de la partie graphique du plan d’aménagement particulier « in den oberen Kampen » telle qu’approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 16 juin 1998, la délimitation précise de l’assiette dudit plan d’aménagement particulier, et ce notamment au vu de l’indication « limite terrains » y contenue ;

Vu le mémoire additionnel déposé en date du 28 janvier 2005 par Maître Charles OSSOLA, au nom de la société anonyme XXX s.a., notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Mertert ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, Maître Charles OSSOLA, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs explications complémentaires aux audiences publiques des 31 janvier et 21 février 2005.

________________________________________________________________________

En date du 28 août 2002, la société TR Engineering s.a. présenta au nom et pour compte de la société XXX s.a. une demande aux fins d'obtenir l'autorisation d'aménager et d'exploiter sur le territoire de la commune de Mertert, section C de Mertert, une zone d'activités dénommée « Kampen », d'une surface totale de quelques 3 ha.

Dans le cadre de l'enquête publique prescrite par la loi modifiée du 10 juin 1999 concernant les établissements classés, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mertert émit un avis défavorable en date du 28 février 2003.

Par arrêté du 10 mars 2004 portant le numéro 1/02/0373, le ministre de l’Environnement accorda sous certaines réserves et conditions d’exploitation l’autorisation relative à l'aménagement et à l’exploitation d’une zone d'activité sur une surface de 2,983 ha sur le territoire de la commune de Mertert, section C de Mertert, nos cadastraux 711/5224, 711/6384, 711/6933, 711/6934, 711/6935 et 711/6936 au lieu-dit « in den oberen Kampen » ;

Par requête déposée le 26 avril 2004 au greffe du tribunal administratif, l’administration communale de Mertert, ci-après « l’administration communale », introduisit un recours contentieux, inscrit sous le numéro 17968 du rôle, tendant à la réformation de la prédite décision ministérielle du 10 mars 2004.

Par arrêté du 21 avril 2004, numéro 1/2002/0373/59005/115/125, le ministre du Travail et de l’Emploi accorda également, dans le cadre des compétences qui lui sont propres, sous certaines réserves et conditions d’exploitation l’autorisation relative à l'aménagement et à l’exploitation de la zone d'activité citée ci-avant.

Contre cette décision ministérielle l’administration communale déposa le 3 juin 2004 un recours tendant à sa réformation, inscrit sous le numéro 18167 du rôle.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la société YYY s.a. n’a pas fourni de mémoire en réponse dans aucun des deux rôles bien que les requêtes introductives lui aient été valablement signifiées par exploit d’huissier en date respectivement du 30 avril 2004 et du 8 juin 2004. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse la société YYY s.a. n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Quant à la jonction Les deux recours déférés au tribunal ont pour objet la même zone d’activité et visent respectivement les autorisations d’exploitation délivrées sur base de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, par les ministres de l’Environnement et du Travail et de l’Emploi, agissant chacun dans le cadre de ses compétences respectives, de sorte qu’il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

Quant à la recevabilité L’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée prévoyant un recours au fond en la matière, le tribunal est compétent pour connaître des deux recours en réformation.

La partie défenderesse société anonyme XXX s.a., ci-après « la société XXX », soulève l’irrecevabilité des recours respectifs pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, l’administration communale de Mertert, en faisant plaider, au vu des termes de l’article 1er de la prédite loi modifiée du 10 juin 1999, qu’en l’espèce la demanderesse ne saurait se prévaloir ni d’un intérêt consistant à vouloir veiller au respect des dispositions du plan d’aménagement général communal et du règlement sur les bâtisses, une telle question n’étant pas couverte par le prédit article 1er, ni d’une violation de l’article 17, et subsidiairement des articles 7 et 13 de la prédite loi modifiée du 10 juin 1999, les violations alléguées n’étant pas établies.

L’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond ( trib. adm., 14 février 2001, n° 11607, Pas. adm. 2004, n° 1, p.551).

A l’appui de ses recours, l’administration communale conclut principalement à l’annulation des autorisations déférées, en faisant valoir qu’aux termes de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, elles n’auraient pu être délivrées que sous condition que l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec les dispositions urbanistiques communales applicables, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Or, une commune doit avoir à charge de veiller à ce qu'un établissement classé soit installé dans le respect des dispositions arrêtées par elle dans le cadre du plan d'aménagement général et du règlement sur les bâtisses, qui tend notamment à préserver un environnement naturel non pollué. Elle justifie partant d'un intérêt personnel suffisant à agir contre l'autorisation, sur son territoire, ou sur des terrains dont elle est directement limitrophe, d'un établissement dont elle estime qu'il compromettra l'environnement (trib.

adm., 9 décembre 1998, n° 9852, Pas. adm. 2004, V° Etablissements classés, n° 77, p.

183, et autres références y citées).

La défense et la préservation de ces prérogatives justifient partant dans le chef de la commune de Mertert, sur le territoire de laquelle la zone d’activités est destinée à être aménagée et exploitée, un intérêt personnel suffisant à agir.

Tant la partie étatique que la société XXX soulèvent encore l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours déposé le 26 avril 2004 sous le numéro 17968 du rôle, en exposant que l’arrêté du ministre de l’Environnement déféré, datant du 10 mars 2004, aurait été notifié à la partie demanderesse par courrier recommandé du même jour, réceptionné le 12 mars 2004, et se basent pour ce faire sur les articles 16 et 19 de la prédite loi modifiée du 10 juin 1999.

Aux termes de l’article 16, alinéa 1er de la prédite loi modifiée du 10 juin 1999, « les décisions portant autorisation, actualisation, refus ou retrait d’autorisation pour les établissements des classes 1 (…) sont notifiées par l’Administration de l’environnement et l’Inspection du travail et des mines, chacune en ce qui la concerne, aux demandeurs en autorisation ou aux exploitants et, pour affichage, aux autorités communales sur le territoire desquelles est situé l’établissement et le cas échéant, pour affichage, aux autorités communales dont le territoire se trouve dans un rayon inférieur à 200 mètres des limites de l’établissement », l’alinéa 4 du même article précisant qu’ « en outre, dans les communes visées à l’alinéa premier, le public sera informé des décisions en matière d’établissements classés par affichage de ces décisions à la maison communale pendant 40 jours ».

Par ailleurs, selon l’article 19 de cette même loi, ce recours doit être interjeté sous peine de déchéance dans le délai de 40 jours, lequel commence à courir « à l’égard du demandeur de l’autorisation à dater de la notification de la décision et vis-à-vis des autres intéressés à dater du jour de l’affichage de la décision. » Force est de constater que la prédite loi ne prévoit que deux cas de figure distincts, à savoir celui du demandeur, à l’égard duquel le délai de recours court à partir du jour de la notification de la décision, et celui « des autres intéressés », à l’égard desquels le délai de recours ne court qu’à partir de l’affichage de la décision.

Il échet tout particulièrement de constater que le législateur n’a prévu à ce sujet aucune disposition régissant spécifiquement le délai de recours en ce qui concerne les communes, l’article 16 ne leur imposant qu’une obligation d’affichage des décisions, sans pour autant en tirer une quelconque conclusion spécifique, en ce qui concerne l’opposabilité de ces mêmes décisions aux communes.

Il y a dès lors lieu de retenir que l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 prévoit un délai de recours uniforme de 40 jours pour tous les intéressés qui court à partir du jour de l’affichage de la décision, nonobstant le fait que les intéressés ont pu avoir connaissance de la décision antérieurement au jour de cet affichage. Il s’agit d’une disposition spéciale, claire et précise, qui ne souffre pas d’exceptions, et qui déroge, le cas échéant, au principe que le délai du recours commence à courir à partir du jour où le tiers intéressé a pu avoir une connaissance intégrale de la décision litigieuse (voir trib.

adm. 11 mars 2002, n° 12892, Pas. adm. 2004, V° Etablissements classés, n° 81, p.184).

Il s’ensuit que le fait que la commune ait obtenu connaissance de l’acte ministériel déféré avant son affichage ne saurait énerver le principe ci-avant retenu, de sorte que le moyen d’irrecevabilité ratione temporis est à rejeter.

La société XXX, toujours en ce qui concerne le recours déposé le 26 avril 2004 sous le numéro 17968 du rôle, soulève encore l’irrecevabilité de ce dernier en faisant valoir que l’autorisation déférée par le ministre de l’Environnement, délivrée sous réserve de certaines conditions, à savoir l’obligation de procéder préalablement à une étude d’investigation relative à une éventuelle pollution du sol, dont les résultats détermineront un futur arrêté du ministre de l’Environnement, serait à qualifier d’« autorisation sous conditions suspensives ». Celles-ci n’ayant pas encore été réalisées par XXX, l’autorisation déférée ne serait pas définitive, de sorte qu’elle ne saurait causer de grief à la requérante dont le recours serait à déclarer prématuré.

S’il est certes exact que l’autorisation déférée prévoit en tant que condition préalable à la remise en état des terrains concernés la réalisation dans des conditions déterminées d’une étude d’impact en vue de « la détection et de la quantification d’une pollution éventuelle du sol, du sous-sol et des eaux souterraines », dont les résultats et conclusions détermineront, aux termes de l’article 2 de l’arrêté déféré, la teneur de l’arrêté ministériel arrêtant les conditions des travaux de démolition et de remise en état du terrain, force est cependant de constater que cette condition ne remet pas en question le principe même de l’aménagement et de l’exploitation d’une zone d’activité sur les terrains concernés, lequel demeure acquis par l’autorisation déférée, mais se limite à conditionner l’exécution matérielle et dans le temps des travaux préalables de remise en état et, le cas échéant, d’assainissement, des terrains concernés.

Le premier recours déposé par l’administration communale tel que dirigé contre l’autorisation accordée à l’aménagement et l’exploitation d’une zone d’activité, dont le principe même est querellé, n’est dès lors pas prématuré.

Il s’ensuit que ce moyen d’irrecevabilité est encore à rejeter.

Il résulte des développements qui précèdent que les recours sont recevables pour avoir été introduits dans les formes et délais prévus par la loi.

Quant au fond Comme relevé ci-avant, l’administration communale reproche principalement aux autorisations ministérielles déférées de violer l’article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, en faisant plaider que les autorisations n’auraient pu être délivrées que sous condition que l’établissement projeté, en l’espèce la zone d’activité, se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec les dispositions urbanistiques communales applicables, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle fait plaider à ce sujet que les parcelles seraient toutes situées, d'après la partie graphique du plan d’aménagement général de la commune de Mertert, ci-après « le PAG », soit dans la zone d'aménagement différé (pour la partie des terrains donnant sur la Nationale 1), soit dans la zone de verdure (pour la bande de 30 m située au fond des parcelles en direction des vignobles).

La société XXX, pour sa part, conteste cette analyse en relevant que l’ensemble des terrains concernés serait couvert par un plan d’aménagement particulier, ci-après « PAP » approuvé définitivement par le conseil communal de Mertert ,ainsi que par le ministre de l’Intérieur en tant qu’autorité tutélaire.

La partie étatique, dans le volet concernant l’arrêté du ministre de l’Environnement (rôle n° 17968), abonde dans le même sens que la partie XXX, en soulignant tant l’existence d’une modification du PAG de la commune de Mertert que l’existence d’un PAP, qui tous deux couvriraient l’ensemble des terrains concernés et auraient en définitive pour objet la création du point de vue urbanistique et réglementaire d’une « zone d’activités Kampen » à cet endroit.

En ce qui concerne le volet ayant trait à l’autorisation accordée par le ministre du Travail et de l’Emploi (rôle n° 18167), la partie étatique expose en revanche dans un premier temps que les terrains concernés seraient tous indiqués par le PAG de la commune de Mertert comme sis dans un secteur d’aménagement différé, mais les dispositions réglementaires applicables (partie graphique et partie écrite du PAG) resteraient muettes en ce qui concerne les activités tolérées dans un tel secteur d’aménagement différé, pour ensuite reprendre textuellement l’argumentation développée dans le cadre du rôle n° 17968.

Dans le cadre de son mémoire en duplique déposé dans le rôle n° 17968, l’Etat conclut encore à l’inapplicabilité des dispositions de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 au cas d’espèce en se référant aux conclusions d’un arrêt de la Cour administrative du 1er avril 2004 (n°s 17089 C, non encore publié), l’établissement en question n’étant prévu ni dans un immeuble existant, ni dans un immeuble à construire, de sorte que « le contrôle de l’établissement projeté par rapport aux dispositions d’urbanisme n’a pas été nécessaire ».

Aux termes de l’article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999, « dans le cas où l’établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l’établissement est projeté dans un immeuble à construire ».

La question de la conformité de l’établissement projeté au regard des dispositions de l’article 17. 2 de la loi du 10 juin 1999 ayant un caractère préalable, et ledit article visant les autorisations requises au regard de ladite loi prises au pluriel, c’est à juste titre que les ministres ont d’abord statué sur cette question à travers les décisions déférées.

La partie étatique soulève à ce sujet la question si les conditions d’application de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 sont remplies en l’espèce, ce plus particulièrement par rapport au point de savoir si l’activité en question est appelée à se dérouler dans des immeubles à construire.

Sous l’aspect de l’applicabilité des dispositions de l’article 17.2 en question chaque établissement doit être examiné individuellement avec les éléments qu’il contient, en particulier quant au caractère fixe ou non de son implantation dans le sol, quant à l’importance des installations annexes, quant à son envergure, ainsi qu’à son caractère temporaire ou définitif (Cour adm. 1er avril 2003, n°s 15498C et 15521C du rôle, Pas.

adm., 2004, v° Etablissements classés, n° 29, p. 172).

Il est constant en cause que l’aménagement et l’exploitation de la zone d’activité -

l’établissement autorisé - impliquent d’importants travaux d’infrastructures immobiliers ainsi que la construction de bâtiments.

Force est au tribunal de retenir que l’établissement sujet à autorisation est en l’espèce projeté dans un immeuble à construire, de sorte que tant le ministre de l’Environnement que le ministre du Travail et de l’Emploi, étaient appelés de vérifier au préalable la concordance de la zone territoriale visée par rapport à l’établissement projeté en conformité avec la loi précitée du 12 juin 1937.

Suite à ces positions initiales, il se dégage des mémoires et prises de position successifs déposés en cause par les parties au présent litige, ainsi que des explications fournies lors des audiences publiques auxquelles l’affaire a successivement été fixée pour plaidoiries, que les parties sont finalement d’accord à admettre l’existence même d’un PAP « zone d’activités Kampen », mais se trouvent en désaccord quant aux effets tant territoriaux que juridiques de ce PAP. L’administration communale fait plaider à ce sujet que si un tel PAP couvre actuellement certes l’ensemble des terrains concernés, le PAP irait au-delà des terrains classés initialement par le PAG en « zone d’aménagement différé » et engloberait également des terrains classés par le PAG en « zone de verdure » sise à l’extérieur du périmètre d’agglomération. Aussi, selon les termes de la partie demanderesse, « le PAP « in den oberen Kampen » (…) empiète en partie dans cette zone verte », sans pour autant avoir cependant fait l’objet d’une approbation du ministre de l’Environnement sur base de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de l’environnement et des ressources naturelles.

Sur question expresse du tribunal formulée par avis adressé aux parties en date du 16 décembre 2004, tant l’administration communale que la société XXX ont admis que le PAP« in den oberen Kampen » n’a jamais été soumis à l’approbation du ministre de l’Environnement sur base de la loi modifiée du 11 août 1982, les parties étant cependant en désaccord en ce qui concerne la délimitation précise de l’assiette dudit PAP, l’administration communale maintenant que les terrains initialement classés en « zone de verdure » par le PAG auraient été englobés dans le PAP concernant la zone d’activité, tandis que la partie XXX soutient en revanche que ces terrains demeureraient en-dehors de l’assiette du PAP.

Il s’avère, à l’étude de la partie graphique du PAP concerné, telle qu’approuvée par l’autorité de tutelle, que les plans relatifs à ce PAP comportent une ligne de couleur rouge, entourant a priori les terrains concernés, et identifiée par la légende afférente en tant que « limite terrains », de sorte que le tribunal est amené à constater que cette délimitation englobe les parties de terrains appelés à demeurer en-dehors du PAP selon la société XXX.

Par avis adressé en date du 19 janvier 2005 aux parties, le tribunal a ordonné la rupture du délibéré afin de permettre aux parties d’indiquer au tribunal sur base des pièces versées en cause, et en particulier de la partie graphique du PAP « in den oberen Kampen », la délimitation précise de l’assiette dudit plan d’aménagement particulier, et ce notamment au vu de l’indication « limite terrains » y contenue.

Par mémoire additionnel déposé en date du 28 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif, la société XXX fait exposer que cette ligne ne constituerait pas la délimitation de l’assiette du PAP, mais représenterait la séparation entre le domaines public et privé, séparation dont l’indication dans les plans aurait été demandée par la commission d’aménagement étatique chargée d’aviser le projet de PAP dans le cadre de la procédure prescrite par la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, et se prévaut à ce sujet d’un courrier de cette commission du 27 août 1996.

Force est au tribunal de constater à la lecture de ce courrier du 27 août 1996, qu’un premier projet de PAP avait fait l’objet d’un avis négatif de ladite commission d’aménagement étatique, motivé d’une part certes par l’absence d’indication entre le domaine public et le domaine privé, mais également par l’absence d’indication des « limites exactes du projet d’aménagement particulier ».

Force est encore de constater que c’est suite à cet avis que la société XXX a fait déposer un nouveau plan, dont la principale modification consistait en la présence de la prédite ligne rouge entourant l’intégralité des terrains - en ce compris les terrains litigieux initialement classés en « zone de verdure » - et identifiée par la légende « limite terrains », ce plan obtenant l’avis favorable de la commission d’aménagement étatique et étant, au terme de la procédure prescrite par la prédite loi du 12 juin 1937, adopté définitivement par le conseil communal de Mertert ainsi qu’approuvé par le ministre de l’Intérieur.

Le tribunal retient dès lors au vu de la légende explicite se rapportant à cette ligne rouge ainsi qu’à l’objet du plan en question – à savoir la représentation graphique du PAP « in den oberen Kampen », que la ligne rouge litigieuse ne saurait avoir d’autre portée que celle de délimiter l’assiette des terrains couverts par ledit PAP.

Il en résulte encore que partie des terrains initialement classés par le PAG en « zone de verdure » sise à l’extérieur du périmètre d’agglomération, et tombant dès lors sous la définition de « zone verte » au sens de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ont été englobés dans le PAP relatif à la zone d’activités « in den oberen Kampen ».

Or, aux termes de l’article 2 in fine de la prédite loi de 1982, « toute modification de la délimitation d'une zone verte découlant du vote provisoire, selon l'article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes, est soumise à l'approbation du Ministre. Cette approbation est également requise pour toute création d'une zone verte en vertu de l'adoption d'un premier projet d'aménagement. Le projet d'aménagement définitivement adopté est, pour autant qu'il a été modifié, également soumis à l'approbation du Ministre ».

Il est constant en cause que le PAP litigieux n’a à ce jour pas été soumis à l’approbation du ministre de l’Environnement sur base du prédit article. Or, à défaut d’approbation par le ministre de l’Environnement, le PAP, nonobstant son approbation par le ministre de l’Intérieur, ne saurait revêtir les attributs d’un PAP définitivement approuvé, la procédure postérieure au vote provisoire du conseil communal – non approuvé en l’espèce par le ministre de l’Environnement – ne sortant aucun effet positif.

Il s’ensuit qu’en l’état actuel de la procédure, le PAP litigieux se trouve limité en ses effets à ceux résultant du vote provisoire d’un conseil communal. Or si un tel vote provisoire a un effet négatif par l’applicabilité directe de la servitude mise en place, dès le dépôt du projet provisoirement approuvé à la maison communale, en dehors de toute autre étape dans la procédure d’approbation définitive du plan, dans ce sens uniquement que, conformément à l’article 12 de la loi modifiée du 12 juin 1937, toute implantation de constructions et tous travaux contraires aux dispositions dudit projet sont interdits, en revanche, un tel projet ne saurait avoir un effet positif dans le sens qu’il autoriserait des implantations ou travaux non encore autorisables sous l’ancienne réglementation (voir trib. adm. 6 octobre 2003, n° 15979, Pas. adm. 2004, V° Tutelle administrative, n° 24, p.

720 et autres références y citées).

Il s’ensuit qu’en attendant la finalisation de la procédure d’adoption du PAP, les ministres compétents, appelés à vérifier au préalable la concordance de l’établissement projeté par rapport à la zone territoriale visée, étaient appelés à examiner cette concordance à un double degré, en l’occurrence d’abord au regard de la conformité de l’activité avec l’ancienne réglementation, et ensuite, et dans l’affirmative seulement, au regard de sa non-contrariété par rapport au nouveau projet de PAP.

Il est à ce sujet constant en cause que les terrains se trouvaient classés initialement par le PAG respectivement en « zone d’aménagement différé » et en « zone de verdure », cette dernière zone étant caractérisée aux termes de l’article 15 PAG par l'interdiction de bâtir.

Par conséquent, faute d’avoir été projeté dans une zone prévue à ces fins par la réglementation communale en conformité avec la loi du 12 juin 1937, l’établissement litigieux ne saurait être installé, en l’état actuel de la réglementation communale sur l’urbanisme et de la procédure d’approbation du PAP, sur les terrains concernés.

Par voie de conséquence les recours sont fondés dans la mesure où ils tendent à la réformation des autorisations ministérielles déférées en ce que les autorisations sollicitées étaient et sont actuellement à rencontrer par un refus basé sur les dispositions combinées des articles 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée et de l’article 15 PAG.

Les recours étant fondés sur base du moyen préalable tiré de l’inobservation dudit article 17.2, il devient surabondant de procéder à l’analyse des autres moyens proposés au fond.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

joint les recours introduits sous les numéros 17968 et 18167 du rôle ;

reçoit les recours en réformation en la forme ;

au fond les dit justifiés ;

réformant, dit que les autorisations sollicitées pour compte de la société XXX encourent le refus sur base des dispositions combinées des articles 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 sur les établissements classés et 15 du PAG de la commune de Mertert ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à la société XXX et pour l’autre moitié à l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 février 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17968,18167
Date de la décision : 28/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-28;17968.18167 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award