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21/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18833

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2005, 18833


Tribunal administratif N° 18833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 21 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions respectivement du ministre de la Justice et du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18833 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 18833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 21 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions respectivement du ministre de la Justice et du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18833 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2004, notifiée le 3 août 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 septembre 2004, lui notifiée le 6 octobre 2004, suite à un recours gracieux du 3 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 14 février 2005, Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 29 décembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut entendu le 16 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 juillet 2004, expédiée par courrier recommandé du 3 août 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 3 septembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 30 septembre 2004.

Le 8 novembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait fait l’objet au Kosovo d’une agression de la part de personnes inconnues du fait qu’il aurait exploité avec un Serbe un commerce de pièces de rechange pour tracteurs, et que seul le passage fortuit d’une patrouille de la KFOR l’aurait sauvé.

Le demandeur relève encore l’impuissance des forces armées internationales présentes au Kosovo par rapport aux conflits interethniques de mars 2004, pour en déduire qu’il ne saurait, personnellement, bénéficier d’une quelconque protection adéquate par rapport à ses agresseurs.

En substance, il reproche aux ministres compétents d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que les ministres auraient fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Il relève que la situation générale d’un pays ne justifie pas à elle seule l’octroi du statut de réfugié. Il souligne encore que l’identité des auteurs de l’agression dont aurait été victime le demandeur étant inconnue, ceux-ci ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, il reproche au demandeur de ne pas avoir fait usage des possibilités de fuite interne.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet du rapport d’audition que la fuite du demandeur, qui est musulman d’origine albanaise, et qui appartient dès lors à l’ethnie majoritaire au Kosovo, a pour seul motif deux incidents isolés, au cours desquels il a respectivement été menacé verbalement et maltraité physiquement par des agresseurs masqués, qui lui auraient reproché de faire du commerce de pièces de rechange de tracteurs avec un Serbe.

Force est dès lors de constater que le demandeur ne fait pas état dans son récit de persécutions émanant d’une autorité au sens de la Convention de Genève.

En effet, à supposer que les menaces, qui émanent de trois individus masqués non identifiés, soient établies, elles n’émaneraient pas des autorités du pays, ni même ne seraient encouragées ou seulement tolérées par ces mêmes autorités, le demandeur restant par ailleurs en défaut d’établir avoir personnellement et concrètement recherché, en vain, la protection des autorités.

Par ailleurs, c’est à tort que le demandeur se prévaut du fait que les autorités de son pays ne seraient pas capables d’assurer sa protection, étant donné qu’il résulte de son rapport d’audition qu’il n’a pas recherché effectivement la protection des autorités en place. Bien au contraire, il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il a décidé de fuir le Kosovo dès la seconde agression, sans attendre le résultat de l’enquête diligentée par la police de Lipljane, et sans demander la protection des forces de la KFOR.

Dans ces conditions, le demandeur n’a pas mis en évidence un refus ou défaut concret et effectif de protection, rapporté à sa situation personnelle.

Force est de constater que hormis ces deux incidents isolés, le demandeur n’a subi ni persécutions, ni même menaces jusqu’à son départ pour le Luxembourg fin décembre 2003.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18833
Date de la décision : 21/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-21;18833 ?

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