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21/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18191

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2005, 18191


Tribunal administratif N° 18191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juin 2004 Audience publique du 21 février 2005 Recours formé par Monsieur Xxx et feu Monsieur Yyy, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et des décisions de l’Institut viti-vinicole en matière de viticulture

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2004 par Maîtr

e André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 18191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juin 2004 Audience publique du 21 février 2005 Recours formé par Monsieur Xxx et feu Monsieur Yyy, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et des décisions de l’Institut viti-vinicole en matière de viticulture

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2004 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dit XXX, demeurant à L-… et de feu Yyy, décédé le…, ayant demeuré à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 4 mars 2004 leur refusant le maintien de leurs numéros d’exploitation respectifs 140-311 et 140-320, ainsi que des décisions de l’Institut viti-vinicole portant clôture du dossier de feu Yyy, réduction arbitraire à zéro de la surface cadastrale viticole de sa propriété et annulation implicite de son autorisation d’exploitation sur le numéro 140-320 avec imputation correlative de ladite surface à Monsieur Xxx pour le calcul des cotisation sociales auprès du Centre commun de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2004 par Maître André LUTGEN pour compte des consorts XXX ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître André LUTGEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2005.

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Depuis 1946, sans préjudice quant à la date exacte, feu Yyy fut propriétaire de vignobles sis à Xxx d’une superficie d’environ 0,85 ha, sans préjudice quant à la superficie exacte, ces surfaces ayant été exploitées sous le numéro d’exploitation 140-

320. Son fils, Monsieur Xxx, est propriétaire de vignobles sis à … et alentours depuis 1967, sans préjudice quant à la date exacte, totalisant une superficie de 5,7832 ha, sans préjudice quant à la superficie exacte, cette surface ayant été exploitée sous le numéro d’exploitation 140-311.

Suite à une augmentation de l’ordre de 49,23% du montant de la cotisation sociale redue par Monsieur Xxx au Centre commun de la sécurité sociale pour le mois de janvier 2003 par rapport au mois de décembre 2002, il s’adressa par courrier du 23 mai 2003 à l’Institut viti-vinicole, ci-après désigné par « IVV » pour s’enquérir sur les raisons ayant motivé cette augmentation. Dans ce même courrier il se réfère à une entrevue ayant eu lieu à l’IVV au cours du même mois de mai 2003 lors de laquelle il aurait exprimé son désaccord par rapport au fait que l’IVV lui a imputé la surface des vignobles de son père ayant fait l’objet du numéro d’exploitation 140-320 avec la conséquence que la surface totale correspondant aux deux numéros d’exploitation 140-320 et 140-311 fut prise en considération pour le calcul des cotisations sociales par lui redues.

Le ministre de l’Agriculture prit position par rapport à ce courrier en date du 4 mars 2004 dans les termes suivants :

„ In Ihrem Schreiben vom 23. Mai 2003 stellen Sie den Antrag auf Beibehaltung der zwei Betriebsnummern 140-311 und 140-320.

Hiermit möchte ich Sie auf Artikel 2 Absatz 2 des Gesetzes vom 24. Juli 2001 zur Förderung der Entwicklung des ländlichen Raumes hinweisen, welcher einen landwirtschaftlichen Betrieb folgendermaßen definiert:

„Die Begriffe des Landwirten oder landwirtschaftlichen Betriebes decken alle Aktivitäten der Bauern, der Winzer, der Viehzüchter, der Baumzüchter, der Obstbaumzüchter, der Gemüsegärtner, der Fischzüchter, der Forstwirtschaftler sowie der Bienenzüchter ab.

Ein landwirtschaftlicher Betrieb ist eine betriebswirtschaftliche Einheit, welche getrennt von jedem anderen Betrieb geführt wird und welche alle Produktionsfaktoren vereint, insbesondere die Arbeitskraft, Immobilien und Produktionsmittel, die ihre Unabhängigkeit gewährleisten.“ Somit wird der landwirtschaftliche Betrieb durch verschiedene Kriterien definiert, unter anderem:

- die Produktion von landwirtschaftlichen Produkten, - eine betriebswirtschaftliche Einheit, die sich durch die gemeinsame Nutzung der Arbeitskräfte und der Produktionsmittel charakterisiert, - eine einheitliche, getrennte und unabhängige Führung des Betriebes.

In den Berichten der Vor-Ort-Kontrollen, die am 31. Juli respektiv am 27. August 2003 durchgeführt wurden, stellten die Beamten der Kontrolleinheit fest, dass diese Bedingungen nicht erfüllt sind. Unter anderem wird keine getrennte Ablieferung und Bezahlung der Trauben vorgenommen, da die Lieferscheine und Rechnungen auf Ihren Namen geschrieben sind.

Es geht daher aus den Kontrollberichten hervor, dass die sich aus der Definition eines landwirtschaftlichen Betriebes ergebenen Kriterien nicht erfüllt sind.

Aufgrund der vorgenannten Texte sowie der beiliegenden Kontrollberichte, muss ich Ihnen somit leider mitteilen, dass ich Ihrer Anfrage auf Beibehaltung von zwei Betriebsnummern nicht nachkommen kann.“ Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2004, les consorts XXX ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prérelatée du 4 mars 2004, ainsi que des décisions de l’IVV ayant consisté respectivement à clôturer le dossier de feu XXX, de réduire arbitrairement à zéro la surface cadastrale viticole de sa propriété, ainsi que d’annuler implicitement l’autorisation d’exploitation n° 140-320 et d’imputer ladite surface à Xxx pour les besoins notamment du calcul des cotisations sociales auprès du Centre commun de la sécurité sociale.

Monsieur XXX étant décédé le 24 juillet 2004, son mandataire a informé le tribunal, à travers le mémoire en réplique déposé en date du 2 décembre 2004, que son épouse, Madame YYY, reprend l’action en son nom et pour son compte.

Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours principal en réformation en faisant valoir qu’aucun recours au fond ne serait prévu en la présente matière. Le tribunal fait sienne cette argumentation et se déclare par voie de conséquence incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de leur recours, les consorts XXX font exposer d’abord que c’est seulement suite à des entretiens téléphoniques avec un responsable du Centre commun de la sécurité sociale qu’ils auraient appris que les bases de cotisation avaient été changées sur décision de l’IVV sans qu’ils n’aient pour autant été informés de cette initiative d’annuler notamment les superficies de vignobles inscrites au cadastre de l’IVV sous le nom de feu XXX. Sur base de ce constat, ils concluent principalement à l’annulation des décisions litigieuses pour violation des articles 5 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes en faisant valoir que ces décisions auraient affecté leurs droits et intérêts et que partant les autorités administratives compétentes auraient été tenues de les informer au préalable de leur intention, ce qui n’aurait pas été fait en l’espèce.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la tenue à jour du cadastre viticole incombe à l’IVV et qu’aucun changement n’aurait été opéré récemment à l’égard de l’exploitation de Monsieur Xxx, alors qu’au niveau dudit cadastre figurerait depuis des années comme une unité technico-économique au sens de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2001 concernant le soutien au développement rural, l’exploitation Xxx englobant à ce titre la surface viticole dont feu XXX était propriétaire, étant entendu que ce dernier n’aurait plus exercé activement une activité professionnelle viticole depuis des années déjà. Relativement au fait que jusqu’à l’année 2003 les deux requérants ont été reconnus comme deux exploitations distinctes par le Centre commun de la sécurité sociale, le représentant étatique explique que cette reconnaissance aurait été due au fait que pour les années antérieures, l’affiliation se faisait sur base d’une déclaration personnelle des déclarants, mais qu’à partir de l’exercice 2003, le Centre commun a recouru, pour les affiliés viticoles, à la base des données des exploitations viticoles du cadastre viticole tenu par l’IVV, cadastre où l’exploitation XXX, telle que relevée auparavant, serait inscrite comme une seule unité avec comme chef d’exploitation Monsieur Xxx et comprenant toutes les surfaces exploitées par ce dernier y compris celles dont feu XXX était propriétaire. Il en déduit que la décision ministérielle du 4 mars 2004 refusant de faire droit à la demande de Monsieur Xxx de voir considérer l’exploitation de feu son père comme exploitation viticole autonome et distincte, serait parfaitement justifiée par rapport aux exigences de la loi précitée du 24 juillet 2001. Il estime pour le surplus que la décision ministérielle du 4 mars 2004 ne saurait être critiquée pour non respect du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, alors qu’elle aurait été prise à la suite d’une demande de Monsieur Xxx et qu’elle ne confirmerait qu’une situation résultant par ailleurs du cadastre viticole.

Dans leur mémoire en réplique, les consorts XXX insistent que l’inscription sous un seul numéro cadastral du père et du fils n’aurait jamais été communiquée ni à l’un ni à l’autre et que les conséquences ne s’en seraient fait sentir que du moment que Monsieur Xxx fut confronté à une augmentation sensible de ses cotisations sociales. Ils maintiennent ainsi leur moyen principal basé sur une violation des dispositions de la procédure administrative non contentieuse.

Il est constant à partir des explications fournies en cause qu’après avoir été exploitées sous les numéros respectifs 140-311 et 140-320, les surfaces viticoles exploitées par les consorts XXX furent, à partir d’un moment donné, considérées par l’IVV comme constituant une unité d’exploitation unique attribuée au seul Xxx.

Tel que relevé à juste titre à l’appui du recours, cette décision s’analyse en la réduction à zéro de la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu XXX et en l’imputation correlative de la même surface à son fils Xxx avec la conséquence notamment de la prise en considération de la surface totale ainsi obtenue dans le chef de ce dernier comme base de calcul des cotisations sociales auprès du Centre commun de la sécurité sociale.

Encore que ni les pièces versées au dossier ni les explications fournies en cause pour compte de l’Etat ne permettent de déterminer de manière précise la date du changement ainsi intervenu au niveau des inscriptions au cadastre viti-vinicole au motif que les surfaces correspondant aux deux numéros d’exploitation concernés constitueraient en réalité une seule unité technico-économique au sens de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2001 précitée, il n’en demeure pas moins constant qu’une décision afférente est intervenue à un moment donné, le délégué du Gouvernement admettant en effet de manière implicite l’existence d’une décision en ce sens en faisant valoir que la décision également litigieuse du 4 mars 2004 est intervenue sur base des inscriptions au cadastre viticole qui renseignerait précisément cette unicité d’exploitation sans qu’un changement afférent n’ait été opéré récemment.

Conformément aux dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir. » La décision de considérer pour l’avenir deux surfaces viticoles, pour les besoins de l’inscription au cadastre viticole, jusque lors exploitées sous deux numéros distincts, comme formant une seule unité technico-économique, est de nature à modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits aux exploitants respectivement concernés. Il s’y ajoute qu’en l’espèce, la décision afférente, bien que non exactement situable dans le temps, est intervenue en dehors de l’initiative des parties concernées, le dossier ne permettant en effet pas de documenter une quelconque demande afférente qui aurait été formulée à l’époque par les consorts XXX.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les décisions litigieuses de l’IVV s’inscrivent clairement dans les prévisions de l’article 9 prérelaté du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, de sorte que le premier moyen des demandeurs, basé sur une violation alléguée dudit article, est fondé.

En effet, faute pour l’Etat de faire état de l’existence d’une quelconque information préalable qui aurait été adressée aux consorts XXX au cours de l’année 2002 afin de leur permettre de prendre position en bonne et due forme par rapport à l’intention des autorités compétentes de considérer pour l’avenir les surfaces viticoles concernées comme formant une seule unité cadastrale, la décision de réduire à zéro la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu XXX ainsi que d’imputer ladite surface au demandeur Xxx encourt l’annulation pour cause de violation de la loi.

Quant à la décision litigieuse du 4 mars 2004, il y a lieu de constater qu’elle a pour objet de refuser de faire droit à la réclamation de Monsieur Xxx ayant tendu en substance au rétablissement des deux numéros d’exploitation litigieux 140-320 et 140-

310, de sorte que par l’effet de l’annulation ci-avant retenue de la décision de réduire à zéro la surface cadastrale viticole ayant correspondu à la propriété de feu XXX et d’anéantir ainsi le numéro d’exploitation afférent, tant la réclamation à l’origine de la décision litigieuse du 4 mars 2004 que cette dernière elle-même sont à considérer comme étant devenues sans objet.

Il s’ensuit que le recours sous examen, en ce qu’il est dirigé contre cette décision du 4 mars 2004, est également à considérer comme étant devenu sans objet en l’état.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit justifié pour autant que dirigé contre les décisions litigieuses de l’IVV ;

partant annule les décisions litigieuses de l’IVV et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural aux fins de transmission à l’IVV ;

le dit sans objet pour le surplus ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21.2.2005 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18191
Date de la décision : 21/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-21;18191 ?

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