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17/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19281

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 février 2005, 19281


Tribunal administratif Numéro 19281 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19281 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, déclarant

être de nationalité « palestinienne », ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour...

Tribunal administratif Numéro 19281 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19281 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, déclarant être de nationalité « palestinienne », ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 février 2005 prorogeant à son encontre une mesure de rétention audit Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2005.

Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 janvier 2005, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté ministériel du 3 février 2005, cette mesure de rétention fut prorogée pour la durée d'un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 7 janvier 2005 décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé est demandeur d’asile en Norvège ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été demandée auprès des autorités norvégiennes ;

- que cette demande de reprise a été accordée par les autorités norvégiennes ;

- que l’éloignement de l’intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 9 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel de prorogation prévisé du 3 février 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 3 février 2005. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies. Dans ce contexte, il estime que les autorités luxembourgeoises n'ont pas entrepris tous les efforts en vue d'assurer que la mesure d'éloignement vers la Norvège puisse être exécutée sans retard. Il relève plus particulièrement que, d’une part, les autorités luxembourgeoises auraient su dès le 13 janvier 2005 qu’il aurait été demandeur d’asile en Norvège, mais qu’elles n’auraient demandé sa reprise par les autorités norvégiennes qu’en date du 31 janvier 2005 et que, d’autre part, les autorités luxembourgeoises n’auraient pas entrepris les démarches indispensables pour assurer son éloignement dans les meilleurs délais, suite à la réponse favorable des autorités norvégiennes intervenue le 1er février 2005.

En second lieu, le demandeur soutient que la mesure critiquée serait disproportionnée au regard de la loi précitée du 28 mars 1972 et qu’il n’aurait pas été placé dans un établissement approprié.

Le délégué du gouvernement explique que Monsieur … aurait fait l’objet d’un contrôle policier le 6 janvier 2005, lors duquel il s’est révélé qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays, qu’une première mesure de placement a été prononcée à son encontre le 7 janvier 2005, que la police judiciaire aurait informé le 13 janvier 2005 le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration que Monsieur … serait connu en Norvège, mais que ce dernier aurait par la suite déclaré une autre identité et le souhait d’être rapatrié en Allemagne où il aurait demandé auparavant l’asile. A cela s’ajoute que le demandeur aurait encore déclaré avoir séjourné au Danemark et en Belgique avant de venir au Luxembourg, de sorte que la police judiciaire aurait dû enquêter sur la provenance du demandeur pour finalement obtenir le 1er février 2005 un accord de reprise des autorités norvégiennes sur base de l’article 16 (1) c) du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Le délégué du gouvernement admet que le laissez-passer a été émis en date du 1er février 2005, mais qu’un retour vers la Norvège demande certains préparatifs, consistant à organiser le vol et à assurer un accompagnement via l’aéroport de Francfort, et que les agents du service de police judiciaire auraient encore d’autres fonctions et charges, de sorte qu’il n’aurait pas été possible d’assurer l’éloignement de Monsieur … à une date plus rapprochée.

En ce qui concerne en premier lieu le moyen tiré de l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (cf. trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Etrangers, n° 337 et autres références y citées).

En effet, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre (…) à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Etant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et sans vouloir dénier le fait qu’un défaut de documents de voyage valables pourrait impliquer la nécessité de mesures de vérification afférentes, ou que, même en présence d’un demandeur d’asile, la nécessité de l’organisation des modalités pratiques d’un éloignement, moyennant transfert dans un autre pays sûr, le cas échéant compétent pour connaître de sa demande d’asile, pourrait justifier le maintien de la mesure de rétention, il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part (cf. trib. adm. 6 février 2003, n° 15933 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 336 et autres références y citées).

Or, en l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que le 13 janvier 2005, la police judiciaire a informé le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration que le système EURODAC avait révélé que le demandeur avait formulé une demande d’asile à Oslo en Norvège en date du 22 décembre 2003, que ledit ministère s’est adressé aux autorités norvégiennes en date du 31 janvier 2005 en vue de la reprise en charge de Monsieur …, que les autorités norvégiennes ont répondu favorablement à cette demande le lendemain et que le service de police judiciaire a informé le ministère compétent en date du 9 février 2005 que le transfert est organisé pour le mardi 22 février 2005.

Si à première vue le délai écoulé entre le 13 janvier 2005 et la date de demande de reprise en charge intervenue le 31 janvier 2005 paraît être relativement long, il convient cependant de relever que, d’après une note manuscrite versée au dossier administratif, le demandeur lui-même avait entretemps décliné une autre identité et affirmé avoir déposé également une demande d’asile en Allemagne et avoir encore vécu au Pays-Bas, au Danemark et en Belgique, de sorte qu’il est manifestement malvenu de se plaindre que les autorités luxembourgeoises ont par la suite dû clarifier son identité et sa situation administrative avant de solliciter officiellement de la part des autorités norvégiennes sa reprise en charge.

Concernant l’organisation matérielle du transfert du demandeur vers la Norvège, c’est à tort que le demandeur soutient que l’impossibilité d’un refoulement dans son chef n’aurait plus existé à la date de la décision de prorogation critiquée du 3 février 2005 et que la date du 22 février 2005 proposée pour le transfert serait trop éloignée, étant donné que le service de police judiciaire compétent a dû organiser matériellement le transfert du demandeur et ce en concertation avec les autorités norvégiennes, transfert qui doit s’effectuer sous escorte en avion vers Oslo, via Francfort. Or, un délai de 21 jours entre l’acceptation de la reprise en charge et l’exécution matérielle du transfert n’est pas excessif au vu des préparatifs indispensables à la réalisation d’un transfert en avion de Luxembourg vers Oslo.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen du demandeur laisse d’être fondé, étant donné que les autorités luxembourgeoises ne sauraient en l’espèce se voir reprocher un manque de diligences qui aurait retardé de manière non justifiée l’exécution du rapatriement.

Quant au moyen soulevé par le demandeur relativement au caractère disproportionné de la mesure de placement, il est constant, d’après l’exposé non contesté du délégué du gouvernement, que par application de la décision litigieuse, le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le Centre de séjour provisoire est à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu’il n’a fait état à suffisance de droit d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire.

Il suit des développements qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 février 2005 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19281
Date de la décision : 17/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-17;19281 ?

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