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17/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19277

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 février 2005, 19277


Tribunal administratif N° 19277 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19277 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 février 2005 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Klin E Ep

erme (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu ...

Tribunal administratif N° 19277 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19277 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 février 2005 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Klin E Eperme (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 janvier 2005 portant refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que d’une décision dudit ministre du même jour ordonnant son placement audit Centre de séjour pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Karin SPITZ, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2005.

Le 4 mars 2003, Monsieur … introduisit une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 auprès des autorités luxembourgeoises laquelle demande fut rejetée comme non fondée par décision du ministre de la Justice du 20 août 2003. Cette décision fut confirmée sur recours par jugement du tribunal administratif du 28 janvier 2004 (n° 17006 du rôle) et par arrêt de la Cour administrative du 25 mai 2004 (n° 17638C du rôle).

Le 17 juin 2004, Monsieur … fut invité par le ministère de la Justice à se présenter le 2 juillet 2004 au Bureau d’accueil pour les demandeurs d’asile où il déclara s’opposer à un retour assisté dans son pays d’origine.

Il ressort d’un procès-verbal du 20 janvier 2005, référencé sous le numéro 50173, de la police grand-ducale, circonscription régionale de Luxembourg, Unité C.I.

Luxembourg, Service Groupe Gare, que Monsieur … fut interpellé le même jour lors d’un vol à l’étalage.

Par arrêté du 21 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur ….

Suivant arrêté du même jour, ledit ministre ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, ci-après le « Centre de séjour provisoire », pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, qui a eu lieu le 21 janvier 2005, dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l’intéressé ne dispose ni d’un titre de voyage, ni d’un document d’identité valables ;

Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Considérant qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement ».

Par requête déposée le 8 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus d’entrée et de séjour et de placement du 21 janvier 2005.

Quant à l’arrêté de refus d’entrée et de séjour :

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers, 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-

d’oeuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre cette décision.

Le recours subsidiaire en annulation non autrement contesté sous ce rapport est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut à l’annulation de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour déféré, en soulevant l’incompétence de l’autorité ayant pris la décision litigieuse, au motif que d’après l’article 11 de la loi précitée du 28 mars 1972, le ministre de la Justice aurait seul compétence pour prendre une décision de refus d’entrée et de séjour des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg à l’exclusion du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet dudit moyen, étant donné que l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des Ministères, publié au Mémorial A n° 147 en date du 11 août 2004, pris en exécution de l’article 76 de la Constitution et de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857 portant organisation du gouvernement grand-ducal, attribue compétence au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’entrée et de séjour des étrangers.

En effet, l’article 76 de la Constitution autorise le Grand-Duc à régler l’organisation de son Gouvernement (…). Il résulte de ce texte que le Grand-Duc peut librement créer les ministères et faire la répartition des départements ou des affaires ministérielles entre les ministres (voir Pierre MAJERUS, L’Etat luxembourgeois, éd.

1983, page 162). En matière d’organisation du gouvernement cette disposition constitutionnelle confère au Grand-Duc un pouvoir réglementaire direct et autonome en disposant que le Grand-Duc règle l’organisation de son gouvernement. Ce pouvoir est donc indépendant de la cause d’ouverture fondamentale des règlements qui est l’exécution des lois. L’octroi de ce pouvoir autonome par la Constitution procède de l’idée de la séparation des pouvoirs : l’organe gouvernemental doit être indépendant à l’égard du Parlement; pour cette raison, il doit pouvoir déterminer en pleine indépendance son organisation intérieure. Dans le domaine circonscrit par la notion de l’ « organisation du Gouvernement », le Grand-Duc exerce un pouvoir discrétionnaire et originaire; les règlements fondés sur l’article 76 de la Constitution sont donc, dans leurs domaines, des actes équipollents aux lois (voir Pierre PESCATORE, Introduction à la science du droit, éd. 1978, n° 95, page 152).

Il s’ensuit que le prédit arrêté du 7 août 2004, ayant force de loi, a modifié la législation en matière d’« entrée et de séjour des étrangers » en ce sens que la compétence ministérielle revient au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte que le moyen tiré de l’incompétence de l’autorité à la base de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour est à rejeter (cf. trib. adm. 25 août 2004, n° 18582 du rôle).

Le demandeur n’ayant pas fait valoir d’autres moyens à l’encontre de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour déféré, ce qui a encore été confirmé à l’audience des plaidoiries par le mandataire du demandeur, il s’ensuit que le recours en annulation dirigé à son encontre est à rejeter comme non fondé.

Quant à la mesure de rétention administrative :

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi précitée du 28 mars 1972, institue un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision ministérielle de placement. - Il s’ensuit que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est irrecevable.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soulève l’incompétence de l’autorité ayant pris la décision litigieuse, au motif que, d’après l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, le ministre de la Justice aurait seul compétence pour ordonner une mesure de placement à l’exclusion du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Il expose ensuite qu’aucune mesure d’expulsion ou de refoulement permettant de prendre une mesure de placement n’aurait été prise ni notifiée et qu’une décision de refus d’entrée et de séjour ne saurait justifier la mesure de rétention administrative.

Quant à la motivation de la décision litigieuse, il estime que le fait qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ne permettrait pas de justifier une mesure de rétention administrative, une privation de sa liberté telle que garantie par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme n’étant permise que si l’exécution d’une mesure d’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait. Il conteste le fait d’une insuffisance de moyens d’existence personnels en soutenant qu’il disposerait d’un emploi à Luxembourg lui permettant de subvenir à ses besoins et consistant en un apprentissage comme cuisinier dans un service de restauration rapide à Luxembourg-

Ville. Il conteste également l’existence d’un danger de fuite dans son chef, voire d’une susceptibilité de se soustraire à la mesure de rapatriement en soutenant que l’autorité ministérielle n’aurait pas établi l’existence d’un danger réel qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement, d’autant plus qu’il aurait fait des efforts pour s’intégrer au Luxembourg, en suivant des cours de langue française et en disposant d’un domicile dans un foyer mis à sa disposition par le ministère de la Famille et de l’Intégration.

Il reproche encore au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration un manque d’objectivité et de neutralité au motif que le ministre aurait mis en doute son identité, alors que l’identité devrait être présumée exacte à défaut d’indication contraire.

Enfin, il conclut à l’illégalité de la mesure de rétention au motif que le procès-

verbal de notification de la mesure de rétention ne serait pas signé par lui-même et n’indiquerait pas les motifs de refus de signature, de sorte que les autorités étatiques resteraient en défaut de prouver qu’il aurait été informé de ses droits conformément aux termes de l’article 15, paragraphe (8) de la loi précitée du 28 mars 1972.

Le délégué du gouvernement signale d’abord que le demandeur a été intercepté par la police grand-ducale alors qu’il venait de commette un vol de l’étalage, que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a informé l’UNMIK le 25 janvier 2005 du rapatriement du demandeur, que l’UNMIK ne s’y serait pas opposée et que le 9 février 2005 ledit ministre a émis un laissez-passer et a saisi le service de police judiciaire en vue de l’organisation du rapatriement, de sorte que toutes les diligences nécessaires au rapatriement du demandeur auraient été accomplies.

Quant au moyen de l’absence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement, il rétorque que non seulement le ministre aurait pris un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre du demandeur mais qu’en plus, en vertu d’une jurisprudence constante, une mesure implicite de refoulement nécessairement sous-jacente à la mesure de rétention existerait dès que les conditions de forme et de fond telles que prévues par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 seraient remplies.

Concernant le danger de fuite, il donne à considérer que le demandeur aurait refusé un retour volontaire dans son pays d’origine et que le fait qu’il serait logé par le ministère de la Famille et qu’il suive des cours de langue ne serait pas pertinent à cet égard.

Enfin, concernant l’absence de signature et d’indication des motifs de refus de signature, il signale que le procès-verbal de notification de la mesure de rétention du Parquet du 20 janvier 2005 préciserait le motif de refus de signature et que l’absence de cette indication ne saurait invalider la mesure à la base, cette exigence n’étant pas prévue à peine de nullité.

En ce qui concerne tout d’abord le moyen ayant trait à l’incompétence de l’autorité à l’origine de la décision déférée, il laisse d’être fondé pour les mêmes considérations que celles développées ci-dessus en ce qui concerne le recours dirigé contre l’arrêté de refus d’entrée et de séjour.

Concernant le moyen tiré de l’absence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, qu’une décision de rétention administrative présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure, étant entendu qu’une mesure de refoulement peut, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, être prise sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence.

Etant donné que le demandeur n’a pas fait l’objet d’une mesure d’expulsion visée par l’article 9 de la loi précitée du 28 mars 1972, il y a dès lors lieu d’examiner si, de par sa situation spécifique, Monsieur … était susceptible d’être éloigné du territoire sur base d’une mesure de refoulement visée par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qui énonce cinq catégories d’étrangers non autorisés à résidence susceptibles d’entrer en ligne de compte à cet égard, en l’occurrence ceux « 1.

qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2.

qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3.

auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de la présente loi [en question] ;

4.

qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5.

qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2, paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public. » En l’espèce, parmi les motifs invoqués au moment de la prise de la décision de placement du 21 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait état du fait que le demandeur se trouverait en séjour irrégulier au pays, qu’il serait démuni de tout titre de voyage et de document d’identité valables et qu’il ne serait pas en possession de moyens d’existence personnels.

Il est constant en cause que le demandeur ne dispose pas des papiers de légitimation prescrits et qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays.

Il y a lieu d’ajouter à titre surabondant que c’est à tort que le demandeur entend justifier l’existence de moyens personnels suffisants par un emploi comme apprenti-

cuisinier auprès d’un service de restauration rapide, alors qu’il faut que ces revenus soient légalement perçus. Or, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que le demandeur soit en possession d’un permis de travail et il n’est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, de sorte qu’il ne saurait être considéré comme disposant de moyens d’existence suffisants pour supporter ses frais de séjour.

Il s’ensuit que les conditions justifiant un refoulement sont remplies en l’espèce et que le moyen tiré de l’inexistence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement manque partant de fondement et doit être écarté.

La mesure de placement entreprise n’est cependant légalement admissible que si l’éloignement ne peut être immédiatement mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.

Cette exigence légale appelle le tribunal à vérifier si le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu se baser sur des circonstances de fait permettant de justifier en l’espèce une impossibilité de procéder à un éloignement immédiat de l’intéressé.

Or, il est constant en cause que le demandeur n’est pas en possession de documents de voyage valables permettant son rapatriement immédiat vers l’Etat de Serbie-et-Monténégro. S’y ajoute que l’obtention de l’accord de la part de l’UNMIK, ainsi que l’organisation du voyage vers Pristina, comportent nécessairement un minimum de démarches tenant notamment à la délivrance d’un laissez-passer, l’introduction d’une demande auprès du corps de la police grand-ducale en vue d’obtenir une escorte, l’organisation du vol avec le cas échéant la nécessité de solliciter une permission de transit, de sorte que le ministre a valablement pu estimer que l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement à la base de la décision sous analyse, était impossible à la date de la mesure de rétention déférée.

Dans la mesure où c’est dès lors précisément dans l’attente de la mise en œuvre des formalités préalables à son éloignement que le demandeur a été placé au Centre de séjour provisoire, la décision déférée ne saurait encourir le reproche de ne pas s’inscrire dans le cadre des prévisions légales en la matière.

Si c’est à bon droit que le demandeur fait relever qu’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où il existe dans le chef de la personne qui se trouve sous le coup d’une décision de refoulement, un danger réel qu’elle essaie de se soustraire à la mesure de rapatriement ultérieur, c’est cependant à tort que le demandeur conteste l’existence d’un tel danger dans son chef.

S’il est vrai que la décision de rétention administrative déférée indique l’existence d’un danger de fuite sans préciser en quoi consiste le danger, il suffit que les motifs sur lequels repose l’acte, si l’acte lui-même ne les précise pas à suffisance de droit, soient communiqués au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle.

Or, il ressort des éléments du dossier soumis au tribunal que le demandeur a été débouté définitivement de sa demande d’asile et qu’il n’a pas accepté la proposition d’un rapatriement volontaire vers son pays d’origine, de sorte qu’il existe un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement.

C’est encore à tort que le demandeur conclut à l’illégalité de la mesure de rétention au motif que le procès-verbal de notification de la mesure de placement ne serait pas signé par lui-même et n’indiquerait pas les motifs de refus de signature, de sorte que les autorités étatiques resteraient en défaut de prouver qu’il aurait été informé de ses droits conformément aux termes de l’article 15, paragraphe (8) de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « la notification des décisions mentionnées aux paragraphes (1) et (2) du présent article fait l’objet d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé.

Ce procès-verbal mentionne notamment :

- la date de la notification de la décision, - la déclaration de la personne concernée qu’elle a été informée de ses droits mentionnés aux paragraphes (5) et (6) ainsi que toutes autres déclarations qu’elle désire faire acter, - la langue dans laquelle l’étranger retenu fait ses déclarations.

Le procès-verbal est présenté à la signature de l’intéressé. S’il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.

Le procès-verbal est transmis au Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration et copie en est remise à l’intéressé ».

En l’espèce, force est cependant de constater qu’il ressort du procès-verbal de notification de la mesure de rétention de la police grand-ducale, service de police judiciaire, référencé sous le n° 15/0139/05/GRI du 21 janvier 2005, que le demandeur a été informé de son droit de prévenir une personne de son choix, de se faire examiner par un médecin et de se faire assister par un avocat. Le fait qu’il n’ait pas signé ledit procès-

verbal et que les motifs de son refus de signature n’y soient pas mentionnés ne sauraient démontrer que, contrairement aux mentions contenues dans ledit procès-verbal, le demandeur n’ait pas été informé sur ses droits. S’y ajoute qu’il ressort du procès-verbal du 20 janvier 2005, référencé sous le numéro 50168, de la police grand-ducale, circonscription régionale de Luxembourg, Unité C.I. Luxembourg, Service Groupe Gare concernant une mesure de rétention à la requête du Parquet du tribunal de Luxembourg que le demandeur avait déjà la veille été informé sur ses droits et qu’il avait déclaré ne pas vouloir signer parce qu’il n’était pas encore prêt à retourner dans son pays. Il s’ensuit que le moyen laisse d’être fondé.

Quant au moyen tiré d’un manque d’objectivité et de neutralité dont le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait preuve à l’égard du demandeur, force est de constater que ce moyen n’est pas fondé, le fait que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a indiqué dans sa décision « le soit-disant …, prétendant être né le 20 septembre 1981 à Klin E Eperme » ne constituant ni la preuve ni même un indice pertinent aux fins de la preuve de pareil reproche. S’y ajoute qu’on ne saurait en tout état de cause pas reprocher à l’autorité ministérielle de ne pas se fier aveuglément aux simples allégations relativement à l’identité du demandeur et de requérir la preuve matérielle de ses dires, étant rappelé qu’un séjour régulier au pays n’est concevable que dans le chef d’un étranger qui dispose de papiers de légitimation.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé contre la décision de refus d’entrée et de séjour ;

reçoit le recours en annulation introduit à titre subsidiaire en la forme pour autant qu’il est dirigé contre la décision de refus d’entrée et de séjour ;

au fond, le déclare non justifié dans cette mesure et en déboute ;

reçoit le recours en réformation en la forme pour autant qu’il est dirigé contre la mesure de rétention ;

au fond, le déclare non justifié dans cette mesure et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation dans la mesure où il est dirigé contre la mesure de rétention irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 février 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19277
Date de la décision : 17/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-17;19277 ?

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