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17/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19271

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 février 2005, 19271


Tribunal administratif Numéro 19271 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19271 du rôle et déposée le 7 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le … à Oran (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre...

Tribunal administratif Numéro 19271 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2005 Audience publique du 17 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19271 du rôle et déposée le 7 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Oran (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 janvier 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 14 février 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2005.

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Monsieur … introduisit le 14 juin 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le ministre de la Justice l’informa par décision du 20 juillet 2004 que sa demande est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Par courrier de son avocat du 14 octobre 2004, Monsieur … sollicita le réexamen « de sa demande du 14 juin 2004 visant à lui voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 » pour demander quelques lignes plus loin « un titre de séjour, sinon un statut de tolérance d’une période de six mois », ce dernier statut étant à accorder « sur les dispositions de l’article 13 (3) de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ». Par ailleurs, il demanda encore à titre subsidiaire « à supposer qu’il ne puisse être fait droit à [la] demande », le réexamen de sa demande initiale en obtention du statut de réfugié.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », prit position par une décision confirmative de refus du 10 novembre 2004, motivée par l’absence d’éléments pertinents nouveaux.

Le 15 décembre 2004, Monsieur … introduisit un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées. Dans ladite requête, le mandataire du demandeur souligna à deux reprises que la démarche de son mandant était à considérer « étrangère » au cadre légal de la Convention de Genève applicable en matière d’asile politique et que sa demande était à qualifier de demande tendant à se voir accorder un titre de séjour à caractère humanitaire.

Par jugement du 17 janvier 2005, le tribunal administratif déclara irrecevable le recours de Monsieur … dans la mesure où il est dirigé contre la décision ministérielle du 20 juillet 2004, le déclara fondé dans la mesure où il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 2004 et annula cette dernière décision au motif que le ministre n’avait pas pris position quant à la demande en obtention d’un titre de séjour.

En date du 21 janvier 2005, le ministre rejeta la demande en obtention d’une autorisation de séjour de Monsieur … aux motifs qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants et qu’il ne ferait pas état de raisons humanitaires justifiant pareille autorisation. Le même jour, le ministre prit encore à l’encontre du demandeur un arrêté de refus d’entrée et de séjour et l’invita à quitter le pays dès notification dudit arrêté.

Le 21 janvier 2005, le ministre prit finalement à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 21 janvier 2005 ;

Considérant que l'intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement d’un document de voyage par les autorités algériennes ;

Arrête:

Art. 1er.- Le nommé …, né à Oran, le …, de nationalité algérienne, dont l’éloignement immédiat n'est pas possible, est placé, dans l'attente de cet éloignement, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification.

Art. 2.- La personne susvisée est à informer des dispositions de l'article 15 sub 5) et 6) de la loi du 28 mars 1972 pré-mentionnée.

Art. 3.- La présente sera adressée au service de Police Judiciaire pour notification et exécution. Une copie sera transmise au responsable du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prérelatée du 21 janvier 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Le recours est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la mesure de rétention serait viciée à sa base, le ministre l’ayant à tort considéré comme étranger en séjour irrégulier et ordonné son placement en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’il aurait la « qualité » de demandeur d’asile et que la procédure d’asile serait toujours en cours étant donné qu’il aurait relevé appel contre le jugement du tribunal administratif du 17 janvier 2005.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximum d’un mois.

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage du dossier administratif et des éléments d’appréciation soumis au tribunal que le ministre a pris le 21 janvier 2005 une mesure de rétention à l’égard du demandeur qui à ce moment se trouvait en séjour irrégulier au pays, étant relevé qu’il a été dépourvu d’un titre de voyage valable et qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels. Dans ce contexte, l’argumentation du demandeur consistant à affirmer qu’il serait à considérer comme demandeur d’asile manque en fait, étant donné qu’il ressort à l’exclusion de tout doute des termes de la requête déposée par le mandataire de Monsieur … en date du 15 décembre 2004 que ce dernier a expressément renoncé à sa demande d’asile, ce qui a amené le tribunal administratif dans son jugement du 17 janvier 2005 à examiner son recours sous le seul angle d’une demande en obtention d’un titre de séjour. Le revirement d’attitude incongru du demandeur, dans son acte d’appel du 7 février 2005, demandant à nouveau à la Cour administrative de se prononcer sur sa demande d’asile ne saurait lui faire reconnaître à l’heure actuelle la qualité de demandeur d’asile, au vu de la renonciation expresse contenue dans la requête déposée le 15 décembre 2004, mais documente tout au plus un comportement incohérent dans le chef du demandeur tendant à « utiliser » les opportunités procédurales afin de prolonger au maximum son séjour au Luxembourg, malgré le fait qu’il est conscient qu’il ne rentre manifestement pas dans un des cas d’ouverture susceptibles de lui accorder le statut de réfugié aux termes de la Convention de Genève.

Le demandeur conteste ensuite l’existence d’un risque de fuite dans son chef en faisant valoir qu’un tel danger ne saurait être présumé et que l’autorité administrative n’aurait invoqué à la base de la décision entreprise aucun élément de fait de nature à établir de façon suffisante l’existence de pareil danger de fuite.

Il appert néanmoins des éléments du dossier que le demandeur est en séjour irrégulier au pays suite à la décision ministérielle du 21 janvier 2005 l’invitant à quitter le pays et qu’il n’existe en l’espèce pas de garanties suffisantes que le demandeur se présentera effectivement aux autorités ou sera à leur disposition au moment où il pourra être procédé à son éloignement, d’autant plus que Monsieur …, dans le cadre de son recours gracieux du 14 octobre 2004, avait précisé qu’il mettrait à profit un titre de séjour « pour quitter le pays après avoir envisagé un autre pays d’accueil », de sorte que le ministre pouvait valablement faire placer le demandeur au Centre de séjour. Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Monsieur … soutient encore qu’il ne constituerait pas un danger pour l’ordre public luxembourgeois dans la mesure où il n’aurait pas commis d’acte compromettant la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, condition préalable à une mesure de placement.

Or, il y a lieu de relever que le demandeur fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002. Dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, précité, de sorte que toute discussion sur l’existence d’un risque de porter atteinte à l’ordre public dans son chef s’avère désormais non pertinente en la matière, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur relève finalement l’insuffisance des démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises pour s’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard.

Force est cependant de constater que lesdites autorités ont agi avec la diligence requise, étant donné qu’il se dégage des pièces du dossier et des informations non contestées du délégué du gouvernement que le Consulat d’Algérie à Bruxelles a été contacté dès le 25 janvier 2005 en vue de la délivrance d’un laissez-passer et que le fait que les autorités algériennes n’ont pas encore délivré à la date d’aujourd’hui ledit laissez-passer n’est pas imputable aux autorités luxembourgeoises, lesquelles doivent également tenir compte de la disponibilité des autorités étrangères pour reprendre leurs citoyens.

Il suit des développements qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 février 2005 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19271
Date de la décision : 17/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-17;19271 ?

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