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17/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19205

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 février 2005, 19205


Tribunal administratif N° 19205 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2005 Audience publique du 17 février 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19205 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2005 par Maître Joë LEMMER, avocat à la Cour, assisté de Maître Faruk DURUSU,

avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Borbomi...

Tribunal administratif N° 19205 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2005 Audience publique du 17 février 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19205 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2005 par Maître Joë LEMMER, avocat à la Cour, assisté de Maître Faruk DURUSU, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Borbomiq (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 décembre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 10 janvier 2005, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal en nom et pour compte du demandeur en date du 9 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Jérome BACK, en remplacement de Maître Joë LEMMER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 13 octobre 2004, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 29 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 6 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 22 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 10 janvier 2005.

Par requête déposée le 21 janvier 2005, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 6 décembre 2004 et 10 janvier 2005.

Il convient en premier lieu de prendre position par rapport à la question de l’admissibilité du mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal en nom et pour compte du demandeur en date du 9 février 2005, soulevée d’office par le tribunal lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur s’étant en substance rapporté à prudence de justice y relativement.

En l’espèce, en vue d’une bonne administration de la justice, impliquant la conciliation des droits de la défense des deux parties avec l’obligation légale de la juridiction saisie, telle qu’elle est prévue à l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996, de statuer dans le délai d’un mois à partir de l’introduction du recours en cause, le tribunal a fixé et communiqué aux parties un calendrier fixant entre autres que le demandeur pouvait déposer un mémoire en réplique jusqu’au 8 février 2005 au plus tard.

Or, force est de constater que le mémoire en réplique du demandeur n’a été déposé qu’en date du 9 février courant, de sorte que son dépôt est intervenu sur le tard et le tribunal est dans l’obligation de l’écarter des débats.

Le délégué du gouvernement conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996, auquel il convient de se référer en l’occurrence, prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … soulève un seul moyen d’annulation basé sur ce que les décisions ministérielles querellées seraient basées sur une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait. Ainsi, il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a fait état de ce qu’un retour au Kosovo mettrait sa sécurité et son intégrité physique en danger. Dans ce contexte, il fait soutenir que la situation générale régnant au Kosovo resterait instable et qu’en tant qu’Albanais, il serait exposé à un risque de subir des représailles des membres de la communauté serbe restant au Kosovo, étant relevé encore que sa fuite serait spécialement motivée par le fait que trois inconnus auraient menacé de le tuer.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 29 octobre 2004 et du recours gracieux, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

C’est en effet à juste titre et sans excéder les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées en la matière que le ministre compétent a pu retenir qu’il ne se dégage pas du récit des faits présenté par le demandeur qu’il aurait été ou risquerait d’être persécuté dans son pays de provenance du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, de sorte que ledit ministre a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

C’est plus précisément à bon escient que l’autorité ministérielle a pu retenir que les craintes exprimées par l’intéressé se résument en définitive en l’expression d’un sentiment général d’insécurité, mais non pas en l’expression d’une crainte de persécution personnelle concrète dans le chef du demandeur, ce dernier, en tant que membre de la communauté albanaise largement majoritaire vivant au Kosovo, omettant de circonstancier un risque personnel suffisamment caractérisé, étant donné que le seul fait concret dont il fait état, à savoir le fait d’avoir été recherché par trois inconnus qui tenteraient de le tuer, est non seulement énoncé en des termes relativement vagues et imprécis, mais encore et surtout, parce que les motivations desdites personnes restent inconnues et que leur comportement relève plutôt d’une criminalité de droit commun.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré la demande d’asile de M. … comme étant manifestement infondée, de sorte que son recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 février 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19205
Date de la décision : 17/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-17;19205 ?

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