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14/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18816

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2005, 18816


Tribunal administratif N° 18816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2004 Audience publique du 14 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Virginie ADLOFF, avocat, tous les deux inscrits au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbi...

Tribunal administratif N° 18816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2004 Audience publique du 14 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Virginie ADLOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 28 juillet 2004 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par le même ministre en date du 30 septembre 2004 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 janvier 2005.

En date du 15 avril 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut encore entendu en date du 29 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 28 juillet 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 2 août 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif que des raisons économiques ne sauraient valablement fonder une demande en obtention du statut de réfugié et que Monsieur … n’aurait par ailleurs apporté aucun élément de preuve permettant d’établir des raisons pour lesquelles il n’aurait pas été en mesure de s’installer dans une autre partie du Monténégro ou de la Serbie et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne. Le ministre a relevé finalement que le Monténégro serait à considérer comme un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécutions.

Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire de Monsieur … suivant courrier du 3 septembre 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 30 septembre 2004 la décision initiale du 28 juillet 2004 dans son intégralité.

Le 5 novembre 2004, Monsieur … a introduit un recours en réformation contre les deux décisions précitées des 28 juillet et 30 septembre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, ce n’était pas des raisons économiques qui l’auraient poussé à quitter son pays d’origine mais sa crainte de faire l’objet d’actes de persécution de la part d’Albanais qui l’auraient agressé physiquement à la sortie de la mosquée et qui l’auraient menacé de mort. Il relève que s’il a certes indiqué vouloir trouver du travail au Luxembourg, cette déclaration aurait traduit sa volonté de ne pas être dépendant des autorités luxembourgeoises et de subvenir personnellement à ses besoins pendant la durée de son séjour ici. En raison de sa confession musulmane et de son origine slave il aurait en effet fait l’objet d’actes de persécutions et éprouverait une crainte légitime de devenir à nouveau la cible de tels actes en cas de retour au Monténégro. Il signale que ces agents de persécution seraient des Albanais, réfugiés du Kosovo, qui détesteraient les musulmans ne parlant pas l’albanais et qui les considéreraient de ce fait comme des étrangers qu’il faudrait éradiquer et chasser du Kosovo, ainsi que des régions avoisinantes.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre se serait livré à une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissante du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, s’il se dégage certes des déclarations du demandeur renseignées dans le procès-verbal d’audition qu’il a fait l’objet d’une agression de la part d’Albanais en date du 27 mars 2004 et qu’ils l’ont encore battu et menacé par la suite, il n’en demeure pas moins qu’un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part des autorités du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de discussion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut d’établir que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre public en place au Monténégro, auxquelles il a d’ailleurs pu s’adresser à la suite de l’incident relaté, aient refusé de réserver à cette plainte les suites qui normalement s’imposent. Il s’y ajoute que l’agression relatée, si elle est certes de nature à dénoter un climat tendu d’après-guerre marqué par une persistance évidente de ressentiment entre différentes communautés ethniques, n’est pas pour autant de nature à dénoter une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais illustre un aspect seulement de la situation générale telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans ce pays et qui, en tant que telle, n’est spécifique ni au Monténégro, ni au demandeur à titre particulier.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18816
Date de la décision : 14/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-14;18816 ?

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