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14/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18335

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2005, 18335


Tribunal administratif N° 18335 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2004 Audience publique du 14 février 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre des Travaux publics en matière de voirie

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Vu la requête déposée le 6 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathias PONCIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, ouvrière, demeurant à L-…, tendant principalement à la réforma

tion et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la ministre des Travaux publics, respecti...

Tribunal administratif N° 18335 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2004 Audience publique du 14 février 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre des Travaux publics en matière de voirie

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Vu la requête déposée le 6 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathias PONCIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, ouvrière, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la ministre des Travaux publics, respectivement de « l’ADMINISTRATION DES PONTS ET CHAUSSEES, Division des Services Régionaux de la Voirie » du 17 mai 2004, rendue sur « recours gracieux » à l’encontre d’une décision de ladite ministre du 4 septembre 2001 refusant à Madame … de faire droit à une demande de permission de voirie en vue de l’aménagement d’un emplacement de stationnement devant sa maison d’habitation sise à … à l’adresse préindiquée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 2004 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 2004 au nom de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal a procédé en date du 28 janvier 2005 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Mathias PONCIN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre d’un projet d’aménagement d’une aire de stationnement devant sa maison d’habitation sise à …, …, Madame … introduisit au cours de l’année 2001 une demande auprès de l’administration des Ponts et Chaussées afin d’obtenir une permission de voirie afférente.

Madame … fut informée par lettre du 4 septembre 2001 que la ministre des Travaux publics avait refusé d’accorder l’autorisation sollicitée au motif que l’emplacement de stationnement à créer ne respecterait pas les mesures minimales requises, l’emplacement projeté n’accusant qu’une profondeur de 3,70 mètres au lieu de 5,00 mètres généralement requis.

Il est encore constant que par la suite, Madame … fit aménager une place de stationnement d’une profondeur de 4,70 mètres par rapport à la limite du trottoir public, une affaire pénale engagée sur plainte sur base des articles 3 et 4 de la loi modifiée du 13 janvier 1843 sur la compétence des tribunaux en fait de contravention de voirie, de constructions et plantations le long des routes étant actuellement pendante devant le tribunal de police et qu’afin de régulariser la situation de fait créée, le mandataire de Madame … introduisit le 19 mars 2004 un recours gracieux contre la décision antérieure de refus de la ministre des Travaux publics.

Le susdit recours gracieux ayant été rejeté par décision ministérielle du 17 mai 2004, dont Madame … fut informée par courrier émanant de l’administration des Ponts et Chaussées du 8 juin 2004, Madame … introduisit par requête déposée le 6 juillet 2004 un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation de la décision confirmative prévisée de la ministre des Travaux publics du 17 mai 2004.

Le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit conformément à l’article 4, alinéa 2 de la loi précitée du 13 janvier 1843 prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le recours en réformation est également recevable, étant donné qu’il a été déposé dans le délai prévu par la loi et qu’il a été introduit suivant les formes légales.

Au fond, la demanderesse soutient que le premier motif de refus mis en avant par la ministre compétente, fondé sur une profondeur insuffisante, ne serait pas justifié au motif que « rares sont les véhicules qui ont une longueur de quelques 5 mètres » et qu’à défaut de prescription légale, le simple fait qu’une exigence de 5 mètres soit énoncée dans un « guide d’application », élaboré par l’administration des Ponts et Chaussées, ne saurait légalement justifier la décision litigieuse. Dans ce contexte, la demanderesse soutient qu’elle « ne peut pas comprendre pour quelles raisons un emplacement d’une profondeur moyenne de 4,70 mètres n’est pas acceptable, alors que la seule condition que la requérante saurait accepter est la considération que le véhicule garé ne doit pas dépasser la propriété privée, ce d’autant plus que l’administration communale compétente en la matière lui avait accordé l’autorisation de construire ». En conclusion, elle estime que l’emplacement projeté ne constituerait ni une source de danger, ni une atteinte à la propriété publique, ni n’impliquerait-

elle une violation de l’intérêt public.

En ce qui concerne le second motif de refus que l’autorité ministérielle a fait valoir dans le cadre de la décision confirmative selon lequel « l’expectative de la réalisation d’un trottoir de largeur uniforme, cette enclave ne peut être grevée d’un droit contraire à l’intérêt public », elle soutient qu’il n’existerait actuellement ni enclave ni projet de plan d’alignement et que l’octroi de l’autorisation sollicitée ne créerait pas de droit contraire à l’ordre public.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se référant à la jurisprudence en la matière, relève que comme la loi ne prévoirait pas de critères sur lesquels l’administration peut se fonder pour soit refuser soit autoriser une permission de voirie, le ministre serait appelé à examiner chaque cas d’espèce.

Or, en l’espèce, il se dégagerait du rapport du préposé du service régional de Luxembourg que l’emplacement de stationnement « projeté », empièterait « sur le trottoir existant, dont la largeur doit être de 1,50 mètres dans l’intérêt de la sécurité des piétons », de sorte que la profondeur de l’emplacement de stationnement constituerait un danger pour les usagers de la route.

Concernant les dispositions du « guide d’application pour l’établissement des permissions de voirie ministérielles », ledit guide aurait été arrêté par l’administration des Ponts et Chaussées « dans l’intérêt de la sécurité et de la commodité tant des riverains que des usagers des voies publiques », que ce « guide n’a pas de valeur juridique et l’intention du Ministre des Travaux Publics n’a pas été de baser sa décision de refus sur ce guide, mais la situation dangereuse in concreto a été par ailleurs contraire aux dispositions afférentes dudit guide dont le but était d’objectiver le traitement des demandes de permission de voirie au niveau des services régionaux, pour être appliquées en toute transparence et non pas à la tête du client et au bon vouloir de l’agent de l’administration ».

Sur ce, il estime que la référence aux dispositions du guide dans la décision de refus ne saurait entraîner l’annulation, sinon la réformation de la décision entreprise, cette dernière étant justifiée par rapport au critère de la sécurité des usagers de la route et tiendrait compte des conditions particulières des lieux.

En conclusion, il estime que le refus d’accorder la permission de voirie est justifié, le recours devant par conséquent être rejeté.

La demanderesse fait répliquer qu’elle ne conteste pas que l’autorité ministérielle compétente devrait veiller à ce que les constructions et aménagements à réaliser le long des grandes routes ne soient pas de nature à causer de dangers pour les usagers de la route et que pour ce faire, elle devrait statuer sur base des données factuelles de chaque cas d’espèce, mais elle conteste qu’en l’occurrence, l’aménagement de l’emplacement de stationnement, litigieux, moyennant « rabaissement d’une partie de sa propriété privée de quelques 5 centimètres », constitue un quelconque danger pour les usagers de la route.

Elle soutient encore « qu’il est cependant inexact d’affirmer que le trottoir devant la propriété privée de la requérante a une largeur de 1,50 mètres, alors que le trottoir en question n’avait, depuis des décennies, qu’une largeur de 0,95 mètres ».

En conclusion, la demanderesse estime que la ministre est restée en défaut de prouver le moindre danger pour la circulation routière, son recours étant par conséquent justifié et la permission dont il est question en cause devrait lui être octroyée.

En vertu de l’article 4, alinéa 1er de la loi modifiée du 13 janvier 1843 précitée, sont soumises à autorisation non seulement la construction, la reconstruction, la réparation et l’amélioration de bâtiments ou autres constructions généralement quelconques, mais également tous les autres travaux envisagés par le propriétaire du fonds à une distance inférieure à 10 mètres à compter de l’arête extérieure du fossé de la route, conformément à l’article 5 de la même loi, distance qui peut être portée à 25 mètres sous certaines conditions non vérifiées en l’espèce.

S’y ajoute qu’en matière d’autorisations de voirie, le ministre compétent doit veiller à ce que les constructions et aménagements à réaliser le long des grandes routes, dans la mesure où ils sont situés dans les limites des distances fixées par l’article 5 de la loi précitée du 13 janvier 1843, ne soient pas de nature à causer des dangers pour les usagers de la route.

Une aire de stationnement, par le biais de l’accès à la voie publique qu’il implique, doit notamment être aménagée de manière à éviter que de la part de la configuration même desdits accès, les manœuvres de véhicules ou d’autres engins motorisés ou non motorisés nécessaires soit pour accéder à l’emplacement soit pour en sortir pour pénétrer sur la voie publique ne soient de nature à mettre en danger les usagers d’une route nationale, étant relevé qu’à défaut de prescriptions légales précises, l’autorité compétente doit examiner pareilles potentialités de danger pour chaque cas d’espèce.

En l’espèce, le tribunal, lors de la visite des lieux à laquelle il a procédé en vue de prendre inspection de l’aire de stationnement, dont la demanderesse poursuit actuellement la régularisation, ensemble la configuration des lieux environnants, a pu se rendre compte de la dangerosité potentielle des manœuvres d’accès sur l’aire à partir de la rue …, de même que des manœuvres de sortie à partir de celui-ci.

Ainsi, il a pu être constaté de visu que l’emplacement est aménagé devant la maison d’habitation de la demanderesse sise aux abords de la rue … et perpendiculairement par rapport à l’axe de la route ; qu’une école communale est implantée de l’autre côté de la voie publique dans les proches alentours ; qu’il existe - fait non invoqué directement par les parties - un arrêt d’autobus situé juste en face de la propriété de Madame … ; que la voie publique, en direction de …, vire légèrement vers la gauche, la visibilité des véhicules circulant sur la bande sur laquelle il y a accès direct, de même que la visibilité de ceux-ci, étant restreinte par la présence des constructions voisines ; que l’emplacement de stationnement accuse une profondeur de quelques 4,70 mètres par rapport à la limite du trottoir public longeant la rue …, que devant l’immeuble de la demanderesse, le trottoir existant n’est large que de 95 centimètres ; que le véhicule avec lequel le tribunal s’était transporté sur les lieux, qui pour donner une image concrète avait été stationné sur l’emplacement projeté, a dépassé l’aire de stationnement de quelques 10 centimètres et empiété d’autant sur ledit trottoir.

Partant, le tribunal ne saurait partager le point de vue de la demanderesse, mais est amené à retenir que l’aire projetée de par son emplacement et sa configuration lui confère un caractère accentué de dangerosité se dégageant des circonstances de fait ci-avant circonscrites, en ce qu’il constitue une source potentielle d’accidents et une gêne pour le bon écoulement du trafic dans la rue …, d’une part, dangerosité, à laquelle il convient d’ajouter encore et surtout le fait que la profondeur limitée de l’aire, spécialement lorsqu’elle est utilisée par un véhicule de taille moyenne voire grande, exige sinon pousse les piétons circulant sur le trottoir attenant à quitter ce dernier pour contourner l’obstacle moyennant un passage par la rue, source de danger supplémentaire, d’autre part. Il convient d’ajouter que l’argumentation de la demanderesse, qui soutient n’avoir qu’une « petite » voiture, ne saurait invalider la susdite conclusion, l’emplacement impliquant la potentialité d’être utilisé par tous types de véhicules.

Il s’ensuit que la décision déférée se trouve être justifiée à travers les motifs invoqués ci-dessus, abstraction faite du caractère pertinent ou non de l’autre motif invoqué à sa base, entraînant que l’analyse des moyens proposés y relativement devient surabondante.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 14 février 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18335
Date de la décision : 14/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-14;18335 ?

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