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14/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18199

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2005, 18199


Tribunal administratif N° 18199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2004 Audience publique du 14 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18199 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2004 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation et sinon à l’annulation d’ ...

Tribunal administratif N° 18199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2004 Audience publique du 14 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux bulletins de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18199 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2004 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation et sinon à l’annulation d’ « une décision rendue par bulletin d’impôt émis le 18/11/1999, sans indication d’une date plus exacte, émanant de l’administration des Contributions directes » et concernant les années fiscales 1997 et 1998 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Jean-Paul NOESEN au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean-Paul NOESEN ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 février 2005.

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Monsieur … déclare s’être vu notifier en date du 18 novembre 1999 deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis par l’administration des Contributions directes, service d’imposition des personnes physiques, bureau d’imposition Luxembourg 3, portant sur l’impôt sur le revenu des années 1997 et 1998, bulletins qui d’après le demandeur l’auraient « subitement » classé en classe d’impôt 1.

Il aurait en vain déposé contre cette décision une réclamation en date du 18 février 2000 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes.

En l’absence d’une décision directoriale à la suite de ladite réclamation, Monsieur … a introduit le 9 juin 2004 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des bulletins d’imposition ayant trait aux années 1997 et 1998.

Il fait exposer à l’appui de son recours que nonobstant son origine néerlandaise il serait résident luxembourgeois et serait gérant salarié de « différentes sociétés travaillant dans le domaine de la plâtrerie et de la finition du bâtiment » établies à Luxembourg, de sorte qu’il en retire des revenus professionnels imposables au Luxembourg.

Il expose encore que son épouse, Madame …, serait en revanche restée habiter aux Pays-Bas, où elle ne s’adonnerait à aucune activité rémunérée.

Il souligne le fait qu’il dispose lui-même d’un domicile de droit et de fait à Luxembourg, tandis que son épouse aurait la qualité de résidente néerlandaise, les époux se voyant essentiellement le weekend et pendant les vacances.

Il fait valoir que si jusqu’en 1996 il aurait « de facto » bénéficié de la classe d’impôt 2, l’administration des Contributions directes l’aurait subitement classé pour les années 1997 et 1998 en classe 1.

En se basant sur les faits tels que détaillés ci-avant, le demandeur s’empare d’une affaire ZURSTRASSEN tranchée sur question préjudicielle par arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 16 mai 2000, ainsi que par décision du tribunal administratif du 30 octobre 2000, pour conclure à une inégalité de traitement incompatible avec le droit communautaire dans la mesure où l’administration des Contributions directes refuserait l’imposition collective à un travailleur résident au Luxembourg, Etat dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.

Le délégué du Gouvernement soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il émane de Madame …, la décision directoriale entreprise ne concernant que Monsieur …, tandis que le demandeur résiste à ce moyen en précisant que le recours ne serait introduit qu’en son propre nom.

Il résulte des éclaircissements produits à l’audience par le mandataire du demandeur que le moyen d’irrecevabilité de la partie publique repose en fait sur une erreur matérielle affectant la rédaction du recours (« il demandent par les présentes ») qui a induit la partie publique en erreur, de sorte que son moyen d’irrecevabilité est à écarter.

Le délégué du Gouvernement soulève ensuite le défaut de production des bulletins d’impôt sur le revenu reçus par Monsieur … en novembre 1999.

Le demandeur, après avoir expliqué avoir « égaré » les décisions déférées, fait répliquer que si en principe la décision entreprise devait être versée au recours, tel ne serait pas le cas si l’administré ne disposerait comme en l’espèce pas de la décision, mais qu’il ne devrait pas être difficile pour la partie publique de produire « soit un original, soit un double certifié conforme des décisions d’imposition ».

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), ensemble l’article 8 (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ouvrant un recours au fond contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur face à une réclamation contre ce bulletin, le tribunal est compétent pour connaître de la demande principale tendant à la réformation des bulletins critiqués. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Concernant le défaut de production des décisions attaquées, il convient de rappeler les termes de l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, d’après lequel « la requête introductive est déposée au greffe du tribunal, en original et quatre copies. Les pièces énoncées sont jointes en quatre copies.

La décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées, si le demandeur en dispose; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur. (…) ».

Il convient de prime abord de souligner que le simple fait d’avoir égaré les décisions critiquées ne saurait dispenser purement et simplement le demandeur de leur production. En effet, contrairement à ce que le demandeur a fait plaider lors de l’audience publique du 2 février 2005, l’obligation inscrite à l’article 2 précité s’impose à tous les destinataires des décisions critiquées, la réserve énoncée au même article (« si le demandeur en dispose ») ne s’appliquant pas aux destinataires d’un acte l’ayant perdu par la suite, mais aux tiers intéressés qui, a priori, ne se sont pas vu notifier de décision.

Néanmoins, s’il est exact que la décision critiquée doit en principe figurer parmi les pièces versées afin que la juridiction saisie puisse pleinement exercer son pouvoir de contrôle, le non-respect de cette exigence, à défaut de production de la décision par une des parties en cause, n’entraîne pas nécessairement l’irrecevabilité de la demande, à condition que l’exercice du contrôle de la juridiction saisie soit par ailleurs pleinement garanti. En effet, il convient dans le cadre de la loi du 21 juin 1999 d’avoir encore égard à son article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense » (trib. adm. 3 juillet 2002, n° 14587, Pas. adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 211, p.595).

En l’espèce, le demandeur a indiqué dans sa requête introductive que son recours est dirigé contre les bulletins d’impôt sur les revenus des années 1997 et 1998, mais est également en aveu de ne pas pouvoir produire les bulletins critiqués, n’en ayant plus possession.

Comme aucune des parties n’est à même de produire devant le tribunal les bulletins litigieux, mais comme il ressort du dossier que le demandeur critique de façon circonscrite les bulletins attaqués en ce qu’ils l’ont soumis à la classe d’impôt 1, éléments qui se trouvent confirmés par la lecture des feuilles d’établissement se trouvant au dossier fiscal, le tribunal est amené à retenir que les actes attaqués sont identifiés dans la requête introductive avec la précision voulue de sorte à rendre pleinement possible le contrôle du tribunal, sans qu’une atteinte aux droits de la défense ne soit donnée par ailleurs. Partant, la recevabilité du recours ne saurait être critiquée sous cet angle.

En ce qui concerne l’imposition relative à l’année 1997, le délégué du Gouvernement souligne qu’il ne serait pas établi que le bureau d’imposition ait fixé une cote positive, de sorte que le recalcul afférent sollicité par le demandeur ne se justifierait pas.

Le demandeur admet dans son mémoire en réplique qu’en ce qui concerne l’année 1997, aucun impôt ne serait réclamé, de sorte que « le recours serait effectivement le cas échéant sans objet à cet égard ».

Force est de constater au tribunal à l’étude de la feuille d’établissement de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 1997 que l’administration a effectivement fixé une cote d’impôt de zéro francs.

Conformément au 232 (1) AO « einen Steuerbescheid kann der Steuerpflichtige nur deshalb anfechten, weil er sich durch die Höhe der festgesetzten Steuer oder dadurch beschwert fühlt, dass die Steuerpflicht bejaht worden ist ». De cette formulation la jurisprudence et la doctrine concluent à l’absence d’un intérêt né et actuel, donc à l’irrecevabilité d’un recours dans les cas où la cote d’impôt est fixée à zéro francs, encore que le contribuable estime avoir des critiques à l’égard de tel ou tel motif de la décision, alors que seul le dispositif du bulletin aurait force contraignante, le contribuable restant par ailleurs recevable à opposer ses moyens quant spécialement au montant de ces pertes à l’occasion du premier bulletin fixant une cote d’impôt positive dans laquelle le montant de la perte reportée aurait un impact direct sur la dette fiscale (Cour adm.29 janvier 2004, n° 16859C, Pas. adm.

2004, v° Impôts, p.446, n° 354).

Il en résulte que le demandeur n’a donc pas intérêt à critiquer le bulletin d’imposition relatif à l’année 1997, de sorte que son recours, en tant que dirigé contre le bulletin d’impôt sur le revenu pour l’exercice 1997, doit être déclaré irrecevable.

Le recours en réformation introduit par Monsieur … est en revanche recevable dans la mesure où il porte contre le bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1998 pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur fait exposer dans ce cadre être lui-même contribuable résident au Luxembourg, tandis que son épouse aurait la qualité de résidente néerlandaise : « son épouse est restée habiter, d’ailleurs jusqu’à ce jour, dans la région de s’Hertogenbosch, donc dans la partie néerlandaise du Brabant (…). Monsieur … a un domcile de droit et de fait à L-… (…) la qualité de résident de Monsieur … n’est pas plus contesté (sic) par l’administration des Contributions que la qualité de résident néerlandais de son épouse. Les époux se voient essentiellement le weekend et pendant les vacances ».

Force est cependant de constater que dans sa réclamation adressée en date du 18 février 2000 au directeur de l’administration des Contributions directes, le demandeur défend la position opposée, en exigeant que son épouse se voie reconnaître la qualité de contribuable résident luxembourgeois depuis 1997, en arguant qu’elle séjournerait à L- au Luxembourg « dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou au Luxembourg non seulement à titre passager, mais à titre habituel ». Il précise encore dans le cadre de cette réclamation que son épouse séjournerait au Luxembourg ensemble son époux et leur fille toutes les semaines du lundi après-midi au vendredi midi.

Force est encore de constater, au-delà de cette contradiction, qu’aucune de ces affirmations n’est étayée par un quelconque moyen de preuve.

Or, conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 précitée, « la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ».

Dès lors, au vu de la contradiction relevée ci-avant dans l’argumentation et les moyens du demandeur et de l’absence de tout élément de preuve permettant de sous-tendre plutôt l’une que l’autre des argumentations du demandeur, le recours est à déclarer, en l’état actuel du dossier, non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il dirigé contre le bulletin d’imposition de l’impôt sur le revenu de l’année 1997 ;

le reçoit en la forme dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin d’imposition de l’impôt sur le revenu de l’année 1998 ;

le déclare cependant non fondé et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

met les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 février 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18199
Date de la décision : 14/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-14;18199 ?

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