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09/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19240

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 février 2005, 19240


Tribunal administratif N° 19240 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 9 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19240 du rôle et déposée le 1er février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalit

é serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers e...

Tribunal administratif N° 19240 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 9 février 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19240 du rôle et déposée le 1er février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 janvier 2005 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour la durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2005.

En date du 25 avril 2003, Monsieur … avait introduit une demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg. Par décision du 16 juin 2003, le ministre de la Justice avait refusé de faire droit à cette demande. Cette décision de refus fut confirmée définitivement par arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 2003, n° du rôle 16963C.

Par décision du 21 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a refusé l’entrée et le séjour à Monsieur ….

Par arrêté du même jour, il ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

«Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l’intéressé ne dispose ni d’un titre de voyage, ni d’un document d’identité valable ;

Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Considérant qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement (sic). » Par requête déposée le 1er février 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 21 janvier 2005 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours au fond contre une décision de placement, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer que depuis l’arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 2003 confirmant le rejet de sa demande d’asile, il aurait continué à être logé par les soins du ministère de la Famille sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg pour des raisons humanitaires, ceci en raison de l’impossibilité matérielle de son rapatriement. Il reproche à la décision ministérielle litigieuse de ne pas faire état d’un quelconque danger concret dans son chef de se soustraire à son rapatriement, de sorte qu’en l’absence d’un tel danger se dégageant par ailleurs de son dossier, cette décision serait entachée d’illégalité. Il signale en outre dans ce contexte qu’il se serait rendu mensuellement au ministère de la Famille aux dates qui lui ont été indiquées, de sorte que l’on ne saurait raisonnablement soupçonner un danger de fuite dans son chef.

Le demandeur conclut ensuite au caractère disproportionné de la décision litigieuse, ceci tant au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qu’au regard de sa situation personnelle. Il souligne à cet égard que le régime auquel il serait actuellement soumis serait identique à celui des détenus de droit commun à l’exception d’un droit limité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail pour soutenir que ce lieu de rétention ne serait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement sur base de l’article 15 (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’en date du 26 novembre 2003, Monsieur … aurait fait savoir aux autorités compétentes du ministère de la Justice qu’il s’opposait à un retour assisté vers son pays d’origine. Eu égard au séjour irrégulier du demandeur au pays, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait alors pris la décision litigieuse dans l’attente de l’organisation du rapatriement du demandeur.

Une information afférente aurait été adressée en date du 25 janvier 2005 à l’UNMIK qui exigerait d’être informée de tout rapatriement des personnes vers le Kosovo. Dans la mesure où aucune opposition de la part de cette institution ne serait parvenue au ministre dans la semaine suivant cette information, le ministre aurait émis un laissez-passer et aurait saisi en date du 1er février 2005 le service de police judiciaire afin de voir organiser concrètement le rapatriement, qui a pu être prévu pour le 15 février 2005. Le représentant étatique estime que toutes les diligences nécessaires pour procéder au rapatriement du demandeur auraient ainsi été déployées et qu’aucun reproche afférent ne saurait être adressé au ministre. Compte tenu du fait que Monsieur … aurait refusé un retour volontaire assisté vers son pays d’origine, le délégué du Gouvernement estime pour le surplus qu’il y aurait lieu d’admettre l’existence d’un risque de fuite justifiant le placement de l’intéressé en attendant l’exécution de la mesure de rapatriement prévue.

Dans son mémoire en réplique le demandeur relève qu’il ne se serait pas opposé à un retour assisté, mais que c’est l’UNMIK qui se serait opposé au retour des Albanais vulnérables vers le Kosovo. Il reproche ensuite au ministre de n’avoir entrepris les premières démarches en vue de l’organisation de son rapatriement qu’en date du 1er février 2005, soit le jour de l’introduction de la requête sous examen, de manière à ne pas avoir écourté au maximum la durée de rétention dans son chef.

Force est au tribunal de constater que, dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Dans la mesure où l’organisation matérielle d’un rapatriement requiert un minimum de formalités, dont notamment, tel le cas en l’espèce, l’émission d’un laissez-

passer, ainsi que l’organisation d’un vol sous escorte, l’exécution de la mesure d’éloignement prévue est en effet à considérer comme ayant été impossible au jour de la prise de la décision en raison de circonstances de fait, ceci indépendamment du fait que le demandeur ait pu bénéficier au préalable de la faveur d’un logement au pays. Aussi le risque de fuite ci-avant décrit dans son principe ne saurait être considéré comme étant amoindri en l’espèce par le fait que Monsieur … se rendait régulièrement au ministère de la Famille avant la prise de la décision litigieuse, étant donné qu’à ce moment, l’imminence de son rapatriement n’était pas encore patente.

Concernant les démarches entreprises afin d’écourter au maximum la durée de rétention de l’intéressé, force est encore de constater que contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, l’agent en charge du dossier de Monsieur … s’est adressé dès le 25 janvier 2005 à l’UNMIK pour l’informer du rapatriement projeté et qu’en l’absence d’opposition formulée dans la semaine, un laissez-passer fut délivré le 1er décembre 2004, de même que le service de police judiciaire fut prié d’organiser le rapatriement en question, lequel a ainsi pu être prévu pour le 15 février prochain. Dans ces circonstances le reproche d’un manque de diligences suffisantes laisse encore d’être fondé.

Aucun autre moyen de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse n’ayant été avancé en cause, il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Legille, greffier s. Legille s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19240
Date de la décision : 09/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-09;19240 ?

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