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03/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19229

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2005, 19229


Tribunal administratif N° 19229 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique extraordinaire du 3 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19229 du rôle et déposée le 28 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Ukr

aine), de nationalité ukrainienne, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers e...

Tribunal administratif N° 19229 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique extraordinaire du 3 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19229 du rôle et déposée le 28 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Ukraine), de nationalité ukrainienne, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 janvier 2005 ayant ordonné son placement audit Centre de séjour provisoire pour la durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en sa plaidoirie à l’audience publique du 2 février 2005.

Par décision du 5 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig en attendant son éloignement.

Ladite décision de rétention est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu les rapports de police N° 31704 du 31 décembre 2003, N° 30 du 19 janvier 2004, N° 2004/48766/1122/KA et 2004/49388/1143/KA du 10 août 2004 N° 2004/56273/771/KL du 25 septembre 2004 ;

Considérant que l’intéressé ne dispose ni d’un titre de voyage, ni d’un document d’identité valables ;

Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Considérant qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible, étant donné qu’une demande en obtention d’un titre de voyage doit être adressée aux autorités ukrainiennes ;

Considérant que l’intéressé constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement d’un titre de voyage par les autorités guinéennes; » Par requête déposée le 28 janvier 2005, inscrite sous le numéro 19229 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de rétention prévisée du 5 janvier 2005.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, institue un recours au fond contre une décision de placement, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le ministre n’aurait ni établi, ni justifié l’existence d’une nécessité absolue, alors que cette condition serait prévue expressis verbis à l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée. Il relève à ce titre qu’une mesure de rétention devrait rester une mesure d’exception et ne devrait trouver application qu’en cas de nécessité absolue. Tout en admettant que l’organisation du refoulement vers l’Ukraine comporte nécessairement un minimum de démarches à effectuer, il estime qu’il appartiendrait néanmoins au ministre de veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais. A ce titre, il fait valoir qu’il serait dans l’ignorance des démarches dores et déjà effectuées par le ministre, de sorte que la décision litigieuse serait contraire aux critères fixés par la loi et la jurisprudence en la matière.

Il fait valoir pour le surplus que le fait de ne pas disposer de moyens d’existence personnels légalement acquis ne saurait justifier une mesure de rétention administrative, ceci compte tenu de sa situation personnelle particulière, de même que son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig serait constitutif d’une mesure disproportionnée au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Le délégué du Gouvernement précise qu’en date du 7 janvier 2005, les autorités compétentes ont saisi l’ambassade ukrainienne en vue de l’émission d’un laissez-passer dans le chef de Monsieur …, qu’en date du 12 janvier 2005, ladite ambassade a pu être jointe par téléphone et qu’à cette occasion le 1er secrétaire de l’ambassade a confirmé la réception de cette demande de laissez-passer, laquelle serait actuellement encore en cours de traitement. Il relève ensuite que la condition de la nécessité absolue ne vaudrait que pour la prorogation d’une mesure de placement, conformément à l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, de sorte à être inapplicable en l’espèce. Quant aux démarches entreprises en vue de l’éloignement de l’intéressé, il fait valoir qu’aucun manquement ne saurait être reproché au ministre. Il rappelle pour le surplus que Monsieur … a commis plusieurs délits au Luxembourg et qu’il pourrait dès lors être considéré comme un danger pour l’ordre et la sécurité publics, de sorte que la mesure litigieuse ne serait pas non plus à considérer comme étant disproportionnée.

Concernant d’abord le moyen basé sur la considération que seule une absolue nécessité justifierait une mesure de rétention administrative, force est de constater qu’aucune condition afférente n’est inscrite dans la loi.

En effet, l’article 15, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi modifiée du 28 mars 1972, en disposant que « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois », exige la réunion de deux conditions légales sous-jacentes à une décision de placement, en l’occurrence 1) une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972 et 2) l’impossibilité de l’éloignement de l’étranger en raison de circonstances de fait.

A défaut de contestations avancées en cause relativement à la réunion de ces deux conditions légales, le tribunal, tenu de toiser un litige dans le cadre des seuls moyens avancés en cause par le demandeur, sauf le cas échéant ceux d’ordre publics qui seraient à soulever d’office, constate que la décision litigieuse n’a pas été utilement énervée quant à sa régularité par les moyens présentés en cause.

Eu égard aux précisions apportées en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement au sujet des démarches entreprises en vue d’organiser l’éloignement de Monsieur …, force est en effet de constater que les reproches d’ordre général afférentes formulées par le demandeur ne sont pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse pour ne pas être vérifiés en fait.

Quant au moyen basé sur le caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse tant au regard des exigences de la loi qu’au regard de la situation personnelle de Monsieur …, force est encore de constater qu’en l’absence d’arguments concrets tenant à la situation spécifique du demandeur, avancés en cause pour sous-tendre ce moyen en fait, aucune illégalité de la décision litigieuse ne saurait en être dégagée.

En effet, la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce entrer dans les prévisions de la définition des « retenus » tels que consacrés à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur le caractère disproportionné, non autrement spécifié, de la décision litigieuse laisse encore d’être fondé.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens présentés à l’appui du recours, celui-ci laisse dès lors d’être fondé et le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 3 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19229
Date de la décision : 03/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-03;19229 ?

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