La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2005 | LUXEMBOURG | N°19134

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2005, 19134


Tribunal administratif N° 19134 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 2 février 2005

=============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19134 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Rozaje (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalit...

Tribunal administratif N° 19134 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 2 février 2005

=============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19134 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Rozaje (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 octobre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 6 décembre 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 22 septembre 2004, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 7 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 8 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 12 novembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, recours dans le cadre duquel il sollicita en ordre subsidiaire la reconnaissance d’un « statut de tolérance », le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 6 décembre 2004, tout en déboutant M. … de sa demande subsidiaire, au motif que les conditions légales ne seraient pas remplies.

Par requête déposée le 10 janvier 2005, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 8 octobre et 6 décembre 2004 en ce que ledit ministre a rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève comme étant manifestement infondée.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … soulève un seul moyen d’annulation basé sur ce que les décisions ministérielles querellées seraient basées sur une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait. Ainsi, il reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a fait état de ce qu’un retour en Serbie-et-Monténégro, l’exposerait à des poursuites et une condamnation pour détention illégale d’une arme prohibée, en raison du fait qu’il n’aurait pas rendu l’arme qui lui avait été remise en 1998, lorsqu’il a commencé son service militaire. Dans ce contexte, il précise avoir déserté après quelques mois de service et s’être défait de son arme de service à ce moment, que des poursuites en raison de sa désertion auraient été entamées, mais abandonnées suite à l’adoption d’une loi d’amnistie et qu’en 2002, il aurait réintégré l’armée pour terminer son service militaire, ses problèmes n’ayant commencé qu’après qu’il aurait terminé son service obligatoire, étant donné que la police militaire le rechercherait maintenant parce qu’il n’a pas rendu son arme.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 7 octobre 2004 et du recours gracieux, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, c’est à juste titre et sans excéder les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées en la matière que le ministre compétent a pu retenir que le récit des faits présenté par le demandeur était difficilement crédible, étant donné qu’on comprend mal pourquoi le demandeur n’aurait pas été poursuivi ou sanctionné au moment de réintégrer l’armée en 2002, sans être muni de l’arme qu’il prétend avoir « jetée dans la forêt » au moment de sa désertion deux années plus tôt, tandis que suite à l’accomplissement de son service, on aurait soudainement commencé à le rechercher pour ne pas avoir restitué ladite arme, mais encore et surtout, parce que les allégations et craintes exprimées par le demandeur, même à supposer que son récit soit véridique, ne sauraient s’analyser en une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, de sorte que ledit ministre a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile comme étant manifestement infondée, de sorte que son recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Sünnen, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19134
Date de la décision : 02/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-02;19134 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award