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02/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18858

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2005, 18858


Tribunal administratif N° 18858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 novembre 2004 Audience publique du 2 février 2005 Recours formé par Monsieur …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18858 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, née le … (Kosovo / Etat de Serbie et Mont...

Tribunal administratif N° 18858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 novembre 2004 Audience publique du 2 février 2005 Recours formé par Monsieur …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18858 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, née le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 août 2004, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision du même ministre du 11 octobre 2004, rejetant son recours gracieux formé contre la décision précitée du 17 août 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Pascale PETOUD, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 janvier 2005.

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Le 19 février 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-

Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 7 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 17 août 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 1er septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux introduit par son mandataire par courrier du 28 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pris une décision confirmative datée du 11 octobre 2004.

Le 12 novembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles prévisées.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours être de nationalité serbo-

monténégrine et de religion musulmane ainsi qu’être membre du parti PDK. Il relate qu’en date du 2 février 2004, suite à une discussion politique qui aurait tourné à l’altercation dans le café qu’il exploitait, son frère aurait blessé par balles un Albanais et un « ancien policier serbe », l’Albanais ayant notamment reproché au frère du demandeur de ne pas avoir pris une part active à la libération du Kosovo.

Le demandeur expose qu’ « eu égard au climat de conflit de communautés qui règne toujours au Kosovo », et de « peur de subir de représailles en raison du fait qu’il tenait le café avec son frère et à son appartenance au parti PDK », il aurait fui le Kosovo, estimant que les conditions de sa sécurité n’y seraient pas remplies.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les craintes invoquées par le demandeur au cours de son audition du 7 avril 2004 se centrent sur un incident isolé – auquel le demandeur n’a d’ailleurs pas personnellement assisté – au cours duquel son frère, se sentant provoqué par deux clients du café exploité avec le demandeur, s’est saisi d’une arme et à fait feu sur ces clients, les blessants tous les deux.

Le demandeur, averti par son frère par un coup de téléphone, a aussitôt pris la décision de quitter le Kosovo, ce qu’il a fait dès le lendemain.

Force est dès lors de constater que le demandeur n’a personnellement subi ni menace, ni persécution, mais que sa fuite en toute hâte ne repose que sur la crainte hypothétique que les victimes chercheraient à se venger sur lui.

Force est encore de constater que la menace supposée proviendrait encore de personnes privées, et non pas de l’Etat, de sorte qu’il appartient de surcroît au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

Le demandeur n’a cependant pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. En effet, il ressort du rapport d’audition que le demandeur n’a même pas tenté d’obtenir la protection des autorités, estimant qu’une telle démarche serait inutile : « La police est juste un nom sur le papier. Ils ne réagissent pas ».

Il s’avère dès lors à l’examen des déclarations faites par le demandeur que sa fuite vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité, formulé d’ailleurs dans le cadre du recours en termes extrêmement vagues et généraux, mais non par des actes concrets laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il convient de relever en outre que le demandeur reste en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles il n’aurait pas été en mesure le cas échéant de s’installer dans une autre partie du pays, où il pourrait profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne en se fondant dans la population, d’autant plus que tant son appartenance ethnique que sa religion et sa langue maternelle sont celles de la majorité albanaise.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18858
Date de la décision : 02/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-02;18858 ?

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