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02/02/2005 | LUXEMBOURG | N°18696

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2005, 18696


Tribunal administratif Numéro 18696 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2004 Audience publique du 2 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de volontaire de police

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2004 par Maître Alex BODRY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur ref

usant de le faire participer à l’épreuve de sélection pour l’admission des volontaires de police à...

Tribunal administratif Numéro 18696 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2004 Audience publique du 2 février 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de volontaire de police

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2004 par Maître Alex BODRY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur refusant de le faire participer à l’épreuve de sélection pour l’admission des volontaires de police à la formation de base ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2004 par Maître Alex BODRY ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alex BODRY et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2005.

Suite à l’introduction d’une demande de la part de Monsieur … à être admis à l’épreuve de sélection pour l’admission des volontaires de police à la formation de base, le ministre de l’Intérieur lui fit parvenir une décision de refus datée du 6 juillet 2004.

La décision est libellée comme suit :

« Dans le cadre de votre récente demande de participation à l’épreuve de sélection prévue pour l’admission à la candidature de volontaire de police, je suis au regret de devoir vous informer que votre requête a dû être refusée au regard de l’enquête défavorable établie par la Police Grand-Ducale conformément à l’article 10 sub d) du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers.

En effet, procès-verbal a été dressé à votre encontre le 14 janvier 2002 par les forces de l’ordre pour avoir contrevenu à la législation sur la lutte contre la toxicomanie… ».

Par requête du 7 octobre 2004, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 6 juillet 2004.

Aucun recours en réformation n’étant prévu dans la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

Parmi les différents moyens d’annulation soulevés, Monsieur … soulève la violation de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 en ce que la décision litigieuse ne ferait aucune référence à l’avis du directeur général de la police et en ce que cet avis ne lui a pas été communiqué en cours de procédure non contentieuse.

Le délégué du Gouvernement estime que l’avis émis par le directeur général de la police ne serait pas un avis d’un organisme consultatif au sens de l’article 4 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, dans la mesure où le directeur général de la police ferait procéder à une enquête administrative afin de vérifier si la conduite antérieure du candidat répond aux exigences de la fonction de policier.

Le demandeur conteste l’analyse faite par le délégué du Gouvernement et conclut que la non-référence à l’avis du directeur général et la non-motivation de l’avis constitueraient une violation des formalités substantielles destinées à protéger les intérêts de l’intéressé.

Il y a dès lors lieu de trancher trois questions :

1. si l’avis émis par le directeur général de la police constitue un avis au sens de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en cas de réponse affirmative, 2. si cet avis a dû être communiqué à l’intéressé, 3. si cet avis est suffisamment motivé.

Les dispositions réglementaires pertinentes sont les suivantes :

L’article 4 règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 dispose :

« Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivées et énoncer les éléments de fait et de droit sur les quels ils se basent… ».

L’article 10 du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 dispose :

« Pour pouvoir être admis à participer à l’épreuve de sélection …, les candidats doivent … d) offrir les garanties de moralité requises ; le Directeur Général de la Police établira un avis à ce sujet ».

Il ressort des pièces versées au dossier et des affirmations y relatives de la part du délégué du Gouvernement qu’aux fins de vérifier les conditions de moralité, le ministre fait procéder à une « enquête de moralité pour la candidature de volontaire de police ». A cet effet le dossier est transmis pour enquête au commandant du commissariat de proximité le plus proche du domicile du candidat, tout en étant précisé que les antécédents judiciaires du candidat sont à vérifier auprès de la Direction de l’Information, service de la documentation judiciaire, fichier central, et que la vérification aux fichiers des stupéfiants sera effectuée par les soins de la Direction générale, Direction des ressources humaines, section gestion du personnel. Suite aux résultats de ces différentes enquêtes, le directeur général de la police fait parvenir son avis positif ou négatif au ministre de l’Intérieur, accompagné le cas échéant des résultats de l’enquête de moralité menée.

Il est par ailleurs constant que la décision litigieuse précise que la demande de Monsieur … a dû être refusée « au regard de l’enquête défavorable établie par la police grand-ducal conformément à l’article 10 sub d) du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001… ».

La finalité de la consultation prévue à l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 est de « rassembler des avis qui éclairent l’administration sur sa décision, en lui permettant de connaître le point de vue d’organismes compétents ou intéressés en la matière1 ».

L’avis émis par le directeur général de la police s’inscrit indéniablement dans cette logique, de sorte qu’il tombe dans le champ d’application de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979.

A ce titre l’argumentation du délégué du Gouvernement faisant valoir qu’en l’espèce le directeur général de la police fait procéder à une enquête administrative, laquelle ne pourrait pas être qualifiée d’avis ne saurait valoir, étant donné qu’un avis vise l’ensemble des actes effectués par l’organe consultatif afin d’asseoir sa conviction, de sorte qu’un avis peut valablement, à part l’avis proprement dit, être constitué de mesures d’enquête destinées à recueillir les éléments d’information nécessités.

Concernant la critique du demandeur en ce que la décision litigieuse ne mentionnerait pas l’avis du directeur général de la police, force est de constater que la décision litigieuse fait référence à l’enquête défavorable et à la base réglementaire applicable, de sorte que cette critique est à écarter pour manquer en fait, même au-delà de la constatation que le terme « avis » ne figure pas explicitement dans la décision entreprise.

Concernant la critique du demandeur relative au défaut de communication de l’avis, force est de constater que s’il est vrai que l’article 4 précité énonce les règles quant à la régularité formelle et à la motivation des avis des organismes consultatifs, il n’impose cependant à l’administration de communiquer ces avis en toute hypothèse aux administrés concernés. Il ne saurait en être autrement que dans des matières spéciales où une disposition légale ou réglementaire prescrit une telle communication.

1 Devolvé Pierre, L’acte administratif, Sirey, Paris 1983, cité in Olinger Jean, Panc, 1992, p. 54.

Etant donné qu’en l’espèce aucune disposition légale ou réglementaire n’impose une telle communication, le moyen ainsi soulevé est à écarter.

Enfin, en ce qui concerne la critique de la non-motivation de l’avis, l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 précise que l’avis doit être motivé et énoncer les éléments de fait et de droit sur lequels ils se base.

En l’espèce, l’avis est formulé de la façon suivante :

« Candidats volontaires de police (Examen-concours du 14 juillet 2004) Brm.- Soient les présentes demandes d’enquête de moralité transmises à Monsieur le Ministre de l’Intérieur avec avis défavorabe ».

Suit alors une liste de 18 noms. Cet avis est accompagné des résultats de l’enquête de moralité menée joints en annexe.

Force est de constater qu’il existe, en l’espèce, au dossier une évaluation favorable émise le 4 juin 2004 par le commandant du commissariat de proximité de …, libellée comme suit :

„Gegen denselben wurde seitens der Polizei Luxemburg Prot. 229/02 wegen Verstosses gegen art. 371 des Stgb errichtet. Eine Kopie dieses Prot. liegt als Anlage bei.

Seitens hiesiger Stelle kann nichts Nachteiliges gegen den Interessenten gesagt werden. Die allgemeine Beurteilung ist als sehr gut zu bezeichnen“.

Etant donné que cette évaluation est postérieure en date aux faits épinglés dans le procès-verbal du 14 janvier 2002 renseignant que le demandeur, à l’époque des faits encore mineur, a contrevenu à la législation sur la lutte contre la toxicomanie, il aurait appartenu au directeur général de la police d’indiquer les motifs qui l’ont précisément amené à émettre un avis défavorable en ce qui concerne les garanties de moralité offertes par Monsieur ….

En effet étant donné que le directeur général de la police en ne retenant que la conclusion défavorable au candidat, sans motiver son choix consistant à écarter l’évaluation positive de Monsieur … faite par le commandant du commissariat de proximité de …, ni sans expliquer pourquoi à ses yeux le comportement du demandeur pendant sa minorité serait toujours d’actualité, n’a pas a suffisance motivé son avis eu égard des exigences de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte qu’il est entaché d’irrégularité.

Etant donné que la décision ministérielle se fonde exclusivement sur l’enquête de moralité menée, pour conclure au refus de la demande de participation à l’épreuve de sélection, de sorte à avoir complètement suivi l’avis défavorable, la décision litigieuse encourt l’annulation pour cause d’illégalité étant donné qu’elle s’est fondée sur un avis irrégulier car insuffisamment motivé.

Il s’ensuit que la décision litigieuse encourt de ce seul chef l’annulation, de sorte que l’examen des autres griefs encore invoqués et des moyens y relatifs présentés devient surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision litigieuse ;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 2 février 2005 :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4.2.2005 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18696
Date de la décision : 02/02/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-02-02;18696 ?

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