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31/01/2005 | LUXEMBOURG | N°s16749,17063

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2005, s16749,17063


1 Tribunal administratif Grand-Duché de Luxembourg N°s 16749 et 17063 du rôle Inscrits les 22 juillet et 17 octobre 2003 AUDIENCE PUBLIQUE du 31 JANVIER 2005 Recours formés par I.) la société à responsabilité limitée M. SARL et la société anonyme C. S.A.

II.) la société de droit allemand K. GmbH et la société de droit allemand G. GmbH contre une décision de la ministre des Travaux publics en présence de la société anonyme de droit français S., B.

en matière de marchés publics

JUGEMENT

I.) Revu la requête, inscrite sous le numéro 16749 du rôl

e, déposée le 22 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avoca...

1 Tribunal administratif Grand-Duché de Luxembourg N°s 16749 et 17063 du rôle Inscrits les 22 juillet et 17 octobre 2003 AUDIENCE PUBLIQUE du 31 JANVIER 2005 Recours formés par I.) la société à responsabilité limitée M. SARL et la société anonyme C. S.A.

II.) la société de droit allemand K. GmbH et la société de droit allemand G. GmbH contre une décision de la ministre des Travaux publics en présence de la société anonyme de droit français S., B.

en matière de marchés publics

JUGEMENT

I.) Revu la requête, inscrite sous le numéro 16749 du rôle, déposée le 22 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée M. SARL, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, et de la société anonyme C. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre des Travaux publics du 11 juillet 2003 portant adjudication de la soumission publique relative à la fourniture de parements en pierres naturelles à exécuter dans l’intérêt de la construction du Musée d’art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg à la société anonyme de droit français S., B., ayant son siège social à F-… ;

II.) Revu la requête, inscrite sous le numéro 17063 du rôle, déposée le 17 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gerry OSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Diekirch, et de Maître Norbert REUBER, avocat au barreau de Cologne, demeurant à D-50674 1 2 Cologne, Brabanter Strasse 2, au nom de la société anonyme T. SA, établie à L-…, représentée par son conseil d'administration en fonctions, déclarant agir tant en son propre nom "qu'en sa qualité de mandataire de la prédite Association Momentanée comme encore en sa qualité d'associé de cette dernière", de la société de droit allemand K. GmbH, établie et ayant son siège à D-…, représentée par son gérant en fonctions, de la société de droit allemand G. GmbH, établie et ayant son siège social à D-…., représentée par son gérant en fonctions, ainsi que de la société de droit portugais SS SA, établie et ayant son siège à P-…, représentée par son conseil d'administration en fonctions, tendant à l’annulation de la susdite décision de la ministre des Travaux publics du 11 juillet 2003 portant adjudication de la soumission publique relative à la fourniture de parements en pierres naturelles à exécuter dans l’intérêt de la construction du Musée d’art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-

Kirchberg à la société S., B., préqualifiée, et écartant l’offre des 4 parties demanderesses pour non-conformité ;

I. et II.) Vu le jugement du 29 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif a joint les affaires introduites sous les numéros 16749 et 17063 du rôle, a reçu les deux recours en la forme, accueilli les désistements présentés au nom des parties demanderesses T. SA et SS SA, tout en constatant l’extinction de l’instance à leur égard, les frais exposés par eux et envers eux restant en tout état de cause à leur charge et au fond, a dit que le cahier des charges, tel que redressé par l’ordonnance présidentielle du 1er juillet 2003, était conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, a constaté que le comportement du pouvoir adjudicateur, depuis la mise en adjudication jusqu’à la décision d’adjudication, ne pouvait fonder une présomption suffisante pour constituer à lui seul la preuve du reproche d’un détournement de pouvoir et, pour le surplus et avant tout progrès en cause, a ordonné une visite des lieux au Musée d'art moderne Grand-Duc Jean en construction, afin a) d’y prendre inspection des échantillons déposés par les sociétés M. SARL et C. S.A., d’une part, et les sociétés K. GmbH et G. GmbH, d’autre part, b) pour les comparer aux échantillons témoins des pierres du maître de l’ouvrage et c) d’y inspecter les échantillons ayant accompagné l’offre de la société S., de même que les pierres par elle livrées et qui sont en voie d’être posées ;

Vu le résultat de la visite des lieux au Musée d'art moderne Grand-Duc Jean en construction à laquelle il a été procédé, en présence des parties, qui ont été entendues en leurs observations respectives, le vendredi, 14 janvier 2005, à 11.00 heures ;

Revu les pièces versées et notamment les deux décisions attaquées du 11 juillet 2003 ;

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Dans le cadre d’une troisième soumission publique ouverte relativement aux travaux de parements en pierres naturelles à exécuter dans l’intérêt du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg - la mise en adjudication publique ayant été scindée en deux volets séparant la fourniture et les travaux de pose desdits parements -, dont l’ouverture était initialement fixée au 26 février 2003, puis au 26 mars 2003, le résultat non vérifié relativement au volet ayant trait à la fourniture des parements se lit comme suit :

2 3 « 1.

2.859.004,6.-(HTVA) 2.

4.954.357.-

3.

5.114.773,76.-

S.

5.556.909,22.-

4.

.

5.578.282,17.-

5.

8.264.000,08.- ».

Sur proposition du directeur des bâtiments publics du 10 juillet 2003, le marché de fourniture en question fut adjugé par arrêté de la ministre des Travaux publics du 11 juillet 2003 à la société anonyme de droit français S., B., ci-après désignée par la « société S. ».

Le directeur des bâtiments publics s’adressa par courrier du 16 juillet 2003 à l’association momentanée formée pour les besoins de ladite soumission entre la société à responsabilité limitée M. SARL et la société anonyme C. S.A. dans les termes suivants :

« Mesdames, Messieurs, Tout en vous remerciant d’avoir participé à la soumission en référence je suis au regret de devoir vous informer que votre proposition n’a pas été retenue pour l’adjudication, faute d’avoir été conforme aux conditions du cahier des charges et aux échantillons de référence.

Avant de développer les principaux motifs de non-acceptation de votre offre, je me permets d’apporter tout d’abord quelques précisions quant à la soumission dont question.

La soumission porte sur plusieurs types de pierres, décrites aux pages 71 à 73 du cahier des charges, étant observé qu’aux termes du point 2.2.1.12 du cahier des charges « qualité des pierres de schistes et calcaires », « la mise à disposition d’échantillons témoins par le commettant sert à éviter tout malentendu éventuel quant aux teintes, nuances, homogénéité et aspect auxquels les pierres offertes doivent répondre ».

Le marché étant un marché unique, les pierres offertes pour chacun des différents types faisant l’objet des pages 71 à 73 du cahier des charges doivent être conformes, la non-conformité de l’une des pierres offertes entraînant le rejet de l’offre du soumissionnaire en question.

Les deux principales pierres sont la pierre du type A, défini comme une « pierre « claire » et « dorée » d’origine calcaire à teinte gris/beige clair » et la pierre du type B, granit correspondant à la description suivante « Buff à grains fins et concentration de grains limitée à 6-10 millimètres ». Pour chacune de ces deux pierres, des échantillons témoins ont été mis à disposition des soumissionnaires.

Les provenances données par le cahier des charges (par exemple pour la pierre du type A, la pierre de Bourgogne, dite « Magny Doré » et pour la pierre du type B, la pierre dite « Mason » en provenance des Etats-Unis d’Amérique) l’étaient à 3 4 titre purement indicatif. Une pierre d’une autre provenance, à condition d’être similaire ou équivalente aux pierres indiquées dans le cahier des charges, est acceptée. Ainsi, avant l’ouverture de la soumission, dans deux lettres répondant suivant les conditions de l’article 15 (12) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 à des questions posées par les soumissionnaires, il a été confirmé que la provenance des pierres pouvait être modifiée (point 5 de la lettre du 24 février 2003 et point 10 de la lettre du 18 mars 2003). De même, les caractéristiques techniques indiquées dans le cahier des charges ne constituent que des valeurs de référence minimales respectivement maximales que toute pierre offerte doit présenter et ne sont pas destinées à exclure indirectement des pierres de provenances autres que celles indiquées dans le cahier des charges (ainsi que le rappelle, sur base d’une explication des architectes, l’ordonnance du président du Tribunal administratif du 1er juillet 2003).

Au vu des éléments ainsi rappelés, l’examen des pierres offertes par votre association momentanée mène aux conclusions suivantes :

La pierre calcaire (type A) et le granit (type B) proposés ne sont pas conformes - aux échantillons de référence (calcaire : teinte jaunâtre-rosâtre trop foncée et mouchetée / granit : défauts et tâches importants - aux exigences techniques suivantes, prescrites par le cahier des charges :

 le calcaire proposé est non-conforme au vu de sa trop grande porosité (22 % au lieu du maximum prescrit de 19 %)  le calcaire proposé est coupé «à passe» d’où absence de lignage et aspect général hétérogène ; la pierre ne présente ni un aspect « de veines horizontales (obtenu) par un sciage à contre-passe » ni celui « d’une pâte parfaitement compacte, très légèrement veinée ou perlée » ; les calcaires proposés ne permettent pas de réaliser une « continuité de matières et de colorations sur l’ensemble des surfaces murales »  la teinte jaunâtre-rosâtre trop foncée et mouchetée du calcaire n’est pas conforme à la teinte claire demandée « gris/beige clair »  la majorité des échantillons de granit présentent des défauts importants et des tâches inacceptables ( 0.5 cm2) ; l’exigence de limitation des « variations de teinte, de texture et de veinage par rapport aux échantillons témoins » n’est pas respectée ; le granit est considéré comme non-conforme vu l’impossibilité de sélection de pièces acceptables parmi les échantillons.

Le marché a été attribué à l’entreprise S. dont l’offre est conforme et les prix acceptables (copie de l’arrêté d’adjudication en annexe).

Au vu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes je vous informe que vous avez la possibilité d’introduire un recours en annulation auprès du Tribunal administratif contre l’arrêté ministériel du 11 juillet 2003 par 4 5 requête signée d’un avocat à la Cour et déposée dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente.

Veuillez agréer (…) ».

Par courrier séparé également daté au 16 juillet 2003, le directeur des bâtiments publics informa l’association momentanée formée par la société anonyme T. SA, la société de droit allemand K. GmbH, la société de droit allemand G. GmbH, ainsi que la société de droit portugais SS SA, de ce qui suit :

« Mesdames, Messieurs, Tout en vous remerciant d’avoir participé à la soumission en référence je suis au regret de devoir vous informer que votre proposition n’a pas été retenue pour l’adjudication, faute d’avoir été conforme aux conditions du cahier des charges et aux échantillons de référence.

Avant de développer les principaux motifs de non-acceptation de votre offre, je me permets d’apporter tout d’abord quelques précisions quant à la soumission dont question.

La soumission porte sur plusieurs types de pierres, décrites aux pages 71 à 73 du cahier des charges, étant observé qu’aux termes du point 2.2.1.12 du cahier des charges « qualité des pierres de schistes et calcaires », « la mise à disposition d’échantillons témoins par le commettant sert à éviter tout malentendu éventuel quant aux teintes, nuances, homogénéité et aspect auxquels les pierres offertes doivent répondre ».

Le marché étant un marché unique, les pierres offertes pour chacun des différents types faisant l’objet des pages 71 à 73 du cahier des charges doivent être conformes, la non-conformité de l’une des pierres offertes entraînant le rejet de l’offre du soumissionnaire en question.

Les deux principales pierres sont la pierre du type A, défini comme une « pierre claire » et « dorée » d’origine calcaire à teinte gris/beige clair » et la pierre du type B, granit correspondant à la description suivante « Buff à grains fins et concentration de grains limitée à 6-10 millimètres ». Pour chacune de ces deux pierres, des échantillons témoins ont été mis à disposition des soumissionnaires.

Les provenances données par le cahier des charges (par exemple pour la pierre du type A, la pierre de Bourgogne, dite « Magny Doré » et pour la pierre du type B, la pierre dite « Mason » en provenance des Etats-Unis d’Amérique) l’étaient à titre purement indicatif. Une pierre d’une autre provenance, à condition d’être similaire ou équivalente aux pierres indiquées dans le cahier des charges, est acceptée. Ainsi, avant l’ouverture de la soumission, dans deux lettres répondant suivant les conditions de l’article 15 (12) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 à des questions posées par les soumissionnaires, il a été confirmé que la provenance des pierres pouvait être modifiée (point 5 de la lettre du 24 février 2003 et point 10 de la lettre du 18 mars 2003). De même, les caractéristiques techniques indiquées dans le cahier des charges ne constituent que des valeurs de référence 5 6 minimales respectivement maximales que toute pierre offerte doit présenter et ne sont pas destinées à exclure indirectement des pierres de provenance autres que celles indiquées dans le cahier des charges (ainsi que le rappelle, sur base d’une explication des architectes, l’ordonnance du président du Tribunal administratif du 1er juillet 2003).

Au vu des éléments ainsi rappelés, l’examen des pierres offertes par votre association momentanée mène aux conclusions suivantes :

La pierre calcaire (type A) et le granit (type B) proposés ne sont pas conformes - aux échantillons de références (calcaire : aspect froid, monotone et artificiel des échantillons remis au vu de leur teinte blanchâtre/grisâtre et de leur veinage répétitif et parallèle/granit : granit à gros grains) - aux exigences techniques suivantes, prescrites par le cahier des charges :

 le calcaire proposé est fortement veiné ; son aspect ne correspond pas à celui « d’une pâté parfaitement compacte, très légèrement veinée ou perlée.. »  les lignages parallèles et obliques des calcaires ne respectent pas l’exigence d’un aspect « de veines horizontales » ; à l’échelle des grandes surfaces murales du bâtiment, le caractère régulier et répétitif des lignages et la teinte blanchâtre/grisâtre des pierres créent des surfaces artificielles et monotones et non une « continuité de matières et de colorations sur l’ensemble des surfaces murales »  la teinte blanchâtre/grisâtre des calcaires n’est pas conforme à la teinte « gris/beige clair » exigée  le granit proposé présente des grains gros de 20 à 40 mm ; le granit n’est pas conforme au cahier des charges qui exige des grains fins (de 6 à 10 mm)  le résistance à la compression des granits est nettement insuffisante (exigée : 197N/mm2 – offerte : 108N/mm2).

A noter également que dans votre réponse du 25 mai 2003 aux renseignements supplémentaires demandés à propos du granit type B, vous avez présenté des renseignements techniques relatifs à un granit autre que celui offert lors de l’ouverture de la soumission et auquel correspondent les échantillons remis ; il n’a pas été tenu compte de ce changement effectué après l’ouverture de la soumission.

Le marché a été attribué à l’entreprise S. dont l’offre est conforme et les prix acceptables (copie de l’arrêté d’adjudication en annexe).

Au vu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes je vous informe que vous avez la possibilité d’introduire un recours en annulation auprès du Tribunal administratif contre l’arrêté ministériel du 11 juillet 2003 par requête signée d’un avocat à la Cour et déposée dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente.

6 7 Veuillez agréer, (…) ».

Par requête déposée le 22 juillet 2003, la société à responsabilité limitée M.

SARL et la société anonyme C. S.A. ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée de la ministre des Travaux publics du 11 juillet 2003.

Par requête déposée le 17 octobre 2003, la société anonyme T. SA, la société de droit allemand K. GmbH, la société de droit allemand G. GmbH, ainsi que la société de droit portugais SS SA, ont également introduit un recours tendant à l’annulation de la susdite décision de la ministre des Travaux publics du 11 juillet 2003 en ce qu’elle porte adjudication de la soumission publique dont il est question en cause à la société S. tout en écartant pour non-conformité l’offre que les 4 sociétés, regroupées en association momentanée, avaient soumise.

Par jugement du 29 novembre 2004, le tribunal administratif a joint les affaires introduites sous les numéros 16749 et 17063 du rôle, a reçu les deux recours en la forme, a accueilli les désistements présentés au nom des parties demanderesses T.

SA et SS SA, tout en constatant l’extinction de l’instance à leur égard, les frais exposés par eux et envers eux restant en tout état de cause à leur charge et au fond, a dit que le cahier des charges, tel que redressé par l’ordonnance présidentielle du 1er juillet 2003, était conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, a constaté que le comportement du pouvoir adjudicateur, depuis la mise en adjudication jusqu’à la décision d’adjudication, ne pouvait fonder une présomption suffisante pour constituer à lui seul la preuve du reproche d’un détournement de pouvoir et, pour le surplus et avant tout progrès en cause, a ordonné une visite des lieux au Musée d'art moderne Grand-Duc Jean en construction, afin a) d’y prendre inspection des échantillons déposés par les sociétés M. SARL et C. S.A., d’une part, et les sociétés K. GmbH et G. GmbH, d’autre part, b) pour les comparer aux échantillons témoins des pierres du maître de l’ouvrage et c) d’y inspecter les échantillons ayant accompagné l’offre de la société S., de même que les pierres par elle livrées et qui sont en voie d’être posées.

Il a été procédé à cette mesure d’instruction le vendredi, 14 janvier 2005, en présence des parties, qui ont été entendues en leurs observations respectives, l’affaire ayant été reprise en délibéré à l’audience publique du 17 janvier 2005.

Etant relevé que le tribunal a entrepris la visite des lieux en vue de se ménager des éléments d’appréciation supplémentaires pour se mettre en mesure de trancher le litige pour ce qui concerne le reproche des demanderesses respectives que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu la conformité des produits offerts par chacun d’eux, ce moyen appelant le tribunal à contrôler la matérialité des motifs de rejet pour non-conformité des produits offerts par les sociétés M. SARL et C. S.A., d’une part, et les sociétés K. GmbH et G. GmbH, d’autre part, ceci tant en ce qui concerne les pierres calcaires que les pierres de granit, le tout au regard des exigences du cahier de charges et en considération des motifs mis en avant par la ministre compétente dans le cadre des lettres d’information respectives ci-avant reprises, qui ont été adressées aux parties demanderesses le 16 juillet 2003 par le directeur des bâtiments publics.

7 8 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que les reproches de non-conformité mis en avant par le pouvoir adjudicateur ont trait à des non-conformités d’un point de vue esthétique, dans un premier ordre, et à des non-conformités d’un point de vue technique proprement dit, dans un deuxième ordre.

Partant de ce constat et, dès lors qu’il n’est pas contestable que l’esthétique et, plus particulièrement, l’aspect et la couleur d’un matériau ou d’un produit, jouent un rôle déterminant dans le cadre d’une œuvre architecturale, de sorte à constituer une caractéristique que le maître de l’ouvrage peut légitimement mettre en œuvre dans le cadre de ses critères de sélection et de choix, force est de constater qu’une non-conformité substantielle d’un point de vue esthétique est à elle-seule susceptible de constituer un motif de rejet valable d’une offre, indépendamment des bien-fondé ou mal-fondé des autres considérations ou motifs de nature « technique ».

Il convient encore de circonscrire la mission de contrôle et les pouvoirs du juge administratif statuant dans le cadre d'un recours en annulation et de relever que le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (trib.

adm. 7 décembre 1998, n°10807 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation n° 12 et autres références y citées). Ainsi, même dans le cadre d’un recours en annulation, il est vrai que lors de l’examen de l’exactitude des faits invoqués à l’appui d’une décision, de la pertinence des motifs dûment établis et du contrôle de cette décision sous l’aspect de la compétence, de l’excès ou du détournement de pouvoir, cette vérification peut s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis. Cette faculté est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité. (cf. Cour adm. 21 mars 2002, n°14261 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Recours en annulation n° 12 et autres références y citées).

Ceci étant, le tribunal se prononcera en premier lieu quant à la question de savoir si la ministre des Travaux publics pouvait légalement se fonder sur des non-

conformités d’un point de vue esthétique des pierres naturelles calcaires offertes par les sociétés M. SARL et C. S.A., d’une part, et les sociétés K. GmbH et G. GmbH, d’autre part, étant rappelé que la pierre naturelle calcaire a été caractérisée au point de vue de sa couleur et de son aspect général comme suit par les dispositions relevantes des différents documents officiels:

- « famille: calcaire; nom: Magny Doré "similaire et/ou équivalent";

provenance: France-Bourgogne; carrière: Magny-Lambert (note de bas de page: Une pierre équivalente peut être trouvée, par exemple, sur le territoire de la commune de ST-MARC); finition: adoucie » (cahiers des charges, sub. Clauses techniques particulières, point 2.1.3.1.) ;

- « pierre ayant les caractéristiques suivantes: référence servant de base à la description:

-

Appellation:

MAGNY DORÉ.

Provenance:

France-

BOURGOGNE. "similaire et/ou équivalent" 8 9 (…) Teinte: la teinte est définie par les échantillons mis à disposition par le commettant.

Il s'agit d'une pierre "claire" et "dorée" d'origine calcaire à teinte gris/beige clair qui proviendra d'une sélection et découpe spéciale qui par exemple et entre autres peut prendre l'appellation commerciale de "Type le Louvre" ou "St Marc" ».

« Est donc demandée la pierre "dorée" et non les variétés jaunes, rosées ou foncées (suivant texte de la fiche technique de la note d'information technique NIT 205 émise par le CSTC: Centre Scientifique et technique de la Construction, organisme officiel de la Belgique) » (cahiers des charges, point 2.2.2.1.11.1 Caractéristiques des pierres – Pierre type A).

Or, la confrontation de la pierre de Rocheville offerte par les sociétés M. SARL et C. S.A. avec les desiderata du commettant, tels qu’ils se dégagent des dispositions précitées et, plus particulièrement, des échantillons témoins, le tribunal ayant pu comparer les échantillons témoins de la pierre de référence avec les échantillons de la pierre offerte, fait apparaître une différence certaine de teinte, la pierre offerte étant manifestement d’une teinte plus foncée et nettement plus jaunâtre et rosâtre, que la teinte exigée de la pierre de référence.

Il s’ensuit que loin de procéder d’une erreur manifeste d’appréciation, le pouvoir adjudicateur a légalement pu considérer que la pierre de Rocheville proposée par les sociétés M. SARL et C. S.A. n’était pas conforme aux exigences libellées dans le cahier des charges, ensemble les échantillons témoins. – S’il est vrai que le pouvoir adjudicateur n’avait pas remis aux soumissionnaires des échantillons de la pierre exigée, il n’en reste pas moins que - sans vouloir remettre en question le caractère critiquable de cette façon de procéder - les sociétés J. SARL et C. S.A. ne sauraient cependant être suivies en ce qu’ils estiment que dès lors, aucun reproche ne saurait leur être fait en raison d’une éventuelle non-conformité de leur pierre, étant donné qu’ils est constant en cause qu’un examen visuel des échantillons a néanmoins été possible, les sociétés concernées ayant par ailleurs pu et dû solliciter d’autres examens visuels s’ils s’estimaient insuffisamment informés.

La comparaison des échantillons de la pierre de référence et ceux de la pierre offerte par les sociétés K. GmbH et G. GmbH amène le tribunal cependant à une conclusion différente, les échantillons de la pierre calcaire d’origine portugaise, que le tribunal a pu inspecter de visu, se révélant au point de vue esthétique tout à fait similaires et équivalant à la pierre de référence, les reproches d’un aspect trop « froid », « monotone » et voire « artificiel » ou encore d’une teinte légèrement plus blanchâtre/grisâtre et d’un veinage trop répétitif et parallèle, n‘étant pas suffisamment qualifiés et substantiels, pour ébranler l’intime conviction que le tribunal a pu se forger à la lumière de la confrontation des échantillons exposés, étant relevé que si les échantillons sont un critère important en vue de la sélection des pierres offertes, on ne saurait cependant requérir, spécialement s’il s’agit d’un matériau naturel, une identité parfaite entre l’échantillon témoin et l’échantillon du matériau offert, sous peine de vider les concepts d’équivalence et de similitude de leur substance.

En ce qui concerne la question de conformité ou non-conformité des pierres de granit, il convient de prime abord de constater qu’au regard des considérations 9 10 qui précèdent relativement au bien-fondé du rejet pour non-conformité de la pierre calcaire offerte par les sociétés M. SARL et C. S.A., considération à laquelle il convient d’ajouter celle basée sur ce que la soumission pour être admissible doit être conforme tant en ce qui concerne les pierres calcaires qu’en ce qui concerne le granit, les deux pierres essentielles faisant partie de l’ouvrage et donc du marché unique, la non-conformité constatée d’une pierre justifie à elle-seule le rejet de l’intégralité de l’offre des sociétés M. SARL et C. S.A., sans qu’il y ait encore besoin de se pencher sur les motifs de refus de la seconde pierre et des critiques afférentes, cet examen se révélant superflu.

La confrontation des desiderata relativement à la pierre de granit, tels qu’ils se dégagent du cahier des charges et des échantillons témoins, au titre desquelles est requis une « pierre ayant les caractéristiques suivantes: référence servant de base à la description: - Appellation: MASON. Provenance: USA. "similaire et/ou équivalent", Catégorie : Buff à grain fin et concentration de grains limitée à 6-10 millimètres. (…) Teinte: la teinte est définie par les échantillons mis à disposition par le commettant. (cahiers des charges, point 2.2.2.1.11.2 Caractéristiques des pierres – Pierre type B) avec la pierre offerte par les sociétés K. GmbH et G. GmbH, amène le tribunal a retenir que le granit offert diffère des échantillons témoins et des exigences du cahier des charges en ce qu’au lieu de grains fins, il comporte nombre d’inclusions de grains de plus de 20 millimètres, donnant un aspect général complètement différent, de sorte que le motif ministériel de rejet, s’insérant dans le cadre de l’exercice normal du pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur, ne saurait encourir de reproche sous ce rapport.

Ainsi, sur base des mêmes considérations que ci-avant menées sur ce que la non-conformité de l’une quelconque des deux pierres essentielles du marché litigieux justifie le rejet de l’intégralité de l’offre du soumissionnaire concerné, l’offre des sociétés K. GmbH et G. GmbH a valablement pu être rejetée, cette conclusion s’imposant indépendamment de toutes considérations supplémentaires relativement aux autres motifs de rejets mis en avant par l’autorité ministérielle.

Enfin, la visite des lieux au Musée d'art moderne Grand-Duc Jean en construction ayant également permis au tribunal de visiter les échantillons ayant accompagné l’offre de la société S., de même que les pierres par elle livrées et qui sont en voie d’être posées, l’examen sur place, ensemble les explications recueillies, n’a cependant pas permis de conforter le reproche formulé par les demanderesses consistant à soutenir que les pierres que la société S. a livrées ne correspondraient manifestement pas au produit décrit et caractérisé par le cahier des charges, de sorte que les moyens et arguments relativement à une appréciation par « deux poids et deux mesures » laissent d’être fondés et sont également à écarter.

Il suit des considérations qui précèdent que les motifs des décisions de rejet pour cause de non-conformité des offres des parties demanderesses n’ont pas été ébranlés à suffisance de droit et que les recours en annulation sont partant à rejeter comme n’étant pas fondés.

Les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par les différentes parties demanderesses sont à rejeter comme n’étant pas fondées, étant donné que les demandeurs ont succombé dans leurs moyens et arguments et qu’il 10 11 n’est pas autrement établi en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge les sommes exposées par eux, la même conclusion s’imposant en ce qui concerne les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par la société S.

dans le cadre de chacun des deux recours sous examen, les conditions légales n’étant pas non plus remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

vidant le jugement du 29 novembre 2004 ;

déclare les recours non justifiés et en déboute ;

rejette les différentes demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

fait masse des frais et les impute pour moitié aux sociétés M. SARL et C. S.A., l’autre moitié étant à charge des sociétés K. GmbH et G. GmbH.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 31 janvier 2005, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s16749,17063
Date de la décision : 31/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-31;s16749.17063 ?

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