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31/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18452

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2005, 18452


Tribunal administratif Numéro 18452 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2004 Audience publique du 31 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18452 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2004 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Roumanie), …, de nationalité roumaine,

tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision d...

Tribunal administratif Numéro 18452 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2004 Audience publique du 31 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18452 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2004 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Roumanie), …, de nationalité roumaine, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 avril 2004 lui refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu la constitution de nouvel avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2004 par Maître Guy THOMAS déclarant agir en remplacement de Maître Eyal GRUMBERG ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah ESPOSITO, en remplacement de Maître Guy THOMAS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2005.

Le 5 janvier 2004, Monsieur … fit parvenir au ministère de la Justice l’ensemble des pièces requises au formulaire pré imprimé intitulé « autorisation de séjour provisoire pour indépendants ».

Ledit formulaire a la teneur suivante :

« En vue de l’octroi d’une autorisation de séjour provisoire pour indépendants, la personne est invitée à produire les documents suivants :

1. copie intégrale certifiée conforme de son titre de voyage, afin qu’il puisse être vérifié si la personne est entrée légalement au pays ;

2. l’accord de principe délivré par le ministère des Classes moyennes quant à l’autorisation d’établissement ;

3. copie certifiée conforme des statuts de la société ;

4. une garantie bancaire de 12.350.- € par personne adulte en faveur du ministère de la Justice ;

5. la preuve d’un logement adéquat (contrat de bail ou titre de propriété) ;

6. un extrait récent du casier judiciaire ou un certificat de bonne vie et mœurs ;

7. un certificat médical délivré par un médecin établi au Grand-Duché de Luxembourg (+certificat radiologique) Le présent formulaire est à retourner dans un délai de 6 mois au ministère de la Justice, service des étrangers, à L-2934 Luxembourg, avec tous les documents requis. Un dossier incomplet ne sera pas pris en considération ».

Ledit formulaire est pourvu en plus des indications suivantes :

« 1. L’autorisation de résidence en tant qu’indépendant est limitée dans le cas d’une société à responsabilité limitée (sàrl) à l’associé majoritaire.

2. La personne admise comme indépendant doit en outre justifier la nécessité de sa présence au pays, et donc - soit occuper les fonctions d’administrateur délégué auprès d’une SA ;

- soit, en ce qui concerne une sàrl, remplir les conditions de qualification professionnelle, c’est-à-dire, être titulaire en nom propre d’un accord de principe délivré par le ministère des Classes moyennes quant à l’autorisation d’établissement (gérant technique)…. » Par décision du 29 avril 2004, le ministre de la Justice refusa l’autorisation de séjour à Monsieur … aux motifs suivants :

« Je tiens à signaler que pour entrer dans le bénéfice d’une autorisation de séjour en qualité d’indépendant, il ne suffit pas d’être l’associé majoritaire de la société à responsabilité limitée. Il faut en outre en être le gérant technique, c’est-à-dire remplir les qualifications professionnelles pour être titulaire en nom propre, pour le compte de la société, de l’autorisation d’établissement. Or, d’après les documents que vous m’avez fait parvenir, votre mandant n’est que gérant administratif ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle pré visée du 29 avril 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, de sorte que le tribunal est incompétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

Quant au fond, il fait valoir qu’il se serait conformé à l’ensemble des exigences légales existant en la matière notamment celles édictées par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et celles précisées par l’article 4 du règlement grand-

ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays.

Il ajoute qu’aucune disposition de la loi modifiée du 28 mars 1972 et de son règlement d’application ne l’obligerait à être le gérant technique de la société. L’article 4 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 se contenterait dans le cadre d’une demande d’autorisation de séjour d’exiger la preuve de moyens d’existence personnels suffisants au-delà de la possibilité de les acquérir de manière légale.

Il termine en soulignant que le formulaire intitulé « Autorisation de séjour provisoire pour indépendants » émis par le ministère de la Justice imposerait des conditions supplémentaires qui ne seraient prévues ni par la loi du 28 mars 1972 ni par son règlement d’application, de sorte que ledit formulaire ne traduirait pas de manière exacte le droit applicable.

Le délégué du Gouvernement fait noter qu’il existerait une seule base légale qui réglemente l’entrée et le séjour de tout étranger au pays à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972. Selon l’article 2 de cette loi l’entrée et le séjour pourront être refusés à l’étranger qui ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais liés à son séjour au pays, de sorte que Monsieur …, dans la mesure où il ne serait pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au pays, ne satisferait pas à ladite condition.

Le délégué du Gouvernement termine en faisant valoir que même si la décision attaquée du 29 avril 2004 ne mentionne pas expressément l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il n’en resterait pas moins que la motivation d’un acte administratif pourrait être complétée ultérieurement et même pour la première fois devant les juridictions administratives.

Le premier motif de refus invoqué a trait au fait qu’un indépendant doit être gérant technique, c’est-à-dire, selon la définition du ministère, remplir les qualifications professionnelles pour être titulaire en nom propre pour le compte de la société de l’autorisation d’établissement.

Ni l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays n’érigent le non-respect d’une telle condition en une cause de refus de l’autorisation de séjour. Il en est de même de l’article 5 de la loi modifiée du 28 mars 1972 lequel prévoit les causes de refus pour l’octroi d’une carte d’identité d’étranger, disposition applicable aux étrangers qui désirent séjourner plus de 12 mois au pays.

Il en résulte que le ministre en érigeant, pour un indépendant, l’exigence du fait d’être gérant technique d’une société à responsabilité limitée en une cause de refus de l’octroi de l’autorisation de séjour non prévu par la loi ou par son règlement d’application, a excédé le cadre légal applicable en la matière, de sorte que le motif de refus ainsi énoncé ne saurait légalement motiver la décision déférée.

En ce qui concerne le deuxième motif de refus invoqué en cours de procédure contentieuse, à savoir le défaut de moyens personnels, c’est à bon droit que le ministre peut l’invoquer dans la mesure où aussi bien l’article 2 que l’article 5 de la loi modifiée du 28 mars 1972 le prévoit comme motif de refus facultatif pour refuser à un étranger respectivement l’entrée et le séjour au Luxembourg ou la délivrance de la carte d’identité d’étranger.

Il y dès lors lieu d’examiner si ce motif de refus sous-tend valablement la décision déférée.

Selon le délégué du Gouvernement ce motif de refus pourrait être valablement invoqué dans la mesure où Monsieur … n’est pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au Luxembourg.

Monsieur … est gérant et associé unique d’une société à responsabilité limitée, dénommée … s.àr.l. créee par acte notarié le 17 avril 2003 et dont les parts sociales d’un montant de 12.500 € ont été libérées intégralement en numéraire et se trouvent à la libre disposition de la société. Les statuts de la société précisent que la société est engagée par la signature individuelle de l’un des deux gérants. En plus la société … s.àr.l. dispose d’une autorisation d’établissement délivrée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en date du 8 janvier 2004. Par ailleurs le demandeur a déposé auprès du service compétent une garantie bancaire à concurrence d’un montant de 12.350 €.

Dans la mesure où la viabilité de cette société nouvellement créée n’est pas utilement contestée en cause et que Monsieur …, en sa qualité d’associé unique et de gérant de cette société est amené à toucher des revenus légitimes générés par l’exploitation de cette société, la conclusion du ministre suivant laquelle il ne disposerait pas de moyens personnels suffisants pour supporter ses frais de voyage et de séjour laisse d’être vérifiée en fait pour se trouver en contradiction avec l’expectative légitime de revenus d’exploitation à générer par la société … s.àr.l.

Etant donné que Monsieur … n’occupe pas un emploi salarié au pays, l’exigence d’un permis de travail ne saurait pas non plus, en l’espèce, être valablement exigé.

De même l’exigence d’un permis de travail dans le chef de Monsieur … ne saurait en l’espèce être demandé de la part du ministre, étant donné que Monsieur … a la qualité d’indépendant et est comme tel pas soumis à l’exigence d’un permis de travail réservé à l’occupation d’une fonction salariée au sein de ladite société.

Au vu de ce qui précède, il résulte que la décision déférée encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18452
Date de la décision : 31/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-31;18452 ?

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