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27/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18551

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2005, 18551


Tribunal administratif N° 18551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2004 Audience publique du 27 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2004 par Maître Eric MULLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bérane (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de

nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon ...

Tribunal administratif N° 18551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2004 Audience publique du 27 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2004 par Maître Eric MULLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bérane (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de refus du ministre de la Justice par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2004 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eric MULLER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Après s’être vu refuser définitivement l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au Grand-Duché de Luxembourg suivant arrêt de la Cour administrative du 30 mai 2002, Monsieur …, sollicita, par courrier de son mandataire du 1er août 2002, auprès du ministre de la Justice une « autorisation de séjour pour raisons humanitaires », basée sur son état de santé de diabète juvénile, tel qu’attesté par un certificat médical du docteur O.P. du 23 mai 2002, ainsi que par un certificat médical du docteur G.M. du 5 juin 2002.

Par courrier du 27 août 2002, le ministre de la Justice transmit au médecin-conseil de l’administration du Contrôle médical de la Sécurité sociale, ci-après dénommé « le médecin de contrôle », lesdits certificats médicaux pour avis.

Il ressort de l’avis du 9 septembre 2002 du médecin de contrôle que Monsieur … « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

N’ayant pas reçu de réponse, le mandataire de Monsieur …, par courrier du 21 novembre 2002, rappela au ministre de la Justice son courrier précité du 1er août 2002.

Le 4 décembre 2002, le ministre de la Justice confirma au mandataire de Monsieur … la réception des deux courriers précités et l’informa qu’ils seraient joints au dossier.

Le 25 février 2004, Monsieur … par l’intermédiaire de son mandataire, rappela au ministre de la Justice ses deux courriers du 1er août et du 21 novembre 2002 et sollicita une attestation de tolérance valable pour un terme minimal d’un an sur base de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, en arguant de son état de santé lequel nécessiterait « un suivi médical précis et régulier excluant tout retour précipité dans son pays d’origine » tout en soulignant qu’il aurait dû se soumettre à des interventions chirurgicales aux deux yeux pour éliminer une cataracte qui serait indubitablement d’origine diabétique.

Le 16 août 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite de rejet se dégageant du silence gardé par le ministre de la Justice pendant plus de trois mois suite à l’introduction de la demande sus-indiquée du 1er août 2002.

En ce qui concerne tout d’abord le recours en réformation, introduit en ordre principal, il échet de constater que le recours vise en substance le refus ministériel -

implicite - d’octroi d’un permis de séjour au Grand-Duché de Luxembourg et que le tribunal est incompétent pour en connaître dans la mesure où il n’existe aucune disposition légale prévoyant un recours de pleine juridiction en cette matière. Partant, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision incriminée.

Comme l’administré a la possibilité de déférer la décision de refus implicite résultant du silence de l’administration devant le tribunal administratif de façon illimitée dans le temps, du moins tant qu’aucune décision administrative ne sera intervenue (cf.

trib. adm. 15 mars 2000, n° 11557 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse n° 106), le recours dirigé contre la décision implicite de refus sous analyse a été introduit dans le délai légal.

Le recours subsidiaire en annulation est encore recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche en premier lieu à la décision implicite de refus déférée de violer l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Il fait valoir que l’administration serait tenue d’indiquer les motifs chaque fois qu’elle refuserait de faire droit à une demande, de sorte que la décision implicite de refus serait à annuler de ce chef.

Le délégué du gouvernement rétorque que le défaut de motivation n’entraînerait pas automatiquement l’annulation d’une décision administrative, l’administration pouvant compléter sa motivation et ce même durant la phase contentieuse.

Il souligne ensuite que l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers, 2) le contrôle médical des étrangers, 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère prévoirait non seulement une faculté dans le chef du ministre compétent d’accorder une autorisation de séjour, mais qu’en plus, le demandeur ne ferait pas valoir de motifs humanitaires vu que le médecin de contrôle aurait conclu dans un avis du 9 septembre 2002 à l’absence d’une pathologie médicale empêchant le rapatriement du demandeur, de sorte que le ministre aurait valablement pu refuser, même implicitement, l’autorisation de séjour au demandeur qui se trouverait en séjour irrégulier au pays et qui ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants pour supporter les frais liés à son séjour au pays.

Il fait encore valoir que non seulement l’octroi du statut de tolérance sur base de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée constituerait pour le ministre compétent une simple faculté lorsque « l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait », d’autant plus que le demandeur n’aurait pas rapporté la preuve de l’existence de telles circonstances de fait et que le médecin de contrôle aurait conclu dans son avis précité que le demandeur ne présenterait pas de pathologie médicale empêchant un rapatriement dans son pays d’origine.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur met en doute l’avis du médecin de contrôle du 9 septembre 2002, au motif qu’il ne résulterait pas dudit certificat s’il avait effectivement été examiné par ledit médecin, que l’avis s’exprimerait uniquement sur la possibilité de rapatriement, mais non sur le suivi médical dans le pays d’origine, dont la qualité serait contredite par des certificats médicaux versés en cause et que l’avis serait vieux de deux ans. Il soutient encore que le certificat du médecin traitant prévaudrait sur le certificat du médecin de contrôle.

Il convient en premier lieu d’examiner le moyen tiré d’un défaut de motivation suffisante, qui est préalable, l’examen de la régularité formelle devant précéder celui du bien-fondé de la décision litigieuse.

Concernant le moyen d’annulation tiré de l’absence de motivation, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

Cependant la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable, et l’administration peut produire ou compléter ses motifs postérieurement et même pour la première fois en cours d’instance (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 44 et autres références y citées).

Etant donné qu’en l’espèce, le délégué du gouvernement a utilement motivé la décision ministérielle déférée en cours de procédure contentieuse, le moyen relatif à l’absence de motivation de la décision est à rejeter comme étant non fondé.

Quant au bien-fondé du refus ministériel, il n’est pas contesté en cause qu’aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une autorisation de séjour peut être refusée, notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants légalement perçus pour supporter les frais de voyage et de séjour au pays, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers, et qu’en l’espèce, le demandeur n’a pas établi qu’il était, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnait légalement à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis. Il s’ensuit que le ministre peut en principe refuser l’autorisation de séjour au demandeur en se fondant sur ce motif du défaut de moyens d’existence personnels légalement acquis.

Il est cependant également établi en cause que la demande de Monsieur … tend à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, basée sur son état de santé, de sorte qu’il convient encore de se prononcer sur l’existence de raisons humanitaires, telles que prévues par l’article 14, alinéa 3 de la loi précitée du 28 mars 1972, de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour.

Il appartient au demandeur qui se prévaut d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires de prouver qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Si le demandeur reste en défaut d’établir qu’un suivi médical de son état de santé ne peut pas être assuré ou lui est refusé dans son pays d’origine ou qu’il n’établit pas la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue dans le pays d’accueil, son état de santé ne justifie pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires (cf. trib. adm. 5 février 2003, n° 15125 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 207).

Il ressort d’un certificat médical du docteur G.M. du 5 juin 2002, réitéré suivant certificat du 9 février 2004, que Monsieur … « est atteint d’un diabète insulino-dépendant qui nécessite plusieurs contrôles des glycémies par jour ainsi qu’un régime adéquat et un traitement à vie à l’insuline. Ce diabète est très difficile à équilibrer et nécessite des consultations régulières ainsi que des analyses sanguines. Ce traitement n’est pas réalisable dans son pays d’origine ».

Dans un certificat daté au 13 février 2004, le docteur S.C. atteste que le demandeur « a nécessité une intervention chirurgicale (cataracte) aux deux yeux effectuée en septembre 2003 à l’œil droit et janvier 2004 à l’œil gauche. Il est actuellement sous traitement ».

En revanche, l’avis du médecin de contrôle dressé en date du 9 septembre 2002, par examen des certificats médicaux établis, estime que Monsieur … « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

S’il est vrai qu’il ressort des certificats médicaux versés en cause que le demandeur est atteint de diabète insulinodépendant qui « nécessite plusieurs contrôles des glycémies par jour ainsi qu’un régime adéquat et un traitement à vie à l’insuline. Ce diabète est très difficile à équilibrer et nécessite des consultations régulières ainsi que des analyses sanguines », force est de constater que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que le traitement médical requis ne pourrait pas être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine. En effet, la simple affirmation du docteur G.M. que le traitement médical requis par le demandeur ne serait pas réalisable dans son pays d’origine, non autrement circonstanciée, n’est pas de nature à emporter la conviction du tribunal sur cette question.

Dans ce contexte, il échet de relever que les doutes mis en avant par le demandeur quant à l’avis du médecin de contrôle sont à abjuger, étant donné que s’il est vrai que celui-ci n’a statué que sur base des certificats établis par les médecins traitants du demandeur et versés par ce dernier, il n’empêche qu’il n’a pas remis en doute la réalité de la maladie dont souffre le demandeur, mais qu’il a simplement conclu que ladite maladie ne présentait pas un caractère de gravité suffisant de nature à empêcher le rapatriement de Monsieur … dans son pays d’origine.

A défaut par le demandeur d’avoir exposé d’autres motifs qui justifieraient le cas échéant la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires dans son chef, le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 27 janvier 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18551
Date de la décision : 27/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-27;18551 ?

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