La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18775

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2005, 18775


Tribunal administratif N° 18775 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 26 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

_____________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18775 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-m...

Tribunal administratif N° 18775 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 26 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

_____________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18775 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2004, confirmée sur recours gracieux le 24 septembre 2004, déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nicky STOFFEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2005.

______________________________________________________________________________

Le 18 décembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en date du 19 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 juillet 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 3 août 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif que ses dires traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a constaté à cet égard que Monsieur … n’aurait pas été impliqué dans la carrière de leur père dans la police et que, pour le surplus, des personnes masquées non autrement qualifiées ne sauraient être assimilées à des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a estimé en outre que le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire où des risques de persécutions seraient à craindre, tout en relevant qu’il ne résulterait pas du dossier de Monsieur … qu’il lui serait impossible de s’installer dans une autre région de la République de Serbie Monténégro et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 27 août 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 24 septembre 2004.

Le 25 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 29 juillet 2004 telle que confirmée sur recours gracieux en date du 24 septembre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait décrit en détail les craintes qui l’auraient motivé à déposer une demande d’asile au Luxembourg et qu’il ne se serait plus senti en sécurité dans son pays d’origine pour y avoir été exposé à un risque de persécution, de sorte qu’il remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il y a lieu de relever de prime abord que les persécutions dont fait état le demandeur, émanant de la population albanaise, proviennent de tiers et non pas de l’Etat, de sorte qu’il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

Or les autorités, qui comprennent non seulement une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, mais encore une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, loin de se cantonner dans une attitude passive, ont mis en place des structures destinées à protéger la sécurité physique de la population. La notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où des agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.

Le demandeur n’a cependant pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place n’aient été ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place.

Il s’avère dès lors, au vu des moyens présentés dans le cadre de la procédure contentieuse, que la fuite du requérant vers le Luxembourg n’a pas été motivée par la crainte de persécutions spécifiques au sens de la Convention de Genève, mais plutôt par un sentiment général d’insécurité.

Or, concernant la crainte générale exprimée par le demandeur d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison des activités de son père en tant que policier sous le régime de Milosevic, force est de constater que si les personnes concernées sont certes exposées, d’une manière générale, à une atmosphère de ressentiment accru et qu’elles sont particulièrement exposées à des discriminations, leur situation n’est cependant pas telle qu’elles seraient exposées de ce seul fait à des persécutions individualisées au sens de la Convention de Genève, étant donné que des tensions de ce type caractérisent de manière générale les difficultés de cohabitation dans une situation d’après-guerre dans une zone qui fut sujette à des conflits interethniques dans un passé récent.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les éléments invoqués par le demandeur sont insuffisants pour fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18775
Date de la décision : 26/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-26;18775 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award