La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18779

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2005, 18779


Tribunal administratif N° 18779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

______________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18779 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant ac...

Tribunal administratif N° 18779 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18779 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-… tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nicky STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2005.

______________________________________________________________________________

Le 31 décembre 2003, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et … , introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur et Madame …-…IC furent entendus par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leurs identités et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Ils furent entendus séparément le 13 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 juillet 2004, expédiée par courrier recommandée le 3 août 2004, le ministre de la Justice informa la famille …-…IC de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’elle n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre la vie de ses membres intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Suite à un recours gracieux formulé par Monsieur et Madame …-… par lettre du 27 août 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 24 septembre 2004.

Le 25 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision ministérielle.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond est prévu par la loi en la matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est dès lors irrecevable.

Quant au fond, le demandeur se contente de renvoyer aux motifs de fuite exposés dans le cadre de son audition en date du 13 février 2004 et de faire valoir qu'il redouterait la situation d’insécurité dans son pays, de sorte qu’il remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur, telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 13 février 2004, que s’il affirme d’une part avoir subi des menaces à cause de son affiliation au parti politique d’opposition SNSD, menaces qui émaneraient de bandes du parti au pouvoir, il reste cependant vague quant aux circonstances exactes de ces menaces (« il y a eu des insultes et des menaces pourquoi j’ai adhéré à ce parti »), si ce n’est pour préciser qu’ « ils se mettent devant vous dans la rue et ils ne vous laissent pas passer. Et puis ils insultent les gens ».

Il appert encore que le demandeur ne semble pas se sentir personnellement persécuté, puisque, à la question « avez vous personnellement subi des persécutions », il répond : « je ne sais pas, je n’arrive pas vraiment à me prononcer ».

Il ressort encore de ses déclarations que le demandeur se sent menacé par les moudjahidins installés à Maglaj, qui veulent imposer leur religion à la population locale, sans pour autant relater un seul incident qui attesterait qu’il ait fait l’objet, personnellement et directement, de persécutions de leur part.

Il s’avère dès lors que les craintes exprimées par le demandeur se basent sur la situation d’insécurité locale, trouvant son origine tant dans la situation politique existante que dans la présence d’islamistes installés dans son village, ainsi que sur la situation générale en Bosnie-

Herzégovine, mais non sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18779
Date de la décision : 24/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-24;18779 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award