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24/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18741

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2005, 18741


Tribunal administratif N° 18741 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18741 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-m...

Tribunal administratif N° 18741 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18741 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nicky STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2005.

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Le 12 janvier 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 24 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 5 juillet 2004, expédiée par courrier recommandée le 15 juillet 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 5 août 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 20 septembre 2004.

Le 19 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision du ministre de la Justice.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond est prévu par la loi en la matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est dès lors irrecevable.

Quant au fond, Monsieur … se contente de renvoyer aux motifs de fuite exposés dans le cadre de son audition en date du 24 février 2004 et de faire valoir qu'il redouterait la situation d’insécurité dans son pays, de sorte qu’il remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur, telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 24 février 2004, qu’il a fui le Kosovo principalement pour échapper à la vengeance de la famille de son amie qui essaierait de le tuer.

Il relate encore que début août 2002 il aurait été battu par des inconnus masqués, et qu’il aurait été régulièrement insulté par des gens, non autrement identifiés, qui reprocheraient à son père d’être l’ami d’un « espion » des Serbes.

Il prétend enfin encore avoir des problèmes avec des catholiques, qui auraient prêté une somme importante à son père. Ce dernier étant cependant décédé, ces créanciers lui réclameraient à présent le remboursement de la dette.

En ce qui concerne tant le premier motif de fuite, relatif à une vengeance des parents de l’amie du demandeur, il y a lieu de relever qu’une telle crainte est strictement d’ordre privée, et relève, le cas échéant, de considérations de droit pénal, mais qu’il ne s’agit cependant pas de persécutions, ou plutôt d’un événement justifiant une crainte de persécution, du fait de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un groupe social ou des opinions politiques de Monsieur ….

Il en est de même des menaces émanant de créanciers mécontents, étant donné que de telles menaces, à les supposer établies, tirent leur origine de problèmes d’ordre exclusivement privé.

Enfin, en ce qui concerne le passage à tabac du demandeur en 2002, force est de constater que hormis cet incident unique, le demandeur n’a subi ni persécutions, ni même menaces jusqu’à son départ pour le Luxembourg en janvier 2004. Il convient d’ailleurs de relever à ce sujet que le demandeur est de confession musulmane et qu’il appartient à l’ethnie majoritaire au Kosovo, à savoir à l’ethnie albanaise, de sorte qu’il ne devrait, a priori, pas faire l’objet de persécutions en raison de sa race ou de sa religion.

En ce qui concerne les insultes proférées à son égard par des personnes non identifiées, le tribunal constate que ces insultes seraient dues à la relation d’amitié que son père aurait entretenu avec une personne accusée d’être un collaborateur des Serbes. Or, il ressort des déclarations du demandeur que son père non seulement se trouvait de 1992 à 2001 en Allemagne, mais encore qu’il est décédé en 2001 en Allemagne, de sorte que la cause alléguée des insultes subies par le demandeur doit, à supposer les insultes établies, être considérée comme actuellement disparue.

Il se dégage de surcroît des déclarations du demandeur que son objectif réel est de trouver de meilleures conditions de vie à l’étranger, et en particulier au Luxembourg. En effet, il résulte de son audition que le demandeur s’est rendu au Luxembourg « weil man hört dass man hier Chance hat Papiere zu bekommen, und hier zu arbeiten. Deshalb bin ich hierher gekommen », et qu’il espère pouvoir y faire sa vie, sa propre situation sociale et matérielle au Kosovo ayant été précaire (« schwere Arbeit und billiger Lohn »).

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie, ne constituent pas non plus un motif d’obtention du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18741
Date de la décision : 24/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-24;18741 ?

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