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24/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18586

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2005, 18586


Tribunal administratif N° 18586 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18586 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Léone), de nationalité sierra léonaise, de

meurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justi...

Tribunal administratif N° 18586 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18586 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Sierra Léone), de nationalité sierra léonaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 mars 2004 déclarant non fondée sa demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision du même ministre du 22 juillet 2004 confirmant le recours gracieux introduit à l’encontre de la décision prévisée du 26 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2005.

Monsieur… introduisit en date du 3 avril 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur… fut entendu en outre en date des 21 novembre 2003 et 23 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le ministre informa Monsieur… par décision du 26 mars 2004 lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 2 avril 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Le ministre a retenu plus particulièrement que la demande d’asile de Monsieur… ne reposerait que sur des considérations matérielles et personnelles, à savoir le désir de travailler, l’absence de famille et le fait de ne pas connaître son pays d’origine, mais que ces considérations ne rentreraient en aucun cas dans le cadre de la Convention de Genève.

Par courrier de son avocat du 22 juin 2004, Monsieur… sollicita « le réexamen de sa demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ». A l’appui de ce recours gracieux il a fait valoir que les autorités belges seraient compétentes pour procéder à l’examen de sa demande d’asile.

Ledit recours gracieux se poursuit comme suit :

« Quant au fond, l’expression très générale de la crainte de mon mandant laisse cependant aussi penser que les chances d’obtenir de la part de la juridiction administrative une réformation de la décision querellée sont quasiment inexistantes pour ne pas dire nulles.

C’est pourquoi principalement il est donné à considérer que mon mandant s’abstiendra de saisir lesdites juridictions administratives d’un éventuel recours en réformation à condition cependant que votre ministère lui délivre un titre de séjour pour des raisons humanitaires eu égard à leur [sic] situation particulière relatant de façon nette l’angoisse d’un retour dans leur [sic] pays d’origine.

L’autorisation de séjour dans le chef de mon mandant est sollicitée sur la base de considérations humanitaires, notamment le fait que Monsieur… a quitté son pays depuis plusieurs années et partant sa situation est plus que jamais précaire, de sorte que son retour dans son pays d’origine, respectivement dans une région politiquement agitée, serait problématique pour lui, voire même impossible.

Subsidiairement vous voudrez considérer la présente comme recours gracieux formé à l’encontre de la décision ministérielle alors que la situation en Sierre Leone n’est pas suffisamment stabilisée pour permettre le retour de mon mandant en toute sécurité et dignité à l’heure actuelle. (…) » Par une décision datant du 22 juillet 2004, le ministre de la Justice a confirmé purement et simplement sa décision initiale du 26 mars 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2004, Monsieur… a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 26 mars 2004, ainsi que de celle confirmative du 22 juillet 2004.

A l’appui de ce recours il expose d’abord avoir quitté son pays d’origine pendant son enfance et avoir vécu avec sa mère et son père au Sénégal pendant plusieurs années.

Il indique avoir quitté le Sénégal à la suite du décès de sa mère et du départ de son frère vers la France.

Il reproche au ministre de s’être livré à une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’il n’aurait pas pris position par rapport à sa demande visant à se voir accorder un titre de séjour à caractère humanitaire. Il fait valoir à cet égard qu’il se dégagerait de ses déclarations lors de son audition que c’était en vue d’obtenir un travail ou une formation qu’il est venu au Luxembourg et que partant sa démarche aurait été manifestement étrangère au cadre légal de la Convention de Genève applicable en matière d’asile politique. Dans la mesure où il appartiendrait à l’autorité administrative de déterminer le droit applicable à une requête lui adressée et de statuer en conséquence, il estime qu’en l’espèce cette démarche aurait dû, dans tous les cas, s’accomplir en dehors du cadre légal de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement fait valoir à cet égard que Monsieur… a demandé à son arrivée l’enregistrement d’une demande d’asile et non d’une demande d’autorisation de séjour, de sorte qu’on ne saurait reprocher au ministre d’avoir appliqué les seules dispositions légales applicables en matière d’asile. Il estime pour le surplus qu’il aurait incombé au demandeur de faire la démarche de renoncer à sa demande d’asile afin de solliciter en bonne et due forme une autorisation de séjour à titre humanitaire si tel avait été l’objet réel de sa demande.

Au vu de ces divergences quant aux prétentions effectives de Monsieur…, il y a lieu d’analyser, en premier lieu, la démarche de celui-ci auprès des autorités administratives luxembourgeoises.

Il se dégage des pièces versées au dossier que tant au moment de son arrivée au Luxembourg que par la suite, avec l’assistance d’un avocat, Monsieur… a qualifié ses intentions comme tendant à l’octroi du statut de réfugié. En effet, dans le cadre de son recours gracieux, loin de renoncer à sa demande d’asile, il a sollicité en premier lieu « le réexamen de sa demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 » dans le cadre de son recours gracieux, de sorte que le ministre n’était tenu, ni lors de la prise de sa décision initiale, ni lors de la prise de sa décision confirmative sur recours gracieux, de qualifier cette demande au-delà de la qualification expressément revendiquée et confirmée par le demandeur.

En effet, le simple fait d’avoir invoqué lors de son audition uniquement des raisons économiques et humanitaires comme motif à la base de sa demande d’asile, ne saurait suffire pour faire admettre, au-delà de la qualification expressément revendiquée par le demandeur, que celui-ci a en fait voulu introduire une demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires. A ce titre il y a lieu de distinguer, en effet entre l’objet de la demande et les motifs invoqués.

Dès lors le moyen soulevé par le mandataire du demandeur tendant à voir qualifier sa demande ab initio comme ayant tendu à l’octroi d’une autorisation de séjour est à rejeter.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que dans le cadre de son recours gracieux le demandeur, sous l’assistance de son mandataire, a proposé une transaction au ministre de la Justice en ce sens qu’il a proposé de renoncer à exercer un recours contentieux à l’encontre de la décision initiale du 26 mars 2004 « à condition cependant que votre ministère lui délivre un titre de séjour pour des raisons humanitaires ».

En effet, cette renonciation sous condition, à défaut de réalisation vérifiée de la condition posée, en l’occurrence l’octroi d’une autorisation de séjour, loin de faire ressortir une erreur commise par le ministre au niveau de l’interprétation des prétentions du demandeur, est tout au plus de nature à établir que le demandeur est en aveu que sa demande d’asile laisse d’être justifiée quant au fond, mais qu’il n’hésite pas pour autant d’utiliser son droit de recours à une finalité tout à fait étrangère à celle prévue par la loi, en l’occurrence pour faire pression sur le ministre de la Justice.

Quant au recours contentieux sous examen, le tribunal constate que le demandeur soutient à titre principal que les problèmes par lui invoqués sont d’ordre économique et que sa démarche auprès des autorités luxembourgeoises est étrangère au cadre légal de la Convention de Genève applicable en matière d’asile politique.

Encore qu’il est permis de s’interroger sérieusement sur le but de la procédure engagée et notamment sur un éventuel caractère abusif, le tribunal ne peut dès lors que constater que ces conclusions exposées à titre principal par le demandeur sont en parfaite concordance avec la motivation retenue à la base des décisions litigieuses, de sorte que le recours en réformation sous examen laisse d’être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens invoqués à son appui.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18586
Date de la décision : 24/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-24;18586 ?

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