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24/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18288

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2005, 18288


Tribunal administratif N° 18288 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18288 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Madame …, née le … (Monténégro, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité ser...

Tribunal administratif N° 18288 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 24 janvier 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18288 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Monténégro, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-

…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 19 janvier 2004, notifiée le 28 janvier 2004, ainsi que d’une décision implicite confirmative de refus se dégageant du silence observé par le même ministre à l’encontre du recours gracieux introduit par Madame … en date du 25 février 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2005.

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Le 13 novembre 2003, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue le même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 1er décembre 2003, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 19 janvier 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 28 janvier 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif que les Albanais du Kosovo ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, que la situation des minorités au Kosovo se serait améliorée et que concernant sa situation en Serbie, il y aurait encore lieu de constater qu’elle n’y aurait eu aucun problème pour y avoir vécu de l’aide humanitaire et y avoir été investie du droit de travailler, de manière à avoir pu y bénéficier d’une réelle possibilité de fuite interne.

Le ministre de la Justice n’ayant pas réagi par rapport au recours gracieux formulé par courrier du mandataire de Madame … du 25 février 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 19 janvier 2004, elle a fait introduire, par requête déposée en date du 25 juin 2004, un recours tendant à la réformation de ladite décision ministérielle du 19 janvier 2004 ainsi que de celle implicite confirmative se dégageant du silence observé par le ministre par rapport à son recours gracieux.

Le tribunal ayant compétence pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours la demanderesse fait exposer qu’elle est originaire du Kosovo, de nationalité serbo-monténégrine et qu’elle appartient à la minorité bochniaque. Elle indique avoir quitté sa région natale au courant du mois de novembre 2003 en direction du Grand-Duché de Luxembourg, tout en relevant que son départ de son pays d’origine aurait été motivé en partie par le fait qu’elle aurait été confrontée à de graves problèmes de sécurité en raison notamment de son appartenance ethnique. Dans la mesure où ses diverses démarches pour obtenir la protection des autorités en place seraient restées infructueuses, et qu’elle aurait été gravement menacée même au centre de réfugiés de Petnica, elle n’aurait eu d’autre choix que de quitter son pays d’origine.

La demanderesse reproche au ministre de s’être livré à une appréciation erronée des faits d’espèce et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait que la vie lui serait devenue impossible dans son pays d’origine en raison des menaces réelles et sérieuses à l’égard de sa personne.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte qu’elle serait à débouter de son recours.

Il fait valoir plus particulièrement qu’il conviendrait de constater que la demande d’asile de Madame … ne correspondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant donné que le fait de ne plus avoir envie de vivre dans un camp de réfugiés ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié. Il souligne pour le surplus que l’intéressée a bénéficié d’une fuite interne en Serbie et qu’elle n’aurait pas apporté de raisons valables de nature à établir une impossibilité dans son chef de s’installer définitivement dans cette région de son pays d’origine.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Tel que relevé par le ministre dans le cadre de la décision litigieuse du 19 janvier 2004, la demanderesse a vécu depuis le 15 juillet 1999 avec sa famille dans un centre de réfugiés à Petnica en Serbie. Il a relevé dans ce contexte qu’elle n’a pas fait état de problèmes par rapport à sa situation en Serbie, qu’elle y a vécu de l’aide humanitaire et qu’elle y a été investie du droit de travailler, pour conclure à l’existence d’une possibilité de fuite interne vérifiée dans son chef.

Force est de constater que ni au niveau de ses déclarations, ni encore en cours d’instance pré-contentieuse et contentieuse, la demanderesse n’a fait état d’éléments concrets susceptibles d’énerver cette conclusion.

Dans ces circonstances, le motif de refus afférent est à considérer comme suffisant pour justifier les décisions litigieuses.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens avancés en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18288
Date de la décision : 24/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-24;18288 ?

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