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17/01/2005 | LUXEMBOURG | N°s17837,17889

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 janvier 2005, s17837,17889


Tribunal administratif N°s 17837 et 17889 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement le 6 et 9 avril 2004 Audience publique du 17 janvier 2005 Recours formés par 1) l’administration communale de Mertert 2) la société anonyme … S.A., Grevenmacher contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme XXX S.A., Mertert en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17837 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Roy REDING,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’admini...

Tribunal administratif N°s 17837 et 17889 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement le 6 et 9 avril 2004 Audience publique du 17 janvier 2005 Recours formés par 1) l’administration communale de Mertert 2) la société anonyme … S.A., Grevenmacher contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme XXX S.A., Mertert en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17837 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Roy REDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’administration communale de Mertert, établie à la maison communale sise à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 19 janvier 2004 faisant droit à la demande d’autorisation pour l’adaptation des horaires et de la fréquentation des établissements de la société anonyme XXX S.A., ainsi que pour garantir le ravitaillement en gasoil routier des camions de ses clients, ainsi que d’une décision confirmative prise sur recours gracieux par le même ministre en date du 5 mars 2004 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 7 avril 2004, portant signification de ce recours à la société anonyme XXX S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2004 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme XXX S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée au mandataire de l’administration communale de Mertert en date du 13 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2004 par Maître Roy REDING pour compte de l’administration communale de la Ville de Mertert ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 11 août 2004 portant signification de ce mémoire en réplique à la société anonyme XXX S.A. ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17889 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-… , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 19 janvier 2004 faisant droit à la demande d’autorisation pour l’adaptation des horaires et de la fréquentation des établissements de la société anonyme XXX S.A. ainsi que pour garantir le ravitaillement en gasoil routier des camions de ses clients ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg à Luxembourg du 15 avril 2004 portant signification de ce recours à la société anonyme XXX S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2004 par Maître Gaston VOGEL pour compte de la société anonyme XXX S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée au mandataire de la société … S.A. en date du 13 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2004 par Maître Charles OSSOLA pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de la société anonyme XXX S.A. en date du 6 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2004 ;

I. et II.

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision ministérielle expresse critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Roy REDING, Charles OSSOLA et Ferdinand BURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 décembre 2004.

Par arrêté du ministre de l’Environnement du 13 octobre 1997 référencé sous le numéro 1/96/0787, la société anonyme XXX S.A., ci-après désignée par « la société XXX», s’est vu accorder l’autorisation de procéder à une extension de son dépôt de gasoil situé à Mertert, au lieu-dit «…», et d’y exploiter un réservoir aérien d’une capacité de 100.000 litres supplémentaires, destiné au stockage de gasoil chauffage, ainsi qu’un nouveau distributeur double grand débit et petit débit pour gasoil routier, l’autorisation sollicitée ayant été accordée sous réserve de toute une série de conditions d’exploitation, dont notamment celle que les installations doivent être aménagées et exploitées conformément à la demande du 16 juillet 1996 telle que complétée le 6 août 1996 et aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de cette demande.

Par courrier du 22 octobre 2001, la société XXX s’est vu adresser une mise en demeure formelle telle que prévue à l’article 27 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés par le ministre du Travail et de l’Emploi, par laquelle elle fut sommée d’arrêter immédiatement le ravitaillement des véhicules de ses clients sur son site à Mertert, … afin de respecter les dispositions de l’arrêté ministériel du 11 décembre 1996, I) conditions générales, paragraphe 1. Le ministre a relevé dans ce courrier que « le dossier technique daté du 16 juillet 1996 présenté par le bureau d’ingénieurs-conseils BEST, en obtention de l’autorisation d’exploitation numéro 1/96/0787/71447/104 couvrant, entre autres, le distributeur de gasoil routier, contient dans son chapitre 3 « brève description de l’activité du dépôt de gasoil », paragraphe 3, l’indication suivante :

- distribution de gasoil routier aux véhicules et aux engins des ets. XXX S.A. à partir du réservoir aérien par aspiration des pompes du distributeur double. » Les faits relevés sur le terrain démontrent que la station service ne sert pas seulement à ravitailler les véhicules de votre entreprise mais aussi ceux de vos clients.

Partant, la distribution de gasoil routier autorisée par l’arrêté ministériel n° 1/96/0787/71447/104 datant du 11 décembre 1996, sur le prétexte de ravitaillement de véhicules et engins des établissements XX, couvre nullement le ravitaillement des camions de transports des clients ».

Par l’intermédiaire de son bureau d’ingénieurs-conseils, la société XXX a introduit en date du 24 juillet 2003 un dossier de demande de modification de l’autorisation d’exploitation prévisée. La nature de l’établissement faisant l’objet principal de cette demande y est spécifiée comme suit sous le point 1.2. du formulaire de demande d’autorisation afférent :

« Dans la demande d’autorisation initiale, il est spécifié que les établissements XXX S.A. utilisent la station de distribution de gasoil routier pour ses propres véhicules et engins. Mais à présent, les établissements XXX. S.A. souhaitent étendre les activités de la station de distribution de gasoil routier pour le ravitaillement de camions des sociétés de transport qui font partie de ses clients. A noter qu’au départ, les installations ont été prévues pour remplir cette fonction.

Les éléments/équipements relatifs à cette demande sont déjà autorisés (voir § 1.4.2). Il s’agit dans ce cas d’une demande d’adaptation des horaires et de la fréquentation de la station de distribution d’hydrocarbures. » Par arrêté du 19 janvier 2004, le ministre de l’Environnement a accordé l’autorisation sollicitée à la société XXX sur base notamment des considérations suivantes :

« Considérant qu’il résulte de la demande d’autorisation du 24 juillet 2003, page 2/10, chapitre 1.3.4, que l’établissement en ce qui concerne les activités de dépôt pétrolier n’est exploité qu’entre 07.00 heures et 22.00 heures ;

Vu l’enquête de commodo et incommodo et l’avis défavorable du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mertert, datant du 27 novembre 2003 ;

Considérant que pendant le délai légal d’affichage, deux observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;

Considérant que les réclamants s’opposent à la réalisation du projet en question, en raison de l’accroissement du trafic sur la voie publique, de la charge polluante de l’air ambiant et des dispositions du plan d’aménagement général de la commune de Mertert ;

Considérant que les problèmes inhérents au trafic routier sur les voies publiques sont étrangers à la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés et relèvent de l’appréciation des autorités compétentes en matière de circulation sur les voies publiques ;

Considérant que l’avis précité du Collège Echevinal de la Commune de Mertert stipule que l’établissement projeté est contraire à l’article 14.1 du plan d’aménagement général de la Commune de Mertert (approuvé par Monsieur le Ministre de l’Intérieur le 28.08.1996) et qui stipule : « Dans les zones d’activités communales, de nouvelles stations de services pour véhicules et des postes de carburant supplémentaires sont interdits » ;

Considérant que la demande précitée concerne une station existante, ne comprenant pas de postes de carburant supplémentaires ;

Considérant que les autorisations d’exploitation délivrées antérieurement sur base des législations sur les établissements classés par le ministre ayant dans ses attributions la protection de l’environnement n’interdisent ni le ravitaillement de véhicules étrangers à la société Xxx S.A., ni l’exploitation pendant la période de nuit de l’établissement précité ;

Considérant que les conditions imposées dans le cadre du présent arrêté sont de nature à limiter les nuisances sur l’environnement à un strict minimum ;

Que partant il y a lieu d’accorder l’autorisation sollicitée ; » Par requêtes déposées au greffe du tribunal administratif en dates respectivement du 6 et 9 avril 2004, l’administration communale de Mertert, ainsi que la société anonyme … S.A., en sa qualité de propriétaire d’un terrain voisin de l’établissement litigieux, ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de l’arrêté ministériel prévisé, étant entendu que le recours introduit pour compte de l’administration communale de Mertert est également dirigé contre une décision confirmative du même ministre du 5 mars 2004 intervenue à la suite du recours gracieux par elle introduit le 18 février 2004, tandis que le recours de la société … S.A., dirigé exclusivement contre l’arrêté ministériel du 19 janvier 2004, tend à titre subsidiaire également à l’annulation dudit arrêté ministériel.

Ces deux recours étant dirigés en substance contre une seule et même décision ministérielle, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

L’Etat conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours introduit par la société … S.A.

pour défaut d’intérêt à agir en faisant valoir que s’agissant d’une personne morale de droit privé, elle ne pourrait pas, en tant que telle, de par la nature des choses, être incommodée pour autant que le volet « compétence du ministre de l’Environnement » est concerné. Le délégué du Gouvernement précise à cet égard que le ministre de l’Environnement a fixé les conditions d’exploitation visant l’environnement humain et naturel pour soutenir que la requérante, en ce qu’elle ne saurait agir pour compte du personnel de son entreprise, ne saurait être affectée sur ce plan. Il fait valoir ensuite que la société … S.A. resterait en défaut d’établir en quoi l’autorisation litigieuse compromettrait la réalisation de son objet social tout en relevant que l’intérêt collectif en défense se confondant avec l’intérêt général de la collectivité n’emporterait pas le droit d’agir. Quant à la qualité invoquée de propriétaire voisin par rapport à l’établissement litigieux, il fait valoir qu’il s’agirait d’une simple affirmation par ailleurs non autrement circonstanciée, étant donné que la société … S.A. resterait en défaut d’indiquer une distance concrète entre l’établissement classé litigieux et ses terrains et que cette omission le mettrait hors mesure de se défendre utilement.

Tel que relevé par la partie demanderesse … S.A., en matière de recours introduit par les propriétaires ou habitants – personnes physiques ou morales – d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation litigieuse, la condition d’un intérêt direct implique que la recevabilité d’un recours dirigé contre une autorisation d’exploitation d’un établissement classé est conditionnée par une proximité suffisante, laquelle doit être examinée au regard des circonstances du cas d’espèce. La notion de « proximité suffisante est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisance qui peuvent en émaner » 1.

Aussi, afin de déterminer si un projet litigieux est de nature à entraîner une aggravation concrète de la situation de voisin du demandeur, il y a lieu de l’examiner au regard des inconvénients supplémentaires de voisinage éventuels engendrés par rapport à l’état existant 2.

En sa qualité de voisine directe de l’établissement litigieux, la société …, faisant état de craintes plausibles et retraçables relatives à une éventuelle augmentation des pollutions en raison de l’extension du public susceptible de venir se ravitailler en gasoil, justifie en l’espèce d’un intérêt suffisant à agir, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent laisse d’être fondé.

L’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée prévoyant un recours au fond en la matière, le tribunal est compétent pour connaître des deux recours principaux en réformation. Lesdits recours sont également recevables pour avoir été introduits par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi. Le recours subsidiaire en annulation introduit par la société … est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours la commune de Mertert conclut principalement à l’annulation de l’autorisation litigieuse en faisant valoir qu’aux termes de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, elle n’aurait pu être délivrée que sous condition que l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec les dispositions urbanistiques communales applicables, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle se réfère à cet égard aux dispositions de l’article 14-b) de son règlement sur les bâtisses tel que complété par délibération du 30 octobre 2002, pour soutenir que dans les zones d’activités mixtes, concernées en l’espèce, l’implantation de stations-services, ainsi que l’agrandissement d’équipements existants de ce type ne seraient pas autorisés.

Elle fait valoir que c’est à tort que le ministre a retenu que la demande à la base de l’autorisation litigieuse concernerait une station existante, étant donné que le ravitaillement de véhicules étrangers à la société XXX n’aurait jamais été couvert par une autorisation ministérielle. Elle estime qu’il y aurait lieu de distinguer à cet égard entre un point de ravitaillement purement privé, destiné aux besoins d’une entreprise, et une véritable station-service ouverte au public, tout en soutenant que la demande a qua ne concernerait nullement une station existante, mais un point de ravitaillement d’une entreprise pour ses propres besoins.

1 Cf. trib. adm. 27 juin 2001, confirmé par Cour adm. 17 janvier 2002, n° 13800C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 39 et autres références y citées, page 559 2 cf. trib. adm. 14 juillet 2003, n° 15486 du rôle, confirmé par Cour adm. 18 mars 2004, n° 16918C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 41 et autres références y citées, page 560.

Dans son mémoire en réplique elle précise que l’installation litigieuse aurait été conçue et autorisée initialement comme « point de ravitaillement » pour les besoins des camions et engins de l’entreprise, dans le cadre d’un dépôt pétrolier et qu’il s’agirait dès lors clairement d’une installation privée qui ne serait destinée à aucun client. Elle en déduit qu’en permettant le ravitaillement en gasoil de camions appartenant à des clients, la station serait rendue publique. Il ne ferait ainsi aucun doute qu’en accordant l’autorisation litigieuse, le ministre aurait en fait autorisé l’ouverture d’une nouvelle station-service, au mépris des dispositions afférentes du plan d’aménagement général de la commune de Mertert.

La société … rejoint la commune de Mertert dans son argumentation en faisant valoir que sous le couvert d’une demande en « modification des horaires et des voies d’accès à la station de distribution de gasoil », le bénéficiaire de la décision litigieuse aurait entendu en réalité se voir autoriser à étendre ses activités de distribution de gasoil routier pour le ravitaillement des camions des sociétés de transport qui font partie de ses clients, alors que la demande d’autorisation initiale aurait spécifié que les établissements XXX utilisent la station de distribution de gasoil routier pour leurs propres véhicules et engins.

Elle en déduit que l’extension d’activités ainsi accordée aux établissements XXX reviendrait à autoriser une nouvelle station-service en ce qu’elle tend à ouvrir cette station à d’autres véhicules que ceux de l’établissement bénéficiaire de la décision litigieuse. Dans son mémoire en réplique elle précise avoir soulevé la notion de station ouverte à d’autres véhicules sous l’angle de la création d’un nouveau point de ravitaillement à de nouveaux véhicules, tout en relevant que l’article 14 PAG ne ferait nullement référence à une distinction basée sur le caractère ouvert ou fermé de la station-

service.

Pour conclure elle fait relever que si l’extension accordée à travers l’autorisation litigieuse serait certes légitime alors que l’autorisation liminaire n’aurait pas conféré le droit de ravitaillement aux autres camions, elle n’en serait pas moins illégale pour violation de l’article 14 PAG par une extension des activités de la partie XXX, voire un agrandissement des équipements initialement autorisés et une augmentation du trafic.

Les parties étatique et tierce intéressée s’accordent pour dire que la solution du litige dépend en fin de compte de la question d’appréciation si l’installation litigieuse constitue une station-service au sens du PAG de la commune de Mertert ou non.

Le délégué du Gouvernement précise à cet égard que la portée de la notion de station-service relèverait, à défaut d’autres indications dans le règlement des bâtisses, de l’acception généralement conférée à ce terme, tandis que la société XXX soutient à titre principal que les installations exploitées ne tomberaient pas sous le régime des stations-

service pour ne pas en constituer tout simplement faute d’être ouvertes au public. Elle estime en effet qu’une station-service serait un poste de distribution d’essence ouvert au public auquel sont généralement adjoints des ateliers pour l’entretien des automobiles et que son propre établissement, destiné à ravitailler exclusivement les véhicules de la société XXX et des véhicules de ses clients, ne serait pas ouvert au public.

Conformément aux dispositions de l’article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée « dans les cas où l’établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 [sic] concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. » L’établissement faisant l’objet de la décision de refus litigieuse rentrant dans les prévisions de ladite disposition légale en tant qu’établissement projeté dans des immeubles existants y visés, le ministre a partant valablement pu vérifier à un premier stade si l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins par le plan d’aménagement général de la commune concernée, étant entendu que l’examen auquel le ministre est appelé à se livrer dans ce contexte consiste à vérifier uniquement si, de par sa nature et son objet, l’établissement projeté n’est pas incompatible avec la destination de la zone dans laquelle il est projeté par rapport à la définition qui en est fournie par la réglementation communale applicable, sans qu’il ne puisse pour autant se livrer à une appréciation plus en avant du projet par rapport à d’autres dispositions de la réglementation communale3.

Les parties sont en accord pour admettre que l’établissement litigieux est situé en zone d’activité mixte au sujet de laquelle la partie écrite du PAG de la commune de Mertert, telle que modifiée en date du 30 octobre 2002, dispose dans son article 14,b), dans sa version versée au dossier par la partie communale comme suit :

« Les zones d’activité mixtes communales comprennent les parties du territoire communal réservées particulièrement à l’artisanat. La construction d’entreprises de service, ainsi que d’immeubles de bureau et d’immeubles administratifs y est également autorisée. L’implantation de grandes surfaces, de stations-services et d’autres équipements tels que prévus à l’article 16.1 ainsi que l’agrandissement d’équipements existants de ce type n’y sont pas autorisés. » Compte tenu des prescriptions prérelatées, il y a partant lieu d’examiner si la demande à la base de la décision de refus litigieuse a pour objet l’implantation d’une station-service, voire l’agrandissement d’un équipement existant de ce type.

Une station-service est une installation de distribution en détail de carburant qui, en l’absence de définition spécifique fournie dans le cadre de la réglementation urbanistique applicable, ne saurait être définie de manière générale par rapport à la nature - publique ou privée - des destinataires du service fourni.

En effet, en l’absence de restriction afférente posée par les dispositions prérelatées de l’article 14, b) de la partie écrite du PAG de la commune de Mertert, la distinction 3 Cf. trib. adm. 21 mai 2003, n° 15449 du rôle, confirmé par Cour adm. 18 décembre 2003, n° 16636C et 16656C, pas. adm. 2004, V° Etablissements classés, n° 25, p. 171 mise en avant dans le cadre du litige basée sur le caractère ouvert ou non de l’établissement au public laisse d’être pertinente aux fins de définir la notion même de station-service retenue dans le cadre de la réglementation urbanistique sous examen.

Force étant en l’espèce de constater que conformément à l’arrêté ministériel du 13 octobre 1997, la société XXX disposait de l’autorisation d’exploitation requise du ministre de l’Environnement pour un « nouveau distributeur double grand débit et petit débit pour gasoil routier », il y a dès lors lieu de retenir que l’établissement globalement concerné est à considérer comme ayant été d’ores et déjà pourvu d’une installation de distribution au détail de carburant et partant d’une station-service au sens de l’article 14 b) prérelaté de la partie écrite du PAG de la commune de Mertert, ceci au-delà de toute considération relative à la nature des utilisateurs de cette installation.

A travers sa demande du 24 juillet 2003, la société demanderesse a sollicité une modification de l’autorisation d’exploitation du 13 octobre 1997, laquelle autorisation n’ayant pu autoriser une activité autre que celle demandée à sa base, a eu pour objet, en ce qui concerne l’activité du dépôt de gasoil, la seule activité de distribution de gasoil routier aux véhicules et engins des établissements XXX.

Il est constant que la modification sollicitée a pour objet notamment une extension de l’activité du dépôt de gasoil au niveau des utilisateurs potentiels des services de distribution de gasoil routier par l’inclusion des clients de la demanderesse, sans pour autant aller de pair avec un agrandissement des équipements existants, en l’occurrence le distributeur double grand débit et petit débit ayant été autorisé suivant arrêté ministériel du 13 octobre 1997.

Il reste dès lors à examiner si cette extension au niveau des utilisateurs est susceptible de s’analyser en un agrandissement d’un équipement existant du type station-

service au sens de l’article 14, b) prérelaté, voire si de par son envergure, elle est assimilable dans son résultat à l’implantation d’une nouvelle station-service.

Dans la mesure où la diversification au niveau des utilisateurs de la station-service litigieuse reste sans incidence sur le potentiel d’exploitation de l’installation concernée qui reste inchangée dans sa configuration technique par rapport à ce qui a été autorisé en 1997, le changement engendré par la modification projetée au niveau de l’activité de distribution de carburant ne saurait s’analyser en un agrandissement de l’équipement existant, étant donné que l’infrastructure d’approvisionnement au détail n’est pas modifiée en ce sens qu’elle permettrait d’amplifier le potentiel technique de distribution de la station-service.

Au vu des considérations qui précèdent la modification projetée n’est a fortiori pas assimilable dans son résultat à l’implantation d’une station service nouvelle, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que la demande introduite pour compte de la société XXX en date du 24 juillet 2003 n’a pas tendu à l’autorisation d’une nouvelle station-service, voire d’un agrandissement d’équipements existants de ce type non compatible avec la zone concernée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours en réformation laissent d’être fondés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

prononce la jonction des recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 17837 et 17889 ;

reçoit les recours en réformation en la forme ;

au fond, les dit non justifiés et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation introduit par la société … irrecevable ;

condamne les parties demanderesses respectivement aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 janvier 2005 par:

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s17837,17889
Date de la décision : 17/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-17;s17837.17889 ?

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