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17/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 janvier 2005, 18719


Tribunal administratif N° 18719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 octobre 2004 Audience publique du 17 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2004 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant ...

Tribunal administratif N° 18719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 octobre 2004 Audience publique du 17 janvier 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2004 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 28 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Valérie DEMEURE pour Monsieur … au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décisions entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 10 janvier 2005, Maître Valérie DEMEURE et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 12 mai 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 3 juin 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 28 juillet 2004, expédiée par courrier recommandée le 12 août 2004, 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 16 septembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 11 octobre 2004.

Le 14 octobre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision ministérielle.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond est prévu par la loi en la matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est dès lors irrecevable.

Quant au fond, le demandeur, après un exposé général sur les problèmes ethniques dans les Balkans, affirme qu’il aurait fait l’objet en Bosnie-Herzégovine de persécutions et de menaces de la part de fondamentalistes musulmans, qu’il aurait souffert d’un sentiment général d’insécurité et qu’il craindrait, en cas de retour dans son pays, d’être persécuté par les autorités en place.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur, telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 3 juin 2004, que s’il affirme avoir fait l’objet de menaces de la part de fondamentalistes musulmans – les « moudjahidins » - installés dans son village d’origine, il reste cependant fort vague quant aux circonstances de ces menaces et ne relate aucun incident précis vécu personnellement. Il y a à ce sujet lieu de relever que toutes les explications données par le demandeur restent fort vagues et semblent davantage concerner la population locale globalement considérée plutôt que sa personne spécifiquement : « On est menacé par les moudjahidin tout le temps », « tout le temps on a des provocations par les moudjahidin, même des menaces qu’ils vont nous égorger », « ils nous répètent tout le temps qu’on n’a rien à faire là et qu’ils vont nous égorger ».

Il appert cependant que hormis ces menaces et provocations, le demandeur n’a connaissance d’aucun incident sérieux qui se serait produit depuis son retour dans son village d’origine, le demandeur relatant qu’en dépit de leurs menaces, les moudjahidins n’auraient pas « égorgé » une seule personne, et n’auraient en tout et pour tout que tiré des coups de feu à l’occasion du ramadan.

Il s’avère dès lors que les craintes exprimées se basent uniquement sur la situation d’insécurité locale, le demandeur, à l’instar de toute la population, se sentant menacé par les islamistes installés dans son village (« Apparemment ils ont transformé mon lieu de naissance dans un camp de terroristes »), ainsi que sur la situation générale en Bosnie-Herzégovine (« Mon opinion politique est que la situation chez nous est instable (…) Tout est corrompu », « La situation actuelle du pays est instable. L’économie est pratiquement à l’arrêt. Rien ne fonctionne, il n’y a pas de travail ») et non sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 janvier 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17.1.2005 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18719
Date de la décision : 17/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-17;18719 ?

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