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12/01/2005 | LUXEMBOURG | N°19013

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 janvier 2005, 19013


Tribunal administratif N° 19013 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 12 janvier 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19013 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2004 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Sibi bel Abès (Algérie), de nationalité algérienne,...

Tribunal administratif N° 19013 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 12 janvier 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19013 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2004 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Sibi bel Abès (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 octobre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 17 novembre 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal en nom et pour compte du demandeur en date du 7 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Radu DUTA, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 18 août 2004, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 9 septembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 7 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire de l’époque du 5 novembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 17 novembre 2004.

Par requête déposée le 16 décembre 2004, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 7 octobre et 17 novembre 2004.

Il convient en premier lieu de prendre position par rapport à la question de l’admissibilité du mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal en nom et pour compte du demandeur en date du 7 janvier 2005, soulevée d’office par le tribunal lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur s’étant rapporté à prudence de justice y relativement, le délégué du gouvernement ayant conclu au rejet dudit mémoire pour avoir été déposé tardivement.

En l’espèce, en vue d’une bonne administration de la justice, impliquant la conciliation des droits de la défense des deux parties avec l’obligation légale de la juridiction saisie, telle qu’elle est prévue à l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996, de statuer dans le délai d’un mois à partir de l’introduction du recours en cause, le tribunal a fixé et communiqué aux parties un calendrier fixant entre autres que le demandeur pouvait déposer un mémoire en réplique jusqu’au 4 janvier 2005 au plus tard.

Or, force est de constater que le mémoire en réplique du demandeur n’a été déposé qu’en date du 7 janvier courant, de sorte que son dépôt est intervenu sur le tard et le tribunal est dans l’obligation de l’écarter des débats.

Le délégué du gouvernement conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … soulève en substance un seul moyen d’annulation basé sur ce que les décisions ministérielles querellées seraient basées sur une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait. Il reproche ainsi au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel n’aurait pas été le cas, dans la mesure où il aurait fait état de ce que sa vie serait en danger dans son pays d’origine, étant relevé qu’il aurait été un membre actif du mouvement politique « Front des forces sociales » et risquerait d’être tué par des terroristes islamistes, lesquels auraient déjà tué son frère et sa sœur et qu’il ne saurait espérer une protection utile de la part des autorités d’Algérie, dès lors que son pays d’origine serait toujours la proie du terrorisme.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 9 septembre 2004 et du recours gracieux, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, même abstraction faite de ce que la crédibilité du demandeur est sujette à caution, dès lors qu’il appert des éléments produits en cause que le demandeur, déclarant être venu au Luxembourg au cours du mois de juillet 2004, a été identifié comme ayant déjà séjourné au Luxembourg au début de ladite année 2004, il appert du compte rendu de son audition que ses craintes sont dénuées de fondement, étant donné qu’il a expressément déclaré ne pas avoir connu de problème ni du chef d’un état d’insoumission allégué, ni du chef de sa prétendue adhésion au parti politique « FFS », étant spécialement relevé que lors de son audition, le demandeur n’a nullement fait état d’un activisme particulier, mais était formel de dire qu’il était simple membre dudit parti. Par ailleurs, en ce qui concerne le prétendu assassinat de son frère et de sa sœur par des terroristes islamistes, le ministre a relevé a juste titre que des terroristes ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et que le demandeur a reconnu ne pas avoir eu de problèmes personnels émanant desdits terroristes et avoir bénéficié d’une possibilité de fuite interne dans la ville d’Oran (Je suis allé chez un ami à Oran. (…) J’y suis resté dix jours. Je ne voulais plus rester en Algérie. Je voulais aller en Europe : c’est mieux », page 6 du rapport d’audition).

Il se dégage des considérations qui précèdent que M. … est resté en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile comme étant manifestement infondée, de sorte que son recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte des débats le mémoire en réplique tardivement fourni ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 12 janvier 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19013
Date de la décision : 12/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-12;19013 ?

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