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10/01/2005 | LUXEMBOURG | N°18262

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 janvier 2005, 18262


Tribunal administratif N° 18262 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2004 Audience publique du 10 janvier 2005 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2004 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Leipzig (Allemagne), de nationalité allemande, demeurant à

L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justi...

Tribunal administratif N° 18262 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2004 Audience publique du 10 janvier 2005 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2004 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Leipzig (Allemagne), de nationalité allemande, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 avril 2004 lui refusant la délivrance d’une carte de séjour ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean TONNAR en sa plaidoirie.

Madame …, après avoir rejoint son ami, Monsieur J. O. au Luxembourg, sollicita en date du 28 octobre 2002, sur un formulaire du service des étrangers du ministère de la Justice, une carte d’identité d’étranger pour le Grand-Duché de Luxembourg.

Par courrier recommandé du 20 février 2003, le ministre de la Justice, ci-après dénommé le « ministre », refusa de faire droit à cette demande aux motifs suivants :

« (…) il résulte de la demande de carte que vous avez déposée auprès de l’administration communale de Esch/Alzette, que vous n’êtes pas en possession de moyens d’existence personnels vous permettant d’assurer votre séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou de secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir. La carte de séjour vous est par conséquent refusée en vertu de l’article 5, (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Vous êtes dès lors invitée à remettre la copie de votre demande de carte de séjour à l’administration communale et à y souscrire, avec votre fils, dans un délai d’un mois, votre déclaration de départ pour l’étranger.

Vous avez la possibilité de saisir pour avis la commission consultative en matière de police des étrangers, instituée par le règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, dans la présente affaire. Cette demande devra être présentée par écrit au ministère de la Justice endéans le mois de la signification de la présente décision. » En date du 28 février 2003, Madame …, par l’intermédiaire de son mandataire, demanda au ministre de reconsidérer sa position.

Le même jour, elle saisit encore la commission consultative en matière de police des étrangers, telle qu’instituée par le règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers.

Madame … fut convoquée à comparaître devant ladite commission consultative en date du 25 mars 2003.

En date du même jour, la commission consultative rendit son avis avec la conclusion suivante :

« Si à l’heure actuelle … n’est effectivement pas à même de subvenir à ses besoins, les éléments objectifs du dossier permettent cependant de conclure qu’elle entend s’établir au pays et prendre personnellement ses responsabilités au plan financier. La commission donne également à considérer que la requérante vit en communauté de vie avec un ressortissant luxembourgeois établi au pays qui donne des garanties pour subvenir à l’entretien du couple.

Au vu de ce qui précède, la commission est unanimement d’avis que la carte d’identité d’étranger devrait être délivrée à … ».

Par quatre courriers datés aux 21 mai, 4 septembre, 22 octobre et 10 décembre 2003, Madame …, par l’intermédiaire de son mandataire, sollicita auprès du ministère de la Justice une nouvelle décision relative à sa demande en obtention d’une carte de séjour.

Par décision du 6 avril 2004, le ministre refusa la demande de Madame … aux motifs suivants :

« La Commission Consultative en matière de police des étrangers a été saisie le 10 février 2003 par nos soins sur base de l’article 2. 1° du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers pour donner son avis quant à votre séjour ultérieur au Luxembourg.

Vous n’avez pas pu fournir, lors des explications données à la commission, la preuve de satisfaire à un des points 1 à 6 de l’article 1 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales.

De ce fait vous devriez remplir les conditions du point 7 du même article s’appliquant aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats ayant adhéré à l’accord sur l’Espace Economique Européen et qui dispose que les citoyens européens « qui ne bénéficient pas du droit de séjour en vertu d’autres dispositions du droit communautaire » peuvent se voir délivrer une carte de séjour « à condition qu’ils justifient avoir souscrit pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille une assurance-maladie et qu’ils justifient d’un revenu au moins égal au revenu minimum garanti tel qu’il est défini à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1986 précitée ».

Or, cette condition n’est pas non plus remplie dans votre cas.

Dès lors je me dois de maintenir ma décision du 20 février 2003 vous refusant la délivrance de la carte de séjour. » A la suite d’un recours gracieux introduit par son mandataire en date du 28 mai 2004, ledit courrier étant resté sans réponse de la part du ministre, Madame … a fait introduire, par requête déposée le 21 juin 2004, un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 6 avril 2004 portant rejet de sa demande en obtention d’une carte de séjour.

En ce qui concerne le recours en réformation introduit en ordre principal, il échet de constater que le tribunal est incompétent pour en connaître dans la mesure où il n’existe aucune disposition légale prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus de carte de séjour.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose être de nationalité allemande et être en droit d’obtenir une carte de séjour au Grand-Duché de Luxembourg en tant que ressortissante d’un Etat membre de l’Union européenne, étant relevé qu’elle se serait déclarée dès son arrivée au mois d’octobre 2002 auprès Centre commun de la sécurité sociale, qu’elle aurait un fils âgé de dix-huit ans qui serait inscrit au Centre de propédeutique professionnelle du Domaine du Château de Bettange-sur-Mess à partir du 15 septembre 2003 et qu’elle vivrait en communauté de vie avec un citoyen luxembourgeois qui disposerait d’un salaire net mensuel de plus de 4.000,- € et qui se serait engagé à subvenir à ses besoins, ainsi qu’aux besoins de son fils. Partant, la décision de refus du ministre ne reposerait pas sur de justes motifs, d’autant plus qu’elle occuperait depuis le 13 septembre 2004 un emploi auprès de la société R.G. S.A. en tant que femme de charge.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation consiste, à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 11 et autres références y citées). En outre, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (cf.

trib. adm. 27 janvier 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 17 et autres références y citées).

Il convient encore de préciser que, bien que la demanderesse ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner les mérites des moyens et arguments par elle soulevés, cet examen comportant entre autre, que le tribunal doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

Aux termes de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, « les personnes mentionnées à l’article 1er sub 1 à 10, âgées de plus de quinze ans, qui se proposent de résider au Luxembourg plus de trois mois, obtiennent une carte de séjour ».

Il s’ensuit que Madame … ne saurait prétendre à un droit de séjour au Luxembourg que dans les limites de l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972, précité, sous réserve des dispositions communautaires éventuellement applicables.

Ledit article 1er est de la teneur suivante :

« La présente section s’applique aux ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats ayant adhéré à l’Accord sur l’Espace Economique européen :

1. occupant au Luxembourg un emploi salarié ;

2. exerçant au Luxembourg une activité non salariée ;

3. venant au Luxembourg, sans intention de s’y établir, prêter en qualité de travailleur indépendant des services au sens de l’article 60 du Traité instituant la CEE ou recevoir une prestation de services ;

4. exerçant le droit de demeurer conformément aux règlements et directives CEE ;

5. venant au Luxembourg en tant qu’étudiants et qui, par déclaration ou, au choix de l’étudiant, par tout autre moyen au moins équivalent, assurent à l’autorité nationale concernée disposer des ressources afin d’éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale; qu’ils sont inscrits dans un établissement d’enseignement pour y suivre, à titre principal, des études ou une formation professionnelle non indemnisée et à condition qu’ils disposent d’une assurance maladie ;

6. qui ont exercé dans l’Espace Economique européen une activité en tant que travailleur salarié ou non salarié à condition :

- qu’ils bénéficient d’une pension d’invalidité, de préretraite ou de vieillesse ou d’une rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle qui leur assure un revenu au moins égal au revenu minimum garanti tel qu’il est défini à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1986 portant a) création du droit à un revenu minimum garanti ;

b) création d’un service national d’action sociale ;

c) modification de la loi du 30 juillet 1960 concernant la création d’un fonds national de solidarité ;

- et qu’ils disposent d’une assurance-maladie ;

7. qui ne bénéficient pas du droit de séjour en vertu d’autres dispositions du droit communautaire, à condition qu’ils justifient avoir souscrit pour eux-

mêmes et pour les membres de leur famille une assurance-maladie et qu’ils justifient d’un revenu au moins égal au revenu minimum garanti tel qu’il est défini à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1986 précitée.

Les dispositions de la présente section s’appliquent également :

8. au conjoint des personnes visées sub 1 à 4 ci-dessus et à leurs descendants de moins de 21 ans ou à charge, quelle que soit leur nationalité ;

9. au conjoint des personnes visées sub 5 à 7 ci-dessus et à leurs descendants à charge, quelle que soit leur nationalité ;

10. aux ascendants à charge des personnes visées sub 1., 2., 3., 4., 6. et 7. et de leur conjoint quelle que soit leur nationalité ;

11. aux personnes occupant au Luxembourg une emploi salarié tout en ayant leur résidence principale sur le territoire d’un autre Etat membre où ils retournent en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine ».

Cependant, il échet de constater que Madame … ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972, précité, à défaut de rapporter la preuve d’avoir, au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée, occupé une occupation salariée, respectivement exercé une activité non-salariée au Luxembourg respectivement disposé d’un revenu au moins égal au revenu minimum garanti tel qu’il est défini à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1986 portant a) création du droit à un revenu minimum garanti ; b) création d’un service national d’action sociale, c) modification de la loi du 30 juillet 1960 concernant la création d’un fonds national de solidarité, même si l’exigence d’un permis de travail dans son chef n’est pas requise, la demanderesse étant ressortissante allemande.

En l’espèce, le tribunal constate qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que la demanderesse disposait d’un revenu au moins égal au revenu minimum garanti, tel que défini à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1986, précitée, au moment où la décision critiquée a été prise, étant précisé qu’une prise en charge, par une tierce personne, auprès de laquelle la demanderesse est domiciliée, ne saurait satisfaire aux exigences inscrites à l’article 1er sub.7 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972, précité.

Dans ce contexte, il est inopérant que la demanderesse occupe un travail auprès de la société A.G. S.A. depuis le 13 septembre 2004, cet élément nouveau ne pouvant être pris en considération que dans le cadre d’une nouvelle demande en obtention d’une carte de séjour, le tribunal n’étant saisi que de l’examen de la légalité de la décision administrative critiquée en considération des éléments de fait et de droit ayant existé au jour où elle a été prise.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et la demanderesse est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 10 janvier 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18262
Date de la décision : 10/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-10;18262 ?

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