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10/01/2005 | LUXEMBOURG | N°17902

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 janvier 2005, 17902


Tribunal administratif N° 17902 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril 2004 Audience publique du 10 janvier 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision de la Ville de Differdange en matière d’autorisation de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17902 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2004 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l....

Tribunal administratif N° 17902 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril 2004 Audience publique du 10 janvier 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision de la Ville de Differdange en matière d’autorisation de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17902 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2004 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Differdange de lui délivrer une autorisation de construire un ensemble résidentiel avec garages et parkings extérieurs dans le lotissement « Am Mathendahl I » à Niedercorn sur les lots n° 1, 2, 3 et 4 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 14 avril 2004, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Differdange ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2004 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Differdange ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse au mandataire de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. intervenue par voie de télécopie en date du 9 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2004 par Maître Georges KRIEGER pour compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de l’administration communale de la Ville de Differdange intervenue par voie de télécopie en date du 6 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2004 par Maître Roger NOTHAR, pour compte de l’administration communale de la Ville de Differdange ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique au mandataire de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. intervenue par voie de télécopie du 3 novembre 2004 ;

Vu l’ordonnance rendue en date du 10 novembre 2004 par le président de la première chambre du tribunal administratif rejetant la demande en fourniture d’un mémoire complémentaire présentée pour compte de la société … ;

Vu les pièces versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Georges KRIEGER et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 1er et 15 décembre 2004.

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Par courrier de son architecte datant du 10 juillet 2003, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par « la société … », s’adressa au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Differdange pour solliciter l’autorisation de construire un ensemble résidentiel avec garages et parkings extérieurs dans le lotissement « Am Mathendahl I » à Niedercorn sur les lots n° 1, 2, 3 et 4.

Cette demande n’ayant pas fait l’objet d’une réponse, la société … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision implicite de refus se dégageant du silence de plus de trois mois observé par les autorités communales. Ce recours gracieux n’ayant pas non plus fait l’objet d’une réponse dans les trois mois qui s’ensuivirent, la société … a fait introduire, par requête déposée en date du 14 avril 2004, un recours contentieux tendant à l’annulation pour absence de motifs de la décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Differdange de lui accorder l’autorisation de construire sollicitée en date du 10 juillet 2003.

Conformément aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

Dans l’hypothèse vérifiée en l’espèce où un recours gracieux fut adressé à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours légal, l’article 13 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que « si un délai de plus de trois mois s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux sans qu’une nouvelle décision ne soit intervenue, le délai du recours contentieux commence à courir à partir de l’expiration du troisième mois ».

Il s’ensuit que le recours en annulation sous examen est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Encore qu’une décision administrative refusant de faire droit à une demande doive indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, la décision reste valable lorsque l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 44, p. 530).

La Ville de Differdange ayant produit, dans le cadre de son mémoire en réponse, la motivation à la base de sa décision de refus implicite, il y a partant lieu, par application du principe jurisprudentiel ci-avant énoncé et par souci d’effet utile, d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision de refus attaquée et de vérifier si les motifs produits en cours d’instance contentieuse sont de nature à la motiver légalement.

Pour justifier la décision de refus litigieuse, la Ville de Differdange expose d’abord que les terrains concernés font partie d’un lotissement « Am Mathendahl I » qui, conformément à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, avait fait l’objet d’un premier projet d’aménagement particulier (PAP) approuvé en date du 23 août 1993 par le ministre de l’Intérieur. Elle indique ensuite que suite à une modification de ce projet, le lotissement concerné aurait fait l’objet d’un nouveau PAP approuvé en date du 18 septembre 1995 par le ministre de l’Intérieur dont la partie écrite indique que la partie graphique correspondante serait constituée en tout de trois plans, à savoir les plans portant les numéros respectifs 94/09-01, 94/09-02 et 94/09-03, étant entendu que le plan 94/09-02 prévoit le découpage du PAP « Am Mathendahl I » en différentes zones, à savoir : une zone d’habitation II, une zone d’habitation III et une zone mixte IV. Elle relève ensuite qu’à l’analyse du dossier du PAP « Am Mathendahl I », il y aurait lieu de constater que le plan de zonage n° 94/09-02, renseigné dans la partie écrite comme remplaçant le plan de zonage n° 92-06/02-A du projet de 1993, n’aurait jamais été approuvé par le ministre de l’Intérieur et que malgré de multiples interventions auprès dudit ministère et une recherche consciencieuse dans les archives, ce plan de zonage n’aurait pas pu être retrouvé.

Sur base de ce constat, la Ville de Differdange fait valoir que la demande en autorisation de construire litigieuse serait basée sur un PAP qui ne serait pas complet et qui partant ne serait pas valable, de sorte que le collège échevinal n’aurait eu d’autre choix que de refuser l’autorisation de construire sollicitée. En effet, étant donné que la partie écrite du nouveau PAP fait expressément référence à un nouveau plan de zonage portant le numéro 94/09-02, mais que ce plan serait inexistant ou du moins n’aurait pas été approuvé par le ministre de l’Intérieur, il n’aurait pas pu servir de base légale à une autorisation de construire. Elle soutient ainsi qu’à défaut de ce plan de zonage, le collège échevinal se trouverait dans l’impossibilité de savoir dans quelle zone les terrains devant accueillir les constructions projetées se trouvent, respectivement de vérifier s’ils se trouvent effectivement dans une zone mixte IV tel que soutenu par la partie demanderesse.

La Ville de Differdange fait préciser dans son mémoire en duplique que de fait la société … aurait eu connaissance des motifs de refus de l’autorisation de bâtir, étant donné qu’en date du 12 mai 2004, lors d’une réunion entre parties, les autorités communales lui auraient expliqué l’impossibilité de faire droit à sa demande.

Elle conclut que la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée prévoit, sous son article 2, b), que les projets d’aménagement particuliers doivent respecter certaines conditions dont notamment celle de comprendre un plan de lotissement, de sorte qu’à défaut de ce plan, il n’existerait pas de projet de lotissement complet valable et qu’il serait partant impossible de prétendre à l’obtention d’une autorisation de construire pour un terrain compris dans ce lotissement.

Il est constant que les terrains devant recevoir l’ensemble résidentiel litigieux font partie du lotissement « Am Mathendahl I » ayant fait l’objet d’un premier plan d’aménagement particulier approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 23 août 1993.

Il est encore constant que le conseil communal de Differdange, lors de sa séance publique du 9 janvier 1995, a adopté définitivement un projet de modification de ce PAP « Am Mathendahl I », ledit projet de modification ayant été adopté provisoirement le 21 octobre 1994 et déposé à l’inspection du public au secrétariat communal, le 24 octobre 1994, de même qu’il a été approuvé purement et simplement par le ministre de l’Intérieur en date du 18 septembre 1995.

La commune entend justifier son refus d’accorder l’autorisation de construire litigieuse en soulevant l’exception d’illégalité du nouveau PAP « Am Mathendahl I » au motif que l’un des plans y indiqués comme ayant été approuvé par le conseil communal n’aurait pas été approuvé par le ministre de l’Intérieur et, de surcroît, semblerait avoir disparu.

Dans la mesure où il se dégage clairement de la partie écrite du PAP « Am Mathendahl I » qu’elle concerne les plans référencés sous les numéros respectifs 94/09-

01 et 94/09-02, le plan 94/09-02 ayant plus particulièrement pour objet de diviser les terrains concernés en différentes zones, en l’occurrence la zone d’habitation II, la zone d’habitation III et la zone mixte IV, ces différents plans, en l’absence de réserve afférente formulée tant au niveau des délibérations communales d’adoption que dans le cadre de l’approbation tutélaire, sont à considérer comme ayant été dûment adoptés par le conseil communal et approuvés par le ministre de l’Intérieur.

Le caractère définitif du PAP modifié est une conséquence légale directe de son approbation pure et simple par le ministre de l’Intérieur, de sorte que le caractère de fait incomplet allégué au niveau des plans effectivement soumis à approbation tutélaire se résume tout au plus en une difficulté d’exécution, sans incidence directe sur la légalité de l’acte réglementaire dûment approuvé.

En effet, par le fait d’être mentionné expressément au niveau de la partie écrite du PAP, le plan de zonage litigieux, clairement déterminable à partir de sa référence, est à considérer comme faisant partie intégrante du plan d’aménagement approuvé sans réserve par le ministre de l’Intérieur, sans que cette conclusion ne puisse être énervée par un aspect tenant à la matérialisation de cette approbation et plus particulièrement à la documentation de fait des différentes composantes de l’acte concerné.

Par ailleurs, même à admettre l’hypothèse d’une approbation tutélaire de fait imparfaite qui serait de nature à l’invalider, la conséquence ne pourrait être qu’un retour à l’effet au provisoire du PAP modifié, lequel, même en l’absence d’approbation tutélaire, présenterait du seul fait de l’adoption communale, un acquis que la commune ne saurait ignorer.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le motif de refus basé sur l’exception d’illégalité du nouveau PAP « Am Mathendahl I » n’est en tout état de cause pas de nature à motiver légalement la décision de refus litigieuse.

L’argumentation avancée en cause par la partie défenderesse se résume pour le surplus et en substance à soutenir qu’elle ne disposerait plus d’un plan mentionné expressément comme faisant partie d’un plan d’aménagement particulier qu’elle a pourtant définitivement adopté et qu’elle pourrait partant légitimement refuser d’appliquer le plan en question qui, du fait de cette disparition, serait devenu illégal.

Force est de constater que ce raisonnement, s’il est certes de nature à mettre en évidence de sérieux problèmes d’exécution du plan d’aménagement concerné, ainsi que de dévoiler une pratique pour le moins peu consciencieuse au niveau des autorités communales qui sont en aveu de ne pas pouvoir documenter, ne fût-ce que sous forme de copie certifiée conforme, l’un des plans faisant partie intégrante d’un acte réglementaire qui fait pourtant partie de leur réglementation urbanistique applicable, n’est pas pour autant de nature à justifier légalement la décision déférée.

Cette conclusion ne saurait être énervée par les problèmes d’exécution invoqués en défense au présent recours, ces problèmes restant en dehors de la sphère du contentieux de l’annulation pour tenir à des difficultés d’exécution de fait, étant entendu que la perte d’un plan faisant partie intégrante d’un acte réglementaire n’est pas pour autant de nature à rendre ce même acte illégal.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision de refus implicite déférée encourt l’annulation pour défaut de motivation valable.

La partie demanderesse a sollicité l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500,- €. La Ville de Differdange entend résister à cette demande en faisant valoir que la partie demanderesse était depuis longue date au courant du fait que le plan d’aménagement particulier concerné n’était pas complet et qu’elle aurait donc pertinemment su que le collège des bourgmestre et échevins ne pouvait pas, à défaut du plan de zonage, accorder l’autorisation sollicitée. Elle relève en outre qu’elle n’aurait commis aucune faute dans ce dossier, étant donné que ce ne serait pas elle qui a égaré le plan de zonage en question.

Il se dégage clairement des faits et rétroactes de cette affaire que la société …, qui a valablement pu se fier à l’information portée à la connaissance du public par le dépôt à la maison communale du projet de modification du PAP « Am Mathendahl I » pour solliciter une autorisation de construire, a dû intenter une action en justice pour se voir communiquer en bonne et due forme les raisons qui ont amené la commune à ne pas faire droit à cette demande, la motivation formelle à la base de la décision implicite de refus litigieuse n’ayant en effet été fournie qu’à travers le mémoire en réponse de la Ville de Differdange.

Il s’y ajoute que la disparition du plan de zonage est connue, d’après les propres informations de la partie défenderesse, depuis longue date, de sorte que la situation de fait épineuse liée aux problèmes d’exécution illustrés en l’espèce, aurait également pu être solutionnée depuis longue date à l’initiative de la commune.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit à la demande de la partie demanderesse et de condamner la Ville de Differdange à payer à la société … l’indemnité de procédure sollicitée de l’ordre de 1.500,- €.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision de refus implicite déférée et renvoie l’affaire devant la Ville de Differdange ;

condamne la Ville de Differdange aux frais ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500,- € à la société … ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 janvier 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17902
Date de la décision : 10/01/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-01-10;17902 ?

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