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23/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18389

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 décembre 2004, 18389


Tribunal administratif N° 18389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 23 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de candidature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18389 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Myriam MOULLA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du

ministre de l’Intérieur du 6 juillet 2004 lui refusant la participation à l’épreuve de sélectio...

Tribunal administratif N° 18389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 23 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de candidature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18389 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Myriam MOULLA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 6 juillet 2004 lui refusant la participation à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004 pour l’admission à la candidature de volontaire de police ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 13 juillet 2004 déclarant la requête en institution d’une mesure de sauvegarde recevable et justifiée et autorisant Monsieur … à participer à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Renaud GRAAS, en remplacement de Maître Myriam MOULLA, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

Monsieur …, ayant sollicité sa participation à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004 prévue pour l’admission à la candidature volontaire de police, se vit répondre par courrier du ministre de l’Intérieur du 6 juillet 2004 que sa demande avait été refusée.

Ladite décision est libellée comme suit :

« Monsieur, Dans le cadre de votre récente demande de participation à l’épreuve de sélection prévue pour l’admission à la candidature de volontaire de police, je suis au regret de devoir vous informer que votre requête a dû être refusée au regard de l’enquête défavorable établie par la Police Grand-Ducale, conformément à l’article 10 sub d) du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers.

En effet, procès-verbal a été dressé à votre encontre par les forces de l’ordre le 16 janvier 2002 pour coups et blessures volontaires.

La décision est susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente. » Par requête, inscrite sous le numéro 18389 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre de l’Intérieur du 6 juillet 2004. - Par ordonnance du 13 juillet 2004, le président du tribunal administratif a déclaré une requête en institution d’une mesure de sauvegarde présentée par Monsieur … le 12 juillet 2004 recevable et justifiée et l’a partant autorisé à participer à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été élevée.

A l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement a estimé que Monsieur … ne fait plus valoir un intérêt suffisant pour agir à l’encontre de l’acte querellé. Dans ce contexte, il relève que Monsieur … n’aurait pas participé à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004, malgré le fait qu’il aurait pu le faire suite à l’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif en date du 13 juillet 2004, et que le recours aurait partant perdu son objet, la demande initiale de Monsieur … ayant uniquement visé sa participation à ladite épreuve du 14 juillet 2004.

Sur ce point, le demandeur a fait expliquer que des raisons de santé l’auraient empêché de participer à l’épreuve en question, tout en soutenant toujours disposer d’un intérêt à agir, au motif que la décision attaquée lui causerait un préjugé défavorable et qu’il aurait l’intention de se présenter à un concours subséquent en vue de son admission à la candidature de volontaire de police.

S’il est vrai en l’espèce que Monsieur … n’a pas participé à l’épreuve de sélection du 14 juillet 2004, le tribunal est cependant amené à retenir qu’il garde un intérêt suffisant à agir, étant donné que, d’une part, il ne ressort pas de la fiche d’inscription à la carrière de l’inspecteur de police remplie par Monsieur … qu’il a uniquement voulu s’inscrire à l’épreuve spécifique du 14 juillet 2004 et, d’autre part, sa demande de participation à l’épreuve de sélection a été refusée sur base de l’article 10 sub. d) du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers, au motif qu’il n’offrirait pas les garanties de moralité requises, de sorte que ladite appréciation à la base de la décision ministérielle attaquée est susceptible de lui causer tort et grief également à l’avenir par l’appréciation défavorable y contenue.

Il s’ensuit que le recours, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur soutient que la décision attaquée du 6 juillet 2004 serait nulle pour se fonder sur un élément de fait indisponible. En effet, ladite décision serait basée sur un procès-verbal dressé à son encontre par la police grand-

ducale en date du 16 janvier 2002 pour coups et blessures volontaires, à une époque où il était encore mineur et l’article 38 de la loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse prévoirait une interdiction de publier et de diffuser les débats des juridictions de la jeunesse, ainsi que l’identité et la personnalité des mineurs poursuivis, ce qui devrait dès lors logiquement inclure les actes préparatoires comme les procès-verbaux de police.

Dans la mesure où une décision de justice déclarant la culpabilité d’un mineur ne saurait faire l’objet d’une quelconque communication qui pourrait porter préjudice à son encontre, il ne serait pas non plus concevable qu’un procès-verbal, qui ne préjugerait pas de la culpabilité, puisse être communiqué et porter préjudice à un mineur.

C’est cependant à juste titre que le délégué du gouvernement relève que l’article 38 de la loi du 10 août 1992, précitée, interdit uniquement de publier ou de diffuser les débats des juridictions de la jeunesse, respectivement tous éléments qui seraient de nature à révéler l’identité ou la personnalité des mineurs qui sont poursuivis ou qui font l’objet d’une mesure prévue par ladite loi de 1992. Cet article n’interdit cependant nullement qu’une autorité administrative puisse faire état de faits qui se sont déroulés à une époque où la personne visée était encore mineure, afin d’apprécier, comme c’est le cas en l’espèce, les garanties de moralité requises par le demandeur briguant l’admission à la candidature de volontaire de police. Admettre la thèse défendue par le demandeur conduirait en effet à faire interdiction systématique au ministre de l’Intérieur à porter son appréciation sur des faits relatés dans des procès-verbaux et qui se sont déroulés à une époque où le candidat était encore mineur.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Dans un deuxième ordre d’idées, Monsieur … soutient que le ministre se serait basé sur des faits incomplets, au motif qu’il se serait uniquement basé sur un procès-

verbal dressé à son encontre en date du 16 janvier 2002 du chef de coups et blessures volontaires, sans avoir eu connaissance de la suite de la procédure et notamment du fait que l’affaire a été réglée par un accord trouvé par l’a.s.b.l. Centre de médiation en date du 16 mai 2002.

Le demandeur soutient en outre que le contenu dudit procès-verbal ne serait de toute façon pas pertinent, étant donné que sa culpabilité ne pourrait être établie sur base de ce seul document et que les faits y décrits ne feraient que relater un échange de coups, sans graves conséquences, ce qui ne serait pas suffisant pour pouvoir mettre en cause sa moralité, d’autant plus que son casier judiciaire serait vierge.

Le délégué du gouvernement relève que le directeur général de la police a émis un avis défavorable concernant la candidature de Monsieur … au regard du contenu du procès-verbal préindiqué et estime que le fait y relevé n’est pas anodin, mais démontrerait une tendance à la brutalité de la part de Monsieur …, qui, bien que n’ayant été âgé que de dix-sept ans à l’époque des faits, n’aurait pas hésité à casser le nez d’un adolescent de treize ans. Il s’ensuivrait que la décision du ministre serait basée sur des éléments de fait et de droit pertinents et ne saurait partant encourir l’annulation.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base des décisions sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf. trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm.

2004, V° Recours en annulation, n° 12 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort du procès-verbal n° 3008/02 du 16 janvier 2002 dressé par la police grand-ducale, que la victime K.B. avait lancé, ensemble avec un ami, des boules de neige sur le demandeur et qu’une bagarre s’en était suivie lors de laquelle Monsieur … a donné un coup de poing sur le nez de K.B. lui causant une fracture des os propres du nez avec luxation partielle de la cloison nasale vers la gauche, ainsi que cela ressort d’un certificat médical du 1er février 2002 du docteur E.P. Ledit procès-verbal renseigne cependant également le fait que Monsieur … a été provoqué avant ladite bagarre par le jet d’une boule de neige qui l’avait atteint au niveau de l’œil gauche. Il convient encore de retenir que suite à ladite bagarre le demandeur s’est rendu ensemble avec sa victime auprès d’un boulanger pour s’occuper de la blessure causée, qu’il s’est volontairement rendu au commissariat de police en date du 18 janvier 2002, après avoir appris qu’une plainte avait été déposée à son encontre, pour faire sa déposition, et que les deux protagonistes dans le cadre d’une médiation initiée par l’a.s.b.l. Centre de médiation se sont excusés l’un auprès de l’autre pour mettre fin au conflit qui les opposait.

Sans vouloir minimiser la gravité du geste de Monsieur …, force est de constater que le comportement postérieur aux faits affiché par le demandeur dénote une prise de conscience et responsabilité certaines, de sorte que le tribunal arrive à la conclusion que le ministre de l’Intérieur, dans sa décision attaquée du 6 juillet 2004, a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en concluant sur base du seul fait d’avoir réagi trop violemment dans le cadre d’une dispute qui a dégénérée que Monsieur … serait définitivement dépourvu des garanties de moralité requises pour entamer une carrière de membre de la police, de sorte que la décision attaquée encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision du ministre de l’Intérieur du 6 juillet 2004 ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 23 décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23.12.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18389
Date de la décision : 23/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-23;18389 ?

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