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23/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18236

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 décembre 2004, 18236


Tribunal administratif N° 18236 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juin 2004 Audience publique du 23 décembre 2004 Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18236 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son é

pouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulatio...

Tribunal administratif N° 18236 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juin 2004 Audience publique du 23 décembre 2004 Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18236 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, du 17 octobre 2003 en ce qu’elle porte refus d’autorisation de la construction d’une maison unifamiliale à côté d’un hangar viticole à ériger sur un terrain cadastré en la commune de Remerschen, section D de Schengen, sous le numéro 1075, classé en zone verte d’après le plan d’aménagement général de ladite commune, ainsi que de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du même secrétaire d’Etat, du 15 mars 2004 prise sur recours gracieux des demandeurs du 4 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 août 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles litigieuses ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre MEDINGER, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives ;

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Faisant suite à une demande introduite par Monsieur … et son épouse, Madame … en date du 11 décembre 2002 tendant à obtenir l’autorisation pour la construction d’une maison unifamiliale avec hangar pour machines viticoles sur un fonds sis à Schengen, inscrit au cadastre de la commune de Remerschen, section D de Schengen, au lieu-dit « a Stréimchen » sous le numéro cadastral 1075, le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, prit position par lettre du 17 octobre 2003 libellée comme suit :

« (…) j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation pour la construction du hangar viticole aux conditions suivantes :

1. la construction sera réalisée conformément aux plans joints à la demande ;

2. les portes seront réalisées dans le même bois non traité et non rabotés comme le reste de la façade ;

3. avant le commencement des travaux, un gabarit déterminant les limites et les côtes de la construction sera mis en place à l’aide de piquets inamovibles.

Par contre, la loi du 11 août 1982 ne m’habilite pas à réserver une suite favorable à votre projet de construction d’une maison d’habitation.

En effet, selon une jurisprudence constante en la matière, il est nécessaire que la maison constitue un complément indispensable à l’exploitation agricole ou viticole, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

De surcroît, sa réalisation constituerait un précédent susceptible d’engendrer une multitude de projets similaires avec des conséquences très négatives pour l’environnement naturel et la beauté paysagère.(…) ».

Le 4 novembre 2003, Monsieur … introduisit un recours gracieux auprès du ministère de l’Environnement à l’encontre de la susdite décision en ce qu’elle refuse l’autorisation de la construction de la maison unifamiliale à côté du hangar viticole autorisé.

Le 15 mars 2004, le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat, déclara maintenir sa décision prérelatée du 17 octobre 2003 pour les motifs y énoncés.

Par requête déposée le 15 juin 2004, les époux …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles précitées des 17 octobre 2003 et 15 mars 2004.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, étant donné qu’au vœu de l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, sous l’empire de laquelle les deux décisions ministérielles déférées ont été prises, le tribunal est amené à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit et, par voie de conséquence, le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été élevée par l’Etat.

Les demandeurs soulèvent en premier lieu un défaut de motivation des décisions ministérielles querellées en ce que celles-ci n’énonceraient pas de manière précise les éléments sur lesquels s’appuierait le refus d’autorisation de la construction d’une maison unifamiliale à côté du hangar viticole quant à lui autorisé.

Ainsi, selon les demandeurs, le fait que dans la décision initiale du 17 octobre 2003 l’autorité ministérielle se contente de se référer à la jurisprudence constante en la matière selon laquelle il serait nécessaire que la maison constitue un complément indispensable de l’exploitation agricole ou viticole, sans cependant énoncer de façon précise en quoi tel ne serait pas le cas en l’espèce, équivaudrait à une « motivation incomplète et imprécise », partant à un défaut de motivation, devant entraîner la réformation, sinon l’annulation des décisions ministérielles déférées.

Il convient de relever que le volet des décisions querellées en ce qu’elles portent autorisation de principe de la construction d’un hangar pour machines viticoles sur le terrain sis à Schengen, inscrit au cadastre de la commune de Remerschen, section D de Schengen, au lieu-dit « a Stréimchen » sous le numéro cadastral 1075, dont il est par ailleurs constant en cause qu’il se trouve classé par le plan d’aménagement général de la commune de Remerschen en « zone verte », telle que définie par l’article 2 de la loi précitée du 11 août 1982, n’est pas litigieux et n’avait par ailleurs pas à être motivé particulièrement pour avoir donné satisfaction aux demandeurs.

En ce qui concerne le volet défavorable des décisions querellées, il convient de rappeler que contrairement à l’inexistence de motifs, que les demandeurs n’ont pas invoqué, une imprécision de motivation, à la supposer établie, dans le chef des décisions ministérielles litigieuses, ne constitue pas un vice susceptible d’entraîner l’annulation des décisions affectées, mais est tout au plus de nature à entraîner la suspension des délais de recours.

Ceci étant, il y a encore lieu de constater que les deux décisions ministérielles en ce qu’elles situent le refus dans le cadre de la loi précitée du 11 août 1982 et l’incompatibilité de constructions destinées à des fins d’habitation avec les exigences des zones vertes, dès lors que pareilles constructions ne sont pas « indispensables à l’exploitation agricole ou viticole », cas de figure que le ministre n’estime pas vérifié en l’espèce, sont suffisamment motivées en droit et en fait pour avoir garanti que les demandeurs n’ont pas pu se méprendre sur la portée à leur attribuer, cette motivation ayant par ailleurs été utilement complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le moyen d’une motivation insuffisante laisse d’être fondé.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier les décisions ministérielles déférées.

Sous ce rapport et dans un premier ordre d’idées, les demandeurs soulèvent une violation de la loi, au motif que le ministre aurait rajouté des conditions non prévues par l’article 2, alinéa 2 de la loi précitée du 11 août 1982, en ce sens que le législateur exigerait uniquement que les constructions y visées servent à l’exploitation viticole sans exiger que celles-ci soient indispensables à pareille exploitation. Selon eux, le terme « servir » employé par le législateur s’entendrait par essence de ce « qui est utile à, qui a pour but », tandis que le terme « complément indispensable » irait au-delà de cette fonction.

Aux termes de l’article 2, alinéa 2 de la loi précitée du 11 août 1982 peuvent seules être érigées en « zone verte », au sens dudit article, « des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, apicole ou cynégétique, ou à un but d’utilité publique. Elles restent cependant soumises à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts ».

Il se dégage du libellé même de l’article 2, alinéa 2 que dans la mesure où les constructions y visées ne sont autorisables en zone verte que par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, d’une part, le principe même de la non-

constructibilité applicable pour la zone verte appelant comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues (trib. adm. 30 juin 2004, n° 17581 du rôle, non encore publié).

Ainsi, en l’espèce, par rapport au hangar viticole autorisé en son principe à travers les décisions litigieuses, la maison d’habitation projetée ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance de droit à l’exploitation viticole.

Or, force est de constater qu’eu égard aux objectifs définis à l’article premier de la loi précitée du 11 août 1982, et à l’interprétation stricte s’imposant pour la circonscription des constructions servant à une des exploitations visées en son article 2, alinéa 2, une maison d’habitation projetée à côté d’un hangar viticole ne peut être qualifiée comme servant à l’exploitation viticole en question, au-delà des facilités indéniables qu’engendrerait son implantation à l’endroit, que dans la mesure où la présence de la maison d’habitation de l’exploitant viticole répond à des exigences découlant directement des activités viticoles déployées dans le hangar autorisé dont elle serait appelée à être le complément, tel n’étant pas le cas en l’espèce face à un hangar viticole destiné à servir d’entrepôt de machines et d’ustensiles nécessités dans l’exploitation viticole des demandeurs, qui n’appelle pas comme exigence que la maison d’habitation des l’exploitants en question se trouve à côté dudit hangar, les considérations de sécurité avancées par les demandeurs étant manifestement insuffisantes pour ébranler ce constat.

Il s’ensuit que les deux décisions ministérielles de refus procèdent d’une lecture conforme à la fois au texte et aux objectifs légaux et la critique afférente laisse d’être fondée.

Dans un deuxième ordre d’idées, les demandeurs soulèvent une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre en ce sens que :

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pour leur permettre de travailler efficacement et de façon convenable, tout en leur permettant de se séparer de l’exploitation parentale et de créer leur propre exploitation, il serait indispensable que la maison projetée soit annexée au hangar viticole ;

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une exploitation indépendante de celle des parents serait encore indispensable pour répondre aux exigences du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de gestion d’une exploitation viticole moderne, ainsi que pour pouvoir bénéficier de certaines aides étatiques ;

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il y aurait traitement discriminatoire entre un vigneron privé auquel pareille autorisation de construire et de s’établir en zone verte serait susceptible d’être accordée et un vigneron d’une coopérative, tels les demandeurs, lesquels se verraient refuser pareille autorisation.

Les exigences d’intérêt général telles que découlant de l’article premier de la loi précitée du 11 août 1982, à partir des objectifs y mis en avant tenant à la sauvegarde de l’intégrité de l’environnement naturel, font en sorte que les considérations d’intérêt particulier, aussi retraçables soient-elles d’un point de vue subjectif en l’espèce, sont appelées à céder le pas en l’espèce (cf. trib. adm. 30 juin 2004, précité).

A défaut de précisions et de concrétisation de l’argumentation afférente, les exigences posées par le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de gestion d’une exploitation viticole moderne et d’attribution de certaines aides étatiques manquent de pertinence pour justifier la construction d’une maison d’habitation en zone verte, le caractère non indispensable à une exploitation y autorisée ou autorisable se dégageant des considérations qui précèdent.

Enfin, dans la mesure où les exigences objectives tenant à la proximité de l’exploitant viticole par rapport à son matériel de travail diffèrent essentiellement suivant que cet outil de travail consiste en des installations de production vitivinicole proprement dites ou non, aucune discrimination flagrante telle que mise en avant par les demandeurs ne saurait se voir vérifiée au regard des dispositions de l’article 2, alinéa 2 de la loi précitée du 11 août 1982 par rapport aux décisions ministérielles litigieuses.

Il s’ensuit qu’en l’état, le dernier moyen est également à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé dans son intégralité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 23 décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18236
Date de la décision : 23/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-23;18236 ?

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