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16/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18962

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 2004, 18962


Tribunal administratif Numéro 18962 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 décembre 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18962 du rôle, déposée le 9 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Minsk (Biélorussie), de nationalité biélorusse...

Tribunal administratif Numéro 18962 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 décembre 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18962 du rôle, déposée le 9 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Minsk (Biélorussie), de nationalité biélorusse, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 décembre 2004 prorogeant une mesure de placement pour la durée maximale d’un mois audit Centre de séjour provisoire, initialement instituée le 5 novembre 2004 à son égard ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2004 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 7 juin 2004, Monsieur …, déclarant être né … à Minsk, de nationalité biélorusse, introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de 1Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 6 septembre 2004, notifiée par lettre recommandée expédiée le 13 septembre 2004 au domicile du demandeur à L-…, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été refusée.

Le 5 novembre 2004, après avoir pris un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur …, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision ministérielle est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les rapports de police n° 11051 du 27 juillet 2004, n° 30717 du 1er septembre 2004, n° 542 du 30 septembre 2004, n° 150 du 1er octobre 2004 et n° 151 du 1er octobre 2004;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 5 novembre 2004 ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement d’un laissez-passer par les autorités biélorusses ».

Ladite décision de placement fut prorogée par arrêté ministériel du 3 décembre 2004.

Cette prorogation est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu mon arrêté pris en date du 5 novembre 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités biélorusses ;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 9 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle préindiquée du 3 décembre 2004.

2Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur exhibe en premier lieu le fait qu’il serait mineur pour en dégager une impossibilité personnelle de faire l’objet d’une mesure de placement telle que prévue par l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, au motif que cette disposition ne viserait pas les mineurs. A l’appui de son argumentation afférente, il invoque encore l’article 26 alinéa 2 de la loi modifiée du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse prévoyant que les mineurs ne devraient pas été gardés avec des détenus adultes, mais qu’ils devraient être soumis à un régime spécial déterminé par la réglementation de l’administration pénitentiaire. Dans ce contexte, il critique encore la fiabilité du résultat d’un examen médical du 27 juillet 2004 attestant qu’il serait âgé d’au moins 19 ans.

Il convient de rapprocher de ce moyen le quatrième et dernier moyen de réformation soulevé et basé sur le prétendu caractère disproportionné de la mesure de placement au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, le demandeur fait valoir que le « Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig » ne constituerait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement.

La réponse à apporter à ces deux moyens est de prime abord conditionnée par le constat que contrairement à ce que fait soutenir le demandeur, il a été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en séjour irrégulier et non pas au Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Ceci étant, l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximale d’un mois, sans cependant distinguer entre majeurs et mineurs, de sorte que les uns comme les autres peuvent en principe faire l’objet d’un placement « dans un établissement approprié », la question pertinente qu’il convient de poser étant celle de savoir si, compte tenu de la situation subjective de l’intéressé, l’établissement dans lequel il est placé par l’autorité compétente constitue un endroit approprié.

Or, en l’espèce, force est de constater que ledit Centre de séjour provisoire est à considérer comme constituant un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration sa présence au moment de son éloignement et qu’il ne fait état d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que le moyen afférent est à rejeter. Si la minorité n’est évidemment pas une considération négligeable dans le cadre de cette appréciation, elle n’est pas, à elle seule, un critère déterminant, étant relevé que même en faisant abstraction du certificat médical 3attestant un âge d’au moins 19 ans et en admettant les déclarations du demandeur qui soutient être né le …, force est de constater que l’intéressé est actuellement âgé de 17 ans et 9 mois et qu’il ne se dégage pas des éléments d’appréciation apportés qu’il serait à considérer comme spécialement fragile, les éléments du dossier témoignant d’un individu mature et « débrouillard ».

Cette conclusion n’est par ailleurs pas ébranlée par la référence à l’article 26 alinéa 2 de la loi précitée du 10 août 1992, étant donné que cette disposition spéciale vise les détenus de droit commun et n’est pas transposable à la situation d’un mineur placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig dans l’attente de son éloignement du pays.

Le second moyen de réformation soulevé par le demandeur est basé sur ce que la mesure de rétention serait viciée à sa base, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’ayant, à tort, considéré comme un étranger en séjour irrégulier et ordonné son placement en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’en tant que demandeur d’asile, il ne serait pas visé par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 et qu’ainsi, il aurait été irrégulièrement et en violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, privé de sa liberté.

Il ajoute qu’en tant que demandeur d’asile et en vertu du principe de non-refoulement, il ne saurait faire l’objet d’un éloignement du territoire luxembourgeois aussi longtemps qu’il n’a pas été définitivement statué sur sa demande d’asile.

Dans ce contexte, il soutient encore que la notification de la décision lui refusant la reconnaissance du statut de réfugié lui aurait été faite à son domicile, mais à un moment où il aurait été en détention préventive, de sorte qu’aucun délai n’aurait pu commencer à courir et qu’un recours gracieux introduit par lui au mois de décembre 2004 serait toujours pendant.

Ces moyen et argumentation laissent cependant d’être fondés, étant donné qu’on ne saurait reconnaître un effet suspensif à un recours gracieux ou contentieux dirigé contre une décision refusant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève que si lesdits recours ont été introduits dans le délai légal et non pas de façon tardive, ce que le tribunal même s’il n’est pas appelé en l’espèce à statuer par rapport à la décision prise dans le cadre de la demande d’asile, doit examiner sur base des éléments se trouvant à sa disposition. Or, force est de constater que, même en faisant abstraction de ce qu’une notification au domicile d’une personne, lorsqu’elle est placée en détention préventive ne constitue pas moins une notification valable, l’intéressé se devant de prendre les mesures nécessaires pour assurer un suivi de ses affaires, le moyen manque en fait, étant donné qu’en l’état actuel, il se dégage des éléments du dossier produit en cause que la décision ministérielle du 6 septembre 2004 a été notifiée par lettre recommandée du 13 septembre 2004 au domicile du demandeur – ce que ce dernier ne conteste pas – alors qu’il n’a été placé en détention préventive qu’en date du 1er octobre 2004. Ainsi, le délai a valablement pu commencer à courir et la décision a acquis autorité de chose décidée au moins à la mi-octobre 2004, le recours gracieux étant manifestement tardif, et on ne saurait suivre le demandeur en ce qu’il fait soutenir devoir être considéré comme ayant eu, au moment de la prise de la décision de placement initiale, la qualité de demandeur d’asile.

4Enfin, le demandeur soutient que la prorogation de son placement n’aurait pas été justifiée par une nécessité absolue.

Le paragraphe (2) de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par [ le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration] (…) à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal est partant amené à analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’en l’espèce une nécessité absolue rendait la reconduction de la décision de placement inévitable.

S’il est vrai que l’autorité compétente doit veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée et que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire, force est de constater qu’en l’espèce, il ressort du dossier que dès le 5 novembre 2004, les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités biélorusses en vue de l’obtention d’un titre d’identité ou d’un laissez-passer permettant le rapatriement du demandeur vers la Biélorussie, les autorités biélorusses ayant confirmé l’ouverture de recherches en vue de la vérification de l’identité de l’intéressé et d’en conclure que, compte tenu des spécificités de l’affaire, notamment du défaut de documents d’identité valables dans le chef du demandeur et de la nécessité et des délais nécessaires en vue de l’obtention d’un laissez-passer des autorités du pays d’origine de l’intéressé, l’ensemble des diligences entreprises en vue de l’organisation et de l’exécution matérielle du rapatriement de l’intéressé est approprié et en dans l’attente de la prise de position des autorités du pays d’origine, le ministre compétent a partant valablement pu se prévaloir d’une nécessité absolue pour justifier la décision de reconduction de la mesure de placement du demandeur.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, 5M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18962
Date de la décision : 16/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-16;18962 ?

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