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16/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18239

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 2004, 18239


Tribunal administratif N° 18239 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2004 Audience publique du 16 décembre 2004 Recours introduit par la société anonyme C. S.A., … contre une décision de l’administration communale de Bascharage en présence de la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A., … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18239 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2004 par Maître Charles KAUF

HOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la...

Tribunal administratif N° 18239 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juin 2004 Audience publique du 16 décembre 2004 Recours introduit par la société anonyme C. S.A., … contre une décision de l’administration communale de Bascharage en présence de la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A., … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18239 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2004 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme C. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision prise par l’administration communale de Bascharage en date du 4 mai 2004, écartant l’offre soumise par elle dans le cadre de la soumission publique pour la réalisation des travaux d’aménagement extérieurs du complexe scolaire et sportif à Bascharage, « Im Gehr », phase II, repris sous l’article 4/0420/2121/008 du budget communal, ensemble la décision du même jour portant attribution dudit marché public à la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A., établie et ayant son siège social à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 17 juin 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de Bascharage, ainsi qu’à la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A. ;

Vu l’ordonnance du 29 juin 2004 rendue par le premier-vice président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, par laquelle une requête, inscrite sous le numéro 18238 du rôle, introduite le 16 juin 2004 par la société anonyme C. S.A., préqualifiée, et tendant à conférer un effet suspensif au recours au fond prédit en ce qui concerne l’adjudication du marché à la société Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A. a été rejetée pour manquer de fondement ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 6 août 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 1er septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Bascharage ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 2 septembre 2004 portant signification de ce mémoire en réponse aux mandataires constitués pour la société demanderesse et la société tierce intéressée ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 1er octobre 2004 au greffe du tribunal administratif pour le compte de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 29 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de l’administration communale de Bascharage ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifié, du 4 novembre 2004 portant signification de ce mémoire en réponse aux mandataires constitués pour la société demanderesse et la société tierce intéressée ;

Vu les pièces versées et notamment les deux décisions communales critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maîtres Esbelta DE FREITAS, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, Richard STURM et Marc KERGER en leurs plaidoiries.

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Dans le cadre de la soumission de travaux d’aménagements extérieurs, lot E-phase II, dans l’intérêt du futur campus scolaire « im Gehr » à Bascharage, le collège échevinal de la commune de Bascharage s’est adressé en date du 4 mai 2004 à la société anonyme C. S.A., soumissionnaire le moins-disant suivant un import de 3.126.818,72 € ttc. pour l’informer qu’« aux termes de l’article 90 (4) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, le collège des bourgmestre et échevins a le regret de vous informer que vous n’êtes pas porté adjudicataire des travaux prémentionnés. Votre offre n’a pas été conforme aux exigences légales, en chiffrant 0,00 € sur plusieurs positions, ce qui d’après la nouvelle loi des marchés publics n’est pas conforme ».

Par courrier du même jour, le collège échevinal de Bascharage s’est adressé à la société anonyme Entreprise de Constructions, de Voirie et de Pavages D. S.A., ci-après dénommée la « société D. », soumissionnaire second moins-disant, pour l’informer qu’« aux termes de l’article 90 (4) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, le collège des bourgmestre et échevins vient de vous déclarer adjudicataire des travaux prémentionnés, conformément à votre offre s’élevant à 3.376.539,43 € ttc.

La conclusion définitive du contrat aura lieu après un délai de quinze jours à compter de l’information donnée aux autres concurrents ».

Agissant à l’encontre des décisions matérialisées par ces deux courriers de la commune de Bascharage, la société C. S.A. a fait introduire en date du 16 juin 2004 un recours contentieux tendant à leur réformation, sinon à leur annulation. - Une requête, inscrite sous le numéro 18238 du rôle, introduite le même jour par la société C. S.A. et tendant à conférer un effet suspensif au recours au fond en ce qui concerne l’adjudication du marché à la société D. a été rejetée par une ordonnance rendue le 29 juin 2004 par le premier-vice président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président.

Le recours introduit par la société C. S.A. contenant une demande en réformation et, subsidiairement, une demande en annulation, le tribunal est de prime abord appelé à examiner sa compétence pour connaître de la demande principale en réformation.

Dans ce contexte, les décisions litigieuses ayant été prises postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, qui a eu lieu, en vertu de son article 102, en date du 1er septembre 2003, c’est par rapport aux dispositions de cette loi que la question de fond relative à l’admissibilité des voies de recours doit être examinée.

Or, il y a lieu de constater que la loi précitée du 30 juin 2003 ne prévoit pas la possibilité d’exercer un recours en réformation contre une décision de rejet d’une offre ou une décision d’adjudication, de sorte que seul un recours en annulation était possible contre les décisions querellées.

Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation, recours de droit commun dans le contentieux administratif, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En ce qui concerne le recours subsidiaire en annulation, la société D. conclut à son irrecevabilité au motif qu’au mépris de l’article 21 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10 de la loi communale du 13 décembre 1998, qui dispose que « le soumissionnaire qui constaterait dans le dossier de soumissions des ambiguïtés, erreurs ou omissions, est tenu sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins sept jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long », la partie demanderesse n’aurait pas signalé en temps utile l’existence d’une prétendue ambiguïté, erreur ou omission, de sorte que toute réclamation ultérieure et partant son recours seraient irrecevables.

Ce moyen laisse d’être fondé, étant donné que force est de constater que le recours en annulation sous examen n’est pas dirigé contre le cahier des charges à la base de la soumission litigieuse, mais contre les décisions de l’autorité communale ayant écarté l’offre de la société demanderesse, d’une part, et ayant adjugé la soumission litigieuse à un des concurrents de la demanderesse, d’autre part, et d’en conclure, sans préjudice de l’éventuelle « irrecevabilité » au fond de moyens basés sur l’existence d’ambiguïtés, erreurs ou omissions non dénoncées dans les formes ou délai prévus par l’article 21 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003, que sa recevabilité dans le cadre prétracé n’est pas conditionnée par le respect de l’article 21 du règlement grand-

ducal précité du 7 juillet 2003.

C’est encore à tort que la société D. soulève l’incompétence du tribunal pour statuer sur la demande d’annulation de la décision d’adjudication au motif qu’il y a eu formation d’un contrat entre elle même et la commune de Bascharage et que « l’annulation de la décision d’adjudication à l’entreprise D. affecterait, partant, des droits civils, qui relèvent exclusivement du pouvoir des juridictions civiles », alors que s’il est incontestable que les juridictions de l’ordre administratif sont incompétentes pour connaître d’un litige ayant pour objet des droits civils, il n’en reste pas moins que le recours sous examen, notamment en ce qu’il est dirigé contre la décision d’adjudication, relève du contentieux administratif pour viser une décision administrative détachable, l’argumentation de la société D. procédant d’une confusion quant à la portée d’un éventuel jugement ou arrêt d’annulation lequel – sans préjudice de son incidence sur le contentieux judiciaire de la responsabilité civile - reste sans incidence sur le contrat qui a pu être conclu entre le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire.

Au fond, la demanderesse, sans contester le fait que certaines positions du bordereau par elle soumis n’avaient pas été remplies en ce qu’elles avaient été pourvues d’une mention égale au chiffre zéro et tout en admettant que l’article 57 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 prohibe pareille façon de faire, fait soutenir d’une part, que les positions en question de son offre auraient été remplies de la sorte « alors que leur coût est compris dans les autres positions de l’offre » et, d’autre part, en s’emparant d’un avis de la commission des soumissions du 29 avril 2004, suivant lequel le bordereau élaboré par le bureau d’études ne serait pas très clair en raison du fait que des positions, qui ordinairement sont à remplir, sont barrées, soutient qu’on ne saurait lui faire de reproche afférent parce que le pouvoir adjudicateur lui même aurait pêché en délivrant aux intéressés un « bordereau original » contenant également des positions barrées et des postes sans objet, de sorte qu’il aurait lui même contrevenu audit article 57 et ainsi induit les soumissionnaires en erreur.

Sur ce, la demanderesse soutient qu’en vertu des principes de proportionnalité, d’égalité des soumissionnaires sinon de précaution, en présence d’un bordereau initial vicié, l’administration communale de Bascharage aurait, au lieu d’écarter son offre, dû « soit admettre les offres contenant le chiffre zéro ou des positions barrées, soit annuler purement et simplement la mise en adjudication, celle-ci ayant été opérée en présence d’erreurs respectivement d’irrégularités substantielles ».

Concernant la décision d’adjudication à l’entreprise D., la demanderesse soutient en substance que l’annulation de la décision l’ayant écartée à tort impliquerait logiquement l’annulation de la décision d’adjudication qui serait affectée du même vice.

Aux termes de l’article 57 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 « toutes les positions du bordereau doivent être remplies, elles ne peuvent être barrées, ni contenir le terme « néant », ni le chiffre zéro (0,-), à moins que le cahier spécial des charges n’en dispose autrement et sans préjudice des dispositions des articles 25 à 29 concernant les variantes et les solutions techniques alternatives ».

En l’espèce, force est de prime abord de relever que la demanderesse admet l’existence de positions de son bordereau tombant sous le champ d’application dudit article 57 et prohibées par lui, dès lors que le cahier des charges n’en dispose pas autrement.

Ceci étant, la demanderesse a tort de soutenir qu’on ne pourrait pas lui faire de reproche afférent au motif qu’elle aurait été induite en erreur à travers les positions bâtonnées existant aux endroits respectifs du bordereau initial, étant donné que même abstraction faite de ce que le fait de soutenir avoir été induit en erreur se trouve en contradiction flagrante avec l’argumentation développée par ailleurs et consistant à soutenir que les positions comprenant un chiffre zéro auraient été « complétées comme telles alors que leur coût est déjà compris dans les autres positions de l’offre », il y a lieu de retenir qu’au vœu de l’article 21 précité du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, tout soumissionnaire qui constate des ambiguïtés, erreurs ou omissions dans un dossier de soumission à laquelle il est intéressé « est tenu sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins sept jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long », cette disposition impliquant l’association active de tous les soumissionnaires à l’établissement d’un dossier clair et exact garantissant une saine mise en concurrence, moyennant le droit et l’obligation des intéressés, tous des professionnels avertis, de contrôler et de vérifier soigneusement la documentation remise par le commettant et de signaler toute ambiguïté, erreur ou omission risquant d’empêcher la comparabilité des offres. En aucun cas n’est-il admissible que, dans un premier temps, un soumissionnaire participe à une soumission sans dire mot quant à des ambiguïtés, erreurs ou omissions qu’il a pu – ou dû – constater, pour, par la suite, s’en emparer et s’en prévaloir dans le cas de figure défavorable où son offre n’aurait pas été retenue.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation basée sur un comportement fautif du commettant et l’avis de la commission des soumissions du 29 avril 2004, lequel il est vrai critique que le bordereau élaboré pour la soumission en question n’est pas « très clair en raison du fait que des positions qui ordinairement sont à remplir sont barrées », mais conclut non moins pertinemment que le fait que le bureau d’études en charge de l’élaboration du dossier a barré dans le bordereau à remettre aux soumissionnaires le champ prévu pour le prix unitaire pour certaines positions pour lesquelles la quantité était une unité ne saurait justifier ou excuser qu’un soumissionnaire insère des chiffres zéros au prix total pour les positions concernées. En effet, dans pareil cas de figure, tout professionnel averti – sauf à poser une question afférente – aurait dû y insérer le prix d’unité.

Etant donné qu’en ce qui concerne le contrôle de l’appréciation, notamment de sa proportionnalité, le tribunal, sur base des pièces et informations qui lui ont été soumises, ne dénote par ailleurs ni une erreur d’appréciation manifeste, ni une autre affectation susceptible d’ébranler la légalité des décisions litigieuses, lesquelles apparaissent comme étant une application stricte des article 57 et 21 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, ensemble les principes généraux régissant la matière en question, en suivant en cela l’avis à la fois de la commission des soumissions et celui des bureaux d’études intervenants, le recours laisse d’être fondé et la demanderesse doit partant en être déboutée.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 1.500.- € formulée par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné qu’elle a succombé dans ses moyens et arguments et qu’il n’est pas autrement établi en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle. Est également à rejeter comme n’étant pas fondée la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.000.- € formulée par la société D., étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 16 décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18239
Date de la décision : 16/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-16;18239 ?

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