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15/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18567

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2004, 18567


Tribunal administratif N° 18567 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 août 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18567 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 août 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-…, tenda...

Tribunal administratif N° 18567 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 août 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18567 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 août 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 mai 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 13 décembre 2004, en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH, qui s’est rapporté aux écrits de la partie publique, Maître Yvette NGONO YAH n’ayant été ni présente, ni représentée.

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Le 17 mars 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut entendu les 6 et 27 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 25 mai 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 7 juin 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 18 juin 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre prit une décision confirmative le 19 juillet 2004.

Le 17 août 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision ministérielle prévisée du 25 mai 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer à l’appui de son recours avoir été membre actif de la jeunesse du parti d’opposition Parti du Renouveau Démocratique (PRD), avoir organisé en cette qualité de nombreux meetings politiques et être par conséquent un « combattant pour la démocratie ». Il précise que c’est à cause de cette activité qu’il aurait fait l’objet de poursuites de la part du parti au pouvoir, de sorte qu’il aurait été contraint de fuir son pays d’origine En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement pour sa part estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci seraient à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédure gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, si le demandeur affirme avoir fait l’objet de menaces de mort, il reste cependant vague quant aux termes et circonstances de ces menaces, qui émaneraient de jeunes de son quartier, partisans du parti au pouvoir : « Dans notre quartier, il y a des jeunes qui discutent entre nous. Ce sont d’autres jeunes qui sont venus me dire que ça ne va pas, qu’il fallait que je m’écarte (…) Ce sont les jeunes de l’autre parti qui ne voulaient plus de moi, qui sont venus me voir pour me dire cela ».

Il échet encore de constater que le demandeur a enduré ces menaces pendant 3 à 4 années et a réfléchi pendant 2 années à l’éventualité de fuir son pays, avant finalement de se décider, ce qui paraît difficilement compatible avec la crainte alléguée pour sa vie, qui rendrait celle-ci intolérable au Bénin.

Par ailleurs, les persécutions dont fait état le demandeur, émanant de jeunes du quartier proviennent de tiers et non pas de l’Etat, de sorte qu’il appartient de surcroît au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités. Une persécution ne saurait en effet être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où des agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée pour l’un des motifs des persécutions prévus par la Convention de Genève.

Or, le demandeur n’a pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Bien au contraire, il appert qu’il a préféré prendre la fuite sans même envisager de porter plainte contre les auteurs des menaces (« Je n’ai pas le niveau … je n’ai pas eu l’idée de faire cela »).

Dans ces conditions, le demandeur n’a pas démontré un refus ou défaut concret et effectif de protection, rapporté à sa situation personnelle.

Il s’avère dès lors à l’examen des déclarations faites par le demandeur que sa fuite vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité, mais non par des actes concrets laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

A cela s’ajoute que le demandeur n’a pas pris position face aux motifs de refus énoncés dans la décision ministérielle relatifs au manque de crédibilité de ses déclarations, le ministre ayant notamment relevé les incohérences du récit du demandeur en ce qui concerne le trajet et les moyens de locomotion utilisés pour venir au Luxembourg ainsi que le fait que le demandeur ignore que le PRD n’est plus, depuis mars 2003, un parti d’opposition, mais qu’il participe à la coalition gouvernementale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision litigieuse dans la mesure où celle-ci est motivée, par référence aux propres déclarations du demandeur, ainsi qu’aux incohérences y relevées, par l’absence de craintes de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 décembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18567
Date de la décision : 15/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-15;18567 ?

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