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15/12/2004 | LUXEMBOURG | N°17825

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2004, 17825


Tribunal administratif N° 17825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l.

contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire en présence de la société anonyme XXX Luxembourg S.A., …

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17825du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. établie et ayant s...

Tribunal administratif N° 17825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l.

contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire en présence de la société anonyme XXX Luxembourg S.A., …

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17825du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. établie et ayant son siège social àL-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 5 janvier 2004 accordant à la société anonyme YYY S.A., établie et ayant son siège social L-…, absorbée par fusion, constatée suivant acte notarié du 14 avril 2003, par la société XXX Luxembourg S.A., établie et ayant son siège social à la même adresse, l’autorisation de construire un immeuble résidentiel sur le terrain sis à Luxembourg, …, boulevard Prince Félix, ainsi que pour autant que de besoin, d’une autorisation de principe, ainsi que de toutes autres décisions préparatoires dont notamment une autorisation de morcellement émise par la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 5 avril 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société anonyme XXX Luxembourg S.A. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2004 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires des sociétés … s.à r.l. et XXX Luxembourg S.A. en date du 2 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2004 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme XXX Luxembourg S.A.;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires de la Ville de Luxembourg ainsi que de la société … s.à r.l. en date du 5 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2004 par Maître Yann BADEN au nom de la société … s.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 4 octobre 2004 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société XXX Luxembourg S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004 par Maître Jean MEDERNACH pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée aux mandataires des sociétés … s.à r.l. et XXX Luxembourg S.A. le 29 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2004 par Maître Victor ELVINGER pour compte de la société XXX Luxembourg S.A.;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée aux mandataires de la société … s.à r.l. ainsi que de l’administration communale de la Ville de Luxembourg intervenue en date du 2 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Yann BADEN, Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Victor ELVINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2004.

Par décision du 5 janvier 2004, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg accorda à la société YYY S.A., entre-temps absorbée par fusion par la société XXX Luxembourg S.A., l’autorisation de construire un immeuble résidentiel à 30 logements, dénommé « Résidence …», sur le terrain sis …, boulevard Prince Félix à Luxembourg.

Cette décision fut portée à la connaissance de la société … s.à r.l. par courrier du bourgmestre datant du 16 janvier 2003.

Par requête déposée en date du 2 avril 2004, la société … s.à r.l. a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’autorisation de bâtir prévisée du 5 janvier 2004, ainsi que, pour autant que de besoin, d’une autorisation de principe et de toutes les décisions préparatoires, y compris une autorisation de morcellement, ayant précédé cette décision du 5 janvier 2004.

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg ainsi que la société XXX Luxembourg S.A. concluent principalement à l’irrecevabilité du recours en se prévalant d’abord de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne l’autorisation de morcellement ainsi que les autres actes préparatoires à l’autorisation de construire également litigieuse du 5 janvier 2004, au motif que cette question aurait été définitivement tranchée par décision du tribunal administratif du 8 décembre 2003, confirmée par la Cour administrative le 18 mai 2004, les actes administratifs concernés étant exactement les mêmes pour avoir concerné l’ensemble des terrains recueillant les résidences ….

La partie demanderesse rétorque que l’autorité de la chose jugée présupposerait un jugement au fond, de sorte que l’argumentation adverse ne saurait aboutir en l’espèce, les jugement et arrêt invoqués ne s’étant pas prononcés sur le fond pour avoir déclaré le recours introduit à l’époque irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

A titre subsidiaire, s’il devait être retenu que l’autorisation de morcellement ne pourrait plus, à ce jour, être entreprise dans le cadre du recours sous examen, la partie demanderesse estime qu’il y aurait lieu de la déclarer inapplicable pour fonder l’autorisation de construire également litigieuse, étant donné que cette autorisation de morcellement, même si elle ne pouvait plus être déclarée nulle, ne pourrait pas pour autant valablement fonder l’autorisation de construire actuellement litigieuse.

Conformément aux dispositions de l’article 1351 du code civil, il y a autorité de chose jugée en cas d’identité vérifiée de parties, d’objet et de cause, sans qu’il n’y ait lieu de distinguer en fonction de l’issue qu’a connue le litige par rapport auquel l’autorité de la chose jugée est invoquée.

Les parties étant en l’espèce en accord pour admettre que l’autorisation de morcellement ainsi que les actes préparatoires litigieux, par ailleurs non utilement identifiés en l’espèce, sont de fait les mêmes que ceux ayant été déférés au tribunal administratif dans le cadre du litige inscrit sous le numéro 16236 du rôle et toisé par jugement du 8 décembre 2003, confirmé par l’arrêt de la Cour administrative du 18 mai 2004, il se dégage dès lors des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que l’autorité de chose jugée est invoquée à leur égard.

En effet, l’autorité de chose jugée a lieu à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, en l’occurrence les dits actes administratifs, indépendamment du sort réservé au recours proprement dit.

Il s’ensuit que le recours en annulation actuellement sous examen est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre les actes en question.

La société XXX Luxembourg S.A. se prévaut en outre de l’autorité de chose jugée par rapport à l’autorisation de construire litigieuse, en faisant valoir que la résidence …constitue une deuxième résidence sur un même terrain que la résidence …autorisée le 10 janvier 2003 et ayant fait l’objet, quant à l’autorisation de construire afférente, du jugement ci-avant invoqué du tribunal administratif du 8 décembre 2003. Eu égard au fait que la question de l’intérêt à agir serait restée rigoureusement la même que pour le recours contre l’autorisation du 10 janvier 2003, tranchée par les décision et arrêt du tribunal administratif du 8 décembre 2003 et de la Cour administrative du 18 mai 2004, elle estime partant qu’il y aurait autorité de la chose jugée en ce qui concerne précisément la question de l’intérêt à agir, étant entendu que les parties sont restées les mêmes.

La partie demanderesse rétorque que l’intérêt à agir s’apprécie au moment de l’introduction du recours, de sorte qu’il ne pourrait pas y avoir autorité de la chose jugée dès le moment où il n’y a pas identité de date d’introduction des recours. Elle fait valoir pour le surplus que des affaires seulement similaires, mais non identiques, ne sauraient s’influencer par le moyen de l’autorité de la chose jugée.

Tel que relevé ci-avant l’autorité de chose jugée est conditionnée notamment par l’identité de l’objet du litige. Or, force est de constater en l’espèce que si l’autorisation de construire ayant fait l’objet du recours inscrit sous le numéro 16236 du rôle toisé par jugement du tribunal administratif du 8 décembre 2003, s’inscrivait certes dans un même contexte urbanistique que celle actuellement litigieuse en ce que l’ensemble résidentiel concerné comporte deux résidences, …et …, il n’en reste cependant pas moins que chaque résidence a fait l’objet d’une autorisation de construire individuelle, susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux à part.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen basé sur l’autorité de la chose jugée invoqué par rapport à l’autorisation de construire litigieuse laisse d’être fondé, faute d’identité d’objet.

Les deux parties adverses concluent ensuite à l’irrecevabilité du recours sous examen pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société demanderesse en faisant valoir que le projet litigieux n’aurait pas d’incidence concrète sur sa situation de voisin.

Elles se réfèrent à cet égard à la motivation retenue à la base du jugement ci-avant invoqué du tribunal administratif du 8 décembre 2003, inscrit sous le numéro 16236 du rôle, et confirmé par la Cour administrative en date du 18 mai 2004.

la société demanderesse a exposé à l’appui de son recours être propriétaire de plusieurs immeubles sis à Luxembourg-Kirchberg, à l’intérieur du périmètre du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial », et plus particulièrement des immeubles suivants :

« Résidence Désignation lot Adresse Résidence CORAIL B7 Rez-sud coiffeur 5, rue J.P. Sauvage, L-2514 Luxembourg CORAIL B8 Rez-nord 3, rue J.P. Sauvage, L-2514 Luxembourg Rez-sud, bout. 1 + 2 id.

Réserve no. 1 id.

ONYX B10 Appartement 7A, cave 1 19, rue J-P. Sauvage Appartement 7B, cave 10 id.

EMERAUDE Parking no. 1 2-6 rue Baclesse, L-1028 Luxembourg GRAND PARKIN Parking no. E rue J.P. Sauvage, L-2514 Luxembourg CORAIL Parking no. F id.

Parking no. G id.

Parking no. 4B id.

Parking no. 5B id.

Parking no. 6B id.

Parking no. 15 id.

Parking no. 10 id.

Parking no. 12 id.

Parking no. 13 id.

Parking no. 14 id.

Parking no. 15 id.

Parking no. 26 id.

Parking no. 28 id.

Parking no. 29 id.

Parking no. 30 id.

Parking no. 272 id.

Parking no. 276 id.

Local technique no. 5 id.

TRIANGLE terrain no. Cadastre 520/5083, bd. Prince Félix » Elle relève que les terrains concernés tombent sous le champ d’application du PAP « Schoettermarial » et seraient adjacents aux terrains portant les numéros cadastraux 520/4310, 520/3218, 521/3337, 521/3338, 521/3339, 521/3889, 521/4079 et 521/4312, ayant appartenu à l’ancienne société YYY S.A. et situés à l’extérieur du PAP « Schoettermarial » formant une languette située entre les terrains portant les numéros cadastraux 440/3330, 440/3331 et 441/1956, appartenant à la Ville de Luxembourg et situés à l’intérieur du PAP « Schoettermarial ».

Elle estime dès lors qu’elle serait directement concernée, en sa qualité de propriétaire d’éléments immobiliers voisins, par le fait qu’une construction y est projetée et sera réalisée sur les terrains en question et que, à cet égard, le non-respect de la procédure prévue en matière d’autorisation de construire serait susceptible de lui causer grief.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches peuvent certes invoquer un intérêt général à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation ne constitue cependant qu’un indice pour établir leur intérêt à agir personnel, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (cf. trib. adm. 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm. 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm.

2004, V° Procédure contentieuse, n° 22 et autres références y citées, page 555).

L’intérêt à agir dégagé à partir de la situation de voisin repose essentiellement sur la prémisse que les voisins proches sont, par essence, appelés à se faire face au quotidien et se trouvent confrontés, de manière constante et inévitable, à l’aggravation concrète de leur situation de voisin alléguée à l’appui de leurs prétentions.

En l’espèce, force est de constater que les immeubles du chef desquels la société demanderesse se prévaut d’une situation de voisinage par rapport au projet litigieux se composent en grande partie de parkings, ainsi que d’un local technique, non affectés à l’habitation pour n’en constituer que des accessoires à finalité utilitaire.

Or, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée, de sorte que le tribunal ne saurait déceler en l’espèce sous quel aspect la situation concrète de voisinage de la société demanderesse se trouverait aggravée par l’effet du projet litigieux, étant entendu que des désagréments notamment de vue en rapport uniquement avec l’occupation sporadique, par ailleurs non concrètement alléguée en cause dans le chef direct de la société demanderesse, d’immeubles de type, parking ou local technique, ne sauraient être utilement retenus à ce titre, faute de présenter un caractère de gravité suffisant.

Concernant ensuite les immeubles faisant partie des résidences CORAIL B7, CORAIL B8 et ONYX B10, force est encore de constater qu’il se dégage des pièces versées au dossier que de par leur situation, ces immeubles ne sauraient être considérés comme caractérisant une situation de proche voisinage par rapport au projet litigieux, étant donné qu’ils se trouvent à une distance considérable de ce dernier et s’en trouvent séparés, entre autres, par la rue Jean-Pierre SAUVAGE, ainsi que par les résidences imposantes en volume dénommées EMERAUDE et SAPHIR se situant directement en face du terrain devant accueillir le projet litigieux, l’immeuble indiqué sous la référence B10 s’en trouvant de surcroît séparé par l’ensemble résidentiel CORAIL B.

La même conclusion s’impose relativement au triangle de terrain cadastré sous le numéro 520/5083 situé boulevard Prince Félix, étant donné qu’eu égard à sa configuration, ledit terrain est orienté directement vers le quartier résidentiel qui se trouve en face, sans qu’une vue directe suffisamment caractérisée ne puisse raisonnablement être admise en direction du projet litigieux.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société demanderesse, en tant que propriétaire des immeubles par elle énumérés à l’appui de son recours, ne justifie pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre de l’autorisation de bâtir litigieuse entrevu à partir de sa situation de voisinage par rapport au projet litigieux.

Au-delà de cette situation de voisinage par rapport au projet litigieux, la société demanderesse entend justifier en outre son intérêt à agir en faisant valoir qu’en sa qualité de vendeur d’une partie de terrains d’une contenance de 1 hectare, 9 ares et 47 centiares faisant partie de la deuxième phase du PAP « Schoettermarial », à la société … S.A., elle devrait s’attendre à des conséquences préjudiciables découlant d’un remembrement ordonné suivant arrêté ministériel du 17 septembre 1992. En effet, le terrain vendu ainsi visé serait concerné directement par le PAP « Schoettermarial » et de ce fait elle-même, en tant que venderesse, risquerait d’être concernée par les retombées préjudiciables de l’exécution, par remembrement, de la deuxième phase du PAP « Schoettermarial » ordonnée par ledit arrêté ministériel du 17 septembre 1992 dans le chef de la société acquéreuse.

Elle insiste en outre sur ce que la situation litigieuse la concernerait personnellement pour avoir été et pour être impliquée dans la réalisation du PAP « Schoettermarial », qui, à son avis, imposerait ses dispositions à une partie des fonds formant l’assiette constructible pour la construction litigieuse.

Tel que relevé ci-avant dans le cadre de l’examen de l’intérêt à agir de la société demanderesse entrevu à partir de sa situation de voisinage, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, certain, légitime et actuel.

Si la société demanderesse est en l’espèce certes plausible dans son argumentation consistant à soutenir que la solution du litige au fond est susceptible d’être ressentie dans le chef de la société acquéreuse … S.A., dans le cadre de l’exécution du remembrement ordonné par arrêté ministériel du 17 septembre 1992, et que cette considération pourrait dès lors constituer un indice pour établir un intérêt à agir dans le chef de cette dernière, il n’en reste pas moins qu’un simple indice, de surcroit purement hypothétique et indirect dans le chef de la demanderesse, n’est pas suffisant pour fonder à lui seul son intérêt à agir en l’espèce. Il appartient en effet au demandeur d’établir concrètement que la non-

application à la résidence concernée, des dispositions du PAP « Schoettermarial » est de nature à affecter sa situation de propriétaire, étant entendu qu’un recours sera déclaré irrecevable si l’acte attaqué n’affecte la situation du demandeur que de façon indirecte où hypothétique.

L’intérêt à agir s’appréciant non pas de manière abstraite, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée, le tribunal est amené à constater en l’espèce que les craintes purement hypothétiques en rapport avec une préprogrammation alléguée de problèmes dans l’exécution du remembrement ordonné par arrêté ministériel du 17 septembre 1992, laisse de rencontrer les conditions d’un intérêt à la fois direct, certain et actuel dans le chef de la société demanderesse, qui, à cet égard, n’a pas rapporté la probabilité d’une aggravation de sa situation par l’effet direct de la décision litigieuse.

Dans ces circonstances les considérations avancées par la partie demanderesse sont en effet à considérer comme se confinant à la défense de l’intérêt général, non susceptible de justifier en l’espèce le droit d’agir en matière de contentieux administratif.

La société demanderesse s’empare ensuite des dispositions du PAP « Schoettermarial » qui prévoient que les immeubles construits dans le cadre dudit PAP seront raccordés à la centrale thermique actuellement exploitée par la société … S.A., pour soutenir qu’il serait évident que celle-ci subirait un préjudice économique en raison du raccordement non obligatoire de la résidence concernée à la centrale thermique concernée, considération qui justifierait encore largement son propre intérêt à agir, alors que l’action par elle engagée aurait pour but d’exclure l’éventualité d’une action à son encontre, tant par l’exploitant actuel que par les exploitants futurs de cette centrale thermique pour ne pas avoir essayé de faire appliquer le PAP « Schoettermarial ».

Concernant ce dernier aspect mis en évidence par la société demanderesse pour illustrer son intérêt à agir en l’espèce, force est encore de constater que s’agissant de considérations basées sur un intérêt commercial hypothétique allégué dans le chef d’une autre société, en l’occurrence la société …, en rapport de surcroît non pas directement avec l’objet de la décision litigieuse, en l’occurrence la construction d’un immeuble résidentiel, mais patent uniquement de manière indirecte, sans rapport aucun avec le projet urbanistique en tant que tel, l’intérêt à agir allégué laisse encore de remplir les conditions du caractère direct et actuel, alors que concernant notamment ce dernier aspect, le non-raccordement de fait à la centrale thermique reste hypothétique, le caractère non obligatoire d’un éventuel raccordement n’étant pas en soi de nature à l’exclure purement et simplement.

Il appert pour le surplus clairement de la présentation de l’argumentation avancée par la société demanderesse, que la finalité recherchée à travers le recours sous examen est sans rapport direct avec l’immeuble à construire faisant l’objet de l’autorisation de construire litigieuse, mais se situe en amont de celle-ci pour avoir trait aux conséquences hypothétiques en rapport avec la non-attribution éventuelle d’un marché commercial à la société … S.A., de sorte que le caractère indirect de l’intérêt à agir se trouve suffisamment illustré en l’espèce.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société demanderesse ne justifie pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre de l’autorisation de bâtir litigieuse et que le recours est à déclarer irrecevable.

Tant la Ville de Luxembourg que la société XXX Luxembourg S.A. ont sollicité, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la condamnation de la société demanderesse au paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre respectivement de 5.000.- €.

La situation de fait à la base du litige sous examen ne différant point de celle à la base du jugement du tribunal administratif du 8 décembre 2003 inscrit sous le numéro 16237 du rôle, tel que confirmé par arrêt de la Cour administrative du 18 mai 2004 et les principes y dégagés concernant l’intérêt à agir étant, en l’absence d’élément pertinent nouveau, directement transposables à la présente espèce, force est de constater qu’eu égard au caractère manifeste de la démarche de la société demanderesse consistant à recourir à l’exercice d’une voie de recours lui ouverte pour poursuivre une finalité pourtant sans rapport direct avec l’objet des actes administratifs déférés au tribunal, c’est à juste titre que les parties adverses sollicitent en l’espèce l’octroi d’une indemnité de procédure.

A défaut d’éléments justifiant le montant élevé réclamé, il y a lieu d’évaluer cette indemnité ex æquo et bono à 750.-€ au bénéfice de chacune des parties adverses.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la partie demanderesse aux frais, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant respectif de 750.- € au bénéfice de la Ville de Luxembourg et de la Société anonyme XXX Luxembourg S.A..

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 décembre 2004 :

M. Ravarani, président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17825
Date de la décision : 15/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-15;17825 ?

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