La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2004 | LUXEMBOURG | N°17824

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2004, 17824


Tribunal administratif N° 17824 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire en présence de la société anonyme Xxx S.A., Mersch

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17824 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la s

ociété anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant principalemen...

Tribunal administratif N° 17824 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire en présence de la société anonyme Xxx S.A., Mersch

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17824 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 5 janvier 2004 accordant à la société anonyme YYY S.A., établie et ayant son siège social L-…, absorbée par fusion, constatée suivant acte notarié du 14 avril 2003, par la société Xxx S.A., établie et ayant son siège social à la même adresse, l’autorisation de construire un immeuble résidentiel sur le terrain sis à Luxembourg, …, boulevard Prince Félix, ainsi que pour autant que de besoin, d’une autorisation de principe, ainsi que de toutes autres décisions préparatoires dont notamment une autorisation de morcellement émise par la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 5 avril 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société anonyme Xxx S.A. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2004 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires des sociétés … S.A. et Xxx S.A. en date du 2 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2004 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme Xxx S.A.;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires de la Ville de Luxembourg ainsi que de la société … S.A.en date du 5 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2004 par Maître Yann BADEN au nom de la société … S.A. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 4 octobre 2004 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société Xxx S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004 par Maître Jean MEDERNACH pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée aux mandataires des sociétés … S.A. et Xxx S.A. le 29 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2004 par Maître Victor ELVINGER pour compte de la société Xxx S.A.;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée aux mandataires de la société … S.A. ainsi que de l’administration communale de la Ville de Luxembourg intervenue en date du 2 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Yann BADEN, Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Victor ELVINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2004.

Par décision du 5 janvier 2004, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg accorda à la société YYY S.A., entre-temps absorbée par fusion par la société Xxx S.A., l’autorisation de construire un immeuble résidentiel à 30 logements, dénommé « Résidence … », sur le terrain sis …, boulevard Prince Félix à Luxembourg.

Cette décision fut portée à la connaissance de la société anonyme … S.A. par courrier du bourgmestre datant également du 5 janvier 2004.

Par requête déposée en date du 2 avril 2004, la société anonyme … S.A. a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’autorisation de bâtir prévisée du 5 janvier 2004, ainsi que, pour autant que de besoin, d’une autorisation de principe et de toutes les décisions préparatoires, y compris une autorisation de morcellement, ayant précédé cette décision du 5 janvier 2004.

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg ainsi que la société Xxx S.A. concluent principalement à l’irrecevabilité du recours en se prévalant d’abord de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne l’autorisation de morcellement ainsi que les autres actes préparatoires à l’autorisation de construire également litigieuse du 5 janvier 2004, au motif que cette question aurait été définitivement tranchée par décision du tribunal administratif du 8 décembre 2003, confirmée par la Cour administrative le 18 mai 2004, les actes administratifs concernés étant exactement les mêmes pour avoir concerné l’ensemble des terrains recueillant les résidences ….

La partie demanderesse rétorque que l’autorité de la chose jugée présupposerait un jugement au fond, de sorte que l’argumentation adverse ne saurait aboutir en l’espèce, les jugement et arrêt invoqués ne s’étant pas prononcés sur le fond pour avoir déclaré le recours introduit à l’époque irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

A titre subsidiaire, s’il devait être retenu que l’autorisation de morcellement ne pourrait plus, à ce jour, être entreprise dans le cadre du recours sous examen, la partie demanderesse estime qu’il y aurait lieu de la déclarer inapplicable pour fonder l’autorisation de construire également litigieuse, étant donné que cette autorisation de morcellement, même si elle ne pouvait plus être déclarée nulle, ne pourrait pas pour autant valablement fonder l’autorisation de construire actuellement litigieuse.

Conformément aux dispositions de l’article 1351 du code civil, il y a autorité de chose jugée en cas d’identité vérifiée de parties, d’objet et de cause, sans qu’il n’y ait lieu de distinguer en fonction de l’issue qu’a connue le litige par rapport auquel l’autorité de la chose jugée est invoquée.

Les parties étant en l’espèce en accord pour admettre que l’autorisation de morcellement ainsi que les actes préparatoires litigieux, par ailleurs non utilement identifiés en l’espèce, sont de fait les mêmes que ceux ayant été déférés au tribunal administratif dans le cadre du litige inscrit sous le numéro 16236 du rôle et toisé par jugement du 8 décembre 2003, confirmé par l’arrêt de la Cour administrative du 18 mai 2004, il se dégage dès lors des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que l’autorité de chose jugée est invoquée à leur égard.

En effet, l’autorité de chose jugée a lieu à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, en l’occurrence les dits actes administratifs, indépendamment du sort réservé au recours proprement dit.

Il s’ensuit que le recours en annulation actuellement sous examen est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre les actes en question.

La société Xxx S.A. se prévaut en outre de l’autorité de chose jugée par rapport à l’autorisation de construire litigieuse, en faisant valoir que la résidence … constitue une deuxième résidence sur un même terrain que la résidence … autorisée le 10 janvier 2003 et ayant fait l’objet, quant à l’autorisation de construire afférente, du jugement ci-avant invoqué du tribunal administratif du 8 décembre 2003. Eu égard au fait que la question de l’intérêt à agir serait restée rigoureusement la même que pour le recours contre l’autorisation du 10 janvier 2003, tranchée par les décision et arrêt du tribunal administratif du 8 décembre 2003 et de la Cour administrative du 18 mai 2004, elle estime partant qu’il y aurait autorité de la chose jugée en ce qui concerne précisément la question de l’intérêt à agir, étant entendu que les parties sont restées les mêmes.

La partie demanderesse rétorque que l’intérêt à agir s’apprécie au moment de l’introduction du recours, de sorte qu’il ne pourrait pas y avoir autorité de la chose jugée dès le moment où il n’y a pas identité de date d’introduction des recours. Elle fait valoir pour le surplus que des affaires seulement similaires, mais non identiques, ne sauraient s’influencer par le moyen de l’autorité de la chose jugée.

Tel que relevé ci-avant l’autorité de chose jugée est conditionnée notamment par l’identité de l’objet du litige. Or, force est de constater en l’espèce que si l’autorisation de construire ayant fait l’objet du recours inscrit sous le numéro 16236 du rôle toisé par jugement du tribunal administratif du 8 décembre 2003, s’inscrivait certes dans un même contexte urbanistique que celle actuellement litigieuse en ce que l’ensemble résidentiel concerné comporte deux résidences, … et …, il n’en reste cependant pas moins que chaque résidence a fait l’objet d’une autorisation de construire individuelle, susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux à part.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen basé sur l’autorité de la chose jugée invoqué par rapport à l’autorisation de construire litigieuse laisse d’être fondé, faute d’identité d’objet.

Les deux parties adverses concluent ensuite à l’irrecevabilité du recours sous examen pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société demanderesse en faisant valoir que le projet litigieux n’aurait pas d’incidence concrète sur sa situation de voisin.

Elles se réfèrent à cet égard à la motivation retenue à la base du jugement ci-avant invoqué du tribunal administratif du 8 décembre 2003, inscrit sous le numéro 16236 du rôle, et confirmé par la Cour administrative en date du 18 mai 2004.

La société demanderesse a exposé à l’appui de son recours être propriétaire de plusieurs immeubles sis à Luxembourg-Kirchberg, à l’intérieur du périmètre du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial », et plus particulièrement des immeubles suivants :

« Résidence Désignation lot Adresse Résidence RUBIS A3-A5 local technique 1 113, rue des Maraîchers L-2124 Luxembourg OLIVINE B1 cave 8 17, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg CORAIL B6 caves 18a, 21, 22, 7, rue J.P. Sauvage 23, 24, 25 L-2514 Luxembourg CORAIL B7 cave 24 5, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg CORAIL B8 cave 8 3, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg CORAIL B9 cave 17 1, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg BERYL B11-23 cave 15 23, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg TOURMALINE B12 cave 17 25, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg ALEXANDRITE B13-29 cave 15 29, rue J.P. Sauvage L-2514 Luxembourg SAPHIR C1 cave 25 63, boulevard Prince Félix L-1513 Luxembourg BRILLANT C2 local technique jardinage 61, boulevard Prince Félix L-1513 Luxembourg EMERAUDE D parking 28 2-6, rue Baclesse L-1208 Luxembourg réserve 1 idem réserves 4, 5, 6 idem réserve 3 idem GRAND PARKING locaux techniques rue J.P. Sauvage CORAIL 1, 2, 3, 4, 5 L-2514 Luxembourg parking C1 idem parking C25 idem parking 7B idem local technique 2ième partie idem (81) VAL DES BONS maison d’habitation 81, Val des Bons Malades MALADES L-2121 Luxembourg (91) VAL DES BONS maison d’habitation 91, Val des Bons Malades MALADES L-2121 Luxembourg 6 garages idem Val des Bons Malades centrale thermique 91, Val des Bons Malades L-2121 Luxembourg » Elle relève que les terrains concernés tombent sous le champ d’application du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial », ci-après désigné par « PAP Schoettermarial », et seraient adjacents aux terrains portant les numéros cadastraux 520/4310, 520/3218, 521/3337, 521/3338, 521/3339, 521/3889, 521/4079 et 521/4312, ayant appartenu à l’ancienne société YYY S.A. et situés à l’extérieur du PAP « Schoettermarial » formant une languette située entre les terrains portant les numéros cadastraux 440/3330, 440/3331 et 441/1956, appartenant à la Ville de Luxembourg et situés à l’intérieur du PAP « Schoettermarial ».

Elle estime dès lors qu’elle serait directement concernée, en sa qualité de propriétaire d’éléments immobiliers voisins, par le fait qu’une construction y est projetée et sera réalisée sur les terrains en question et que, à cet égard, le non-respect de la procédure prévue en matière d’autorisation de construire serait susceptible de lui causer grief.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches peuvent certes invoquer un intérêt général à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation ne constitue cependant qu’un indice pour établir leur intérêt à agir personnel, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (cf. trib. adm. 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm. 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm.

2004, V° Procédure contentieuse, n° 22 et autres références y citées, page 555).

L’intérêt à agir dégagé à partir de la situation de voisin repose essentiellement sur la prémisse que les voisins proches sont, par essence, appelés à se faire face au quotidien et se trouvent confrontés, de manière constante et inévitable, à l’aggravation concrète de leur situation de voisin alléguée à l’appui de leurs prétentions.

En l’espèce, force est de constater que les immeubles du chef desquels la société demanderesse se prévaut d’une situation de voisinage par rapport au projet litigieux constituent, à l’exception des deux maisons d’habitation sises 81 et 91, Val des Bons Malades à L-2121 Luxembourg, des caves, locaux techniques, réserves, parkings et garages, non affectés à l’habitation pour n’en constituer que des accessoires à finalité utilitaire.

Or, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée, de sorte que le tribunal ne saurait déceler en l’espèce sous quel aspect la situation concrète de voisinage de la société demanderesse se trouverait aggravée par l’effet du projet litigieux, étant entendu que des désagréments notamment de vue en rapport uniquement avec l’occupation sporadique, par ailleurs non concrètement alléguée en cause dans le chef direct de la société demanderesse, d’immeubles de type cave, réserve, parking ou garage, ne sauraient être utilement retenus à ce titre, faute de présenter un caractère de gravité suffisant.

Concernant ensuite les deux maisons d’habitation sises 81 et 91, Val des Bons Malades, force est encore de constater qu’il se dégage des pièces versées au dossier que de par leur situation, ces deux immeubles ne sauraient être considérés comme caractérisant une situation de proche voisinage par rapport au projet litigieux, étant donné qu’ils se trouvent à une distance considérable, largement en aval de ce dernier et s’en trouvent séparés, entre autres, d’abord par l’ensemble résidentiel CORAIL B, ensuite, par la rue Jean-Pierre SAUVAGE, ainsi que par les résidences imposantes en volume dénommées EMERAUDE et SAPHIR se situant directement en face du terrain devant accueillir le projet litigieux.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société demanderesse, en tant que propriétaire des immeubles par elle énumérés à l’appui de son recours, ne justifie pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre de l’autorisation de bâtir litigieuse entrevu à partir de sa situation de voisinage par rapport au projet litigieux.

Au-delà de cette situation de voisinage par rapport au projet litigieux, la société demanderesse entend justifier en outre son intérêt à agir en faisant valoir que les immeubles dont elle est propriétaire se trouvent concernés directement par le PAP « Schoettermarial » et que de ce fait elle serait directement concernée par l’exécution par remembrement de la deuxième phase du PAP « Schoettermarial » ordonnée par arrêté ministériel du 17 septembre 1992, alors qu’une partie des terrains formant l’assiette constructible devant accueillir la construction faisant l’objet de l’autorisation litigieuse serait située à l’intérieur du périmètre du PAP « Schoettermarial ». Elle insiste ainsi sur ce que son intérêt à agir consisterait à voir toiser la question de savoir si, par la constellation des faits, les dispositions du PAP « Schoettermarial » seraient susceptibles, sinon devraient s’appliquer à l’ensemble du terrain formant l’assiette constructible devant accueillir la résidence projetée, étant entendu qu’en sa qualité de propriétaire concerné directement par l’exécution du PAP « Schoettermarial », elle aurait un intérêt manifeste à voir toiser cette question.

Dans la mesure où deux résidences sont projetées, un ensemble de 58 propriétaires environ, sans préjudice quant au nombre exact, deviendraient, par l’effet de l’applicabilité du PAP « Schoettermarial », propriétaires d’une partie des terrains se situant à l’intérieur dudit PAP, de sorte que le nombre initial de 4 propriétaires des terrains concernés par le remembrement dans le cadre de la deuxième phase du PAP « Schoettermarial » se trouverait ainsi considérablement augmenté de 58 nouveaux propriétaires ce qui préprogrammerait à l’évidence des problèmes dans l’exécution du remembrement ordonné par arrêté ministériel du 17 septembre 1992.

Tel que relevé ci-avant dans le cadre de l’examen de l’intérêt à agir de la société demanderesse entrevu à partir de sa situation de voisinage, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, certain, légitime et actuel.

Si la société demanderesse est en l’espèce certes plausible dans son argumentation basée sur les retombées éventuelles susceptibles d’être générées par une augmentation de fait du nombre de propriétaires concernés par l’exécution du remembrement ordonné par arrêté ministériel du 17 septembre 1992, et que cette considération peut dès lors constituer un indice pour établir un intérêt à agir dans son chef, il n’en reste pas moins qu’un simple indice n’est pas suffisant pour fonder à lui seul l’intérêt à agir. Il appartient en effet au demandeur d’établir concrètement que la non-application à la résidence concernée des dispositions du PAP « Schoettermarial » est de nature à affecter sa situation de propriétaire, étant entendu qu’un recours sera déclaré irrecevable si l’acte attaqué n’affecte la situation du demandeur que de façon indirecte où hypothétique.

L’intérêt à agir s’appréciant non pas de manière abstraite, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée, le tribunal est amené à constater en l’espèce que les craintes purement hypothétiques en rapport avec une préprogrammation alléguée de problèmes dans l’exécution du remembrement ordonné par arrêté ministériel du 17 septembre 1992 en raison du fait de l’augmentation du nombre de propriétaires concernés, laisse de rencontrer les conditions d’un intérêt à la fois certain et actuel dans le chef de la société demanderesse, qui, à cet égard, n’a pas rapporté à suffisance la probabilité d’une aggravation de sa situation par l’effet direct de la décision litigieuse.

Dans ces circonstances les considérations avancées par la partie demanderesse sont en effet à considérer comme se confinant à la défense de l’intérêt général, non susceptible de justifier en l’espèce le droit d’agir en matière de contentieux administratif.

La société demanderesse s’empare ensuite des dispositions du PAP « Schoettermarial » qui prévoient que les immeubles construits dans le cadre dudit PAP seront raccordés à la centrale thermique actuellement exploitée par elle, pour soutenir qu’il serait évident qu’elle subirait un préjudice économique en raison du raccordement non obligatoire de la résidence … à la centrale thermique concernée, considération qui justifierait encore largement son intérêt à agir.

Elle précise en outre dans ce contexte que dans l’éventualité respectivement d’une vente de la centrale thermique par elle exploitée ou d’une cession de parts sociales, les actionnaires ou dirigeants actuels seraient susceptibles de devoir faire face à une mise en cause de leur responsabilité en raison d’une inaction devant la situation prédécrite d’une résidence, construite sur des fonds qui seraient du moins en partie situés à l’intérieur du PAP « Schoettermarial », mais qui ne se conformerait pas pour autant aux dispositions de celui-ci et refuserait de se soumettre aux obligations en découlant sur le plan du raccordement obligatoire à la centrale thermique.

Il appert de la présentation de l’argumentation avancée par la société demanderesse que la finalité recherchée à travers le recours sous examen est sans rapport direct avec l’immeuble résidentiel faisant l’objet de l’autorisation de construire litigieuse entrevu d’un point de vue strictement urbanistique, mais se situe en amont de celle-ci pour avoir trait à un marché commercial qu’elle entend se voir attribuer sur base des dispositions du PAP « Schoettermarial », dussent-elles régir le projet immobilier sous autorisation.

Un recours contentieux est ouvert à toute personne qui peut être affectée par une décision administrative adressée à une autre personne, dès lors que cette décision est susceptible de lui causer préjudice. A ce titre, il est nécessaire que le demandeur puisse se prévaloir d’une lésion à caractère individualisé et retirer de l’annulation une satisfaction certaine et personnelle, l’intérêt à agir impliquant un lien personnel avec l’acte et une lésion individuelle par le fait de l’acte (cf. trib. adm. 16.7.1996., n° 9626 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 58 et autres références y citées, p. 563).

L’intérêt à agir se mesure ainsi à la satisfaction que la prétention du demandeur est censée lui procurer, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés. Il s’ensuit qu’il y a lieu de vérifier en l’espèce, dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours sous examen, dans quelle mesure une éventuelle annulation de l’autorisation de construire litigieuse est susceptible de procurer une quelconque satisfaction à la société ….

Sans préjudice quant au bien-fondé du moyen de la société demanderesse basé sur la considération qu’une languette du terrain devant accueillir la résidence … ferait partie intégrante du PAP Schoettermarial, - cette question relevant de l’examen du litige au fond -, il y a lieu de constater que les prétentions de la demanderesse, ainsi que la justification de son intérêt à agir avancée en cause, reposent sur la prémisse que la résidence … elle-

même serait soumise aux dispositions dudit PAP, afin que, par application de son point 8, le raccordement obligatoire de cette résidence à la centrale thermique exploitée par la société demanderesse puisse être exigé.

Or, force est de constater que même à admettre, pour les besoins de l’appréciation de l’intérêt à agir, que la languette de terrain concernée fasse effectivement partie de l’assiette du PAP Schoettermarial et que, partant, l’autorisation de construire litigieuse n’aurait pas pu être délivrée en l’état, une éventuelle annulation de cette autorisation, dût-

elle s’ensuivre, laisserait en tout état de cause d’apporter la satisfaction escomptée par la société demanderesse, en l’occurrence le raccordement obligatoire de la résidence … à la centrale thermique exploitée par …. En effet, la partie de terrain prévue pour l’implantation concrète de la résidence … n’est manifestement pas située à l’intérieur du PAP Schoettermarial, de sorte que la soumission d’une résidence à y ériger à ses dispositions, même sur base de plans remaniés, est à exclure en l’état actuel de la réglementation urbanistique applicable, étant donné que les dispositions d’un PAP ne sont pas susceptibles de trouver application au-delà de sa délimitation territoriale.

Il s’ensuit que l’intérêt à agir de la société demanderesse, basé sur l’application éventuelle à la résidence … des dispositions du point 8 du PAP Schoettermarial, reste en l’état actuel purement hypothétique et partant insuffisant au regard des exigences légales en la matière.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société demanderesse ne justifie pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre de l’autorisation de bâtir litigieuse et que le recours est à déclarer irrecevable.

Tant la Ville de Luxembourg que la société Xxx S.A. ont sollicité, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la condamnation de la société demanderesse au paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre respectivement de 5.000.- €.

Force est cependant de constater que les conditions d’octroi d’une indemnité de procédure laissent d’être remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure comme étant non fondée ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 décembre 2004 :

M. Ravarani, président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.12.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17824
Date de la décision : 15/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-15;17824 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award