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15/12/2004 | LUXEMBOURG | N°10784

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2004, 10784


Tribunal administratif Numéro 10784 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juillet 1998 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, … contre une décision de la Ville de Luxembourg en présence de la société anonyme … S.A., Luxembourg en matière de raccordement au réseau de gaz et de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10784 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 1998 par Maître Guy THOMAS, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du syndicat des cop...

Tribunal administratif Numéro 10784 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juillet 1998 Audience publique du 15 décembre 2004 Recours formé par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, … contre une décision de la Ville de Luxembourg en présence de la société anonyme … S.A., Luxembourg en matière de raccordement au réseau de gaz et de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10784 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 1998 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du syndicat des copropriétaires de l’immeuble à appartements dit « Résidence … », sis à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg référencée sous le numéro 98a/46/96 du 7 octobre 1997 confirmant le retrait d’une décision ayant accordé « erronément » l’autorisation de raccordement de la Résidence … au réseau de gaz de la Ville et refusant également de faire droit à la demande subsidiaire ayant tendu à la modification du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial » sur le point du raccordement de la résidence concernée à la centrale thermique installée au Val des Bons Malades ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 2 juillet 1998 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la requête en intervention volontaire déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 1999 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 11 janvier 1999 portant signification de cette requête en intervention volontaire 1) au syndicat des copropriétaires de l’immeuble à appartements dit « Résidence … », 12) à l’avocat de la partie signifiée sub 1), 3) à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, 4) à l’avocat de la partie signifiée sub 3) ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 1999 par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 28 septembre 1999 portant signification de ce mémoire en réponse au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, ainsi qu’à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2002 par Maître Guy THOMAS pour compte du syndicat demandeur ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, du 18 avril 2002, portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2004 par Maître Alain RUKAVINA pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 13 avril 2004 portant signification de ce mémoire en duplique au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, ainsi qu’à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2004 par Maître Yann BADEN pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL du 20 septembre 2004 portant signification de ce mémoire en duplique au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Valériane RONDEAU, en remplacement de Maître Guy THOMAS, Yann BADEN et Fabien DEBROISE, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 septembre 2004 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 15 octobre 2004 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2004 par Maître Alain RUKAVINA pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

2Vu la notification de ce mémoire par voie de télécopie adressée aux mandataires du syndicat demandeur ainsi que de la société … S.A. en date du 8 novembre 2004 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2004 par Maître Guy THOMAS pour compte du syndicat des copropriétaires de la Résidence … ;

Vu la notification de ce mémoire complémentaire aux mandataires de la Ville de Luxembourg et du syndicat demandeur intervenue par voie de télécopie en date du 10 novembre 2004 ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Sarah ESPOSITO, en remplacement de Maître Guy THOMAS, Annick BRAUN, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, et Yann BADEN en leurs observations complémentaires à l’audience publique du 15 novembre 2004.

Suivant formulaire établi en date du 7 mars 1997, la Ville de Luxembourg s’est vu adresser une demande de raccordement de la Résidence …, sise …, au réseau de gaz de la Ville.

Après s’être vu accorder, par décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 16 avril 1997, l’autorisation de raccordement ainsi sollicitée, le syndicat des copropriétaires de la Résidence … s’est vu adresser l’information suivante de la part du collège échevinal par courrier datant du 11 juillet 1997 :

« Par une lettre datée du 16 avril 1997 vous aviez été informé que le collège des bourgmestre et échevins vous avait délivré l’autorisation de raccorder votre immeuble au réseau de gaz de la ville comme suite à votre demande afférente du 17 mars 1997.

Or, il s’est avéré après coup que la décision mentionnée ci-dessus avait été prise en violation des dispositions de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial », approuvé par le conseil communal à titre définitif le 25 juin 1973, contenant l’obligation d’installer une centrale thermique pour tous les immeubles concernés par ledit plan d’aménagement.

Par voie de conséquence le collège échevinal a décidé en date du 3 juillet 1997 d’entamer la procédure du retrait rétroactif de la décision ayant accordé erronément l’autorisation de raccorder la résidence … au réseau de gaz de la Ville, ceci conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes.

Au vœu de l’article 9 de ce règlement vous voudrez présenter vos observations dans la quinzaine de la notification de la présente.

Il va de soi que l’administration communale vous remboursera les frais que vous aurez exposés dans l’intervalle sur simple présentation des factures acquittées ».

3Par courrier de son mandataire datant du 25 juillet 1997, le syndicat des copropriétaires de la Résidence …, ci-après désigné par « le syndicat des copropriétaires », a formulé ses observations par rapport à la décision prérelatée du collège échevinal du 11 juillet 1997. Il a fait préciser par ce même courrier que « pour autant que de besoin, la présente lettre est à considérer comme demande de modification du plan d’aménagement « Schoettermarial » sur le point du raccordement de la Résidence Diamant à la centrale thermique ».

Par décision du 7 octobre 1997, le collège échevinal décida comme suit :

« Le collège échevinal accuse réception de vos observations du 25 juillet 1997 et confirme le retrait de la décision ayant accordé erronément l’autorisation de raccorder la résidence … au réseau de gaz de la ville vous communiquée par lettre du 16 avril 1997.

En effet, le collège échevinal ayant réexaminé le dossier, conclut qu’il n’y a pas d’élément nouveau lui permettant de revenir sur sa décision de retrait, puisque la disposition de la partie écrite du projet particulier d’aménagement « Schoettermarial » du 25 juin 1973 imposant au promoteur l’installation d’une centrale thermique pour l’ensemble des immeubles concernés par le projet particulier d’aménagement en question est toujours en vigueur et doit donc être respectée.

La ville ne peut dès lors autoriser une installation de chauffage individuelle, sans violer la disposition précitée de la partie écrite du projet particulier d’aménagement.

Il s’ensuit plus particulièrement que le collège échevinal ne peut faire droit à votre demande tendant à voir raccorder la résidence … au réseau du gaz de la ville.

Le collège échevinal, pour le moment, n’entend pas non plus proposer au conseil communal une modification de la partie écrite du projet particulier d’aménagement Schoettermarial sur le point en question.

En ce qui concerne les frais exposés en vue de ce raccordement, il est bien entendu que l’administration communale vous remboursera ces frais sur présentation des factures acquittées ».

Par courrier de son mandataire datant du 5 janvier 1998, le syndicat des copropriétaires s’est adressé au collège échevinal de la Ville de Luxembourg pour introduire un recours gracieux à l’encontre de sa décision prérelatée du 7 octobre 1997.

Le 1er avril 1998, le collège échevinal a confirmé sa décision de retrait du 7 octobre 1997, ainsi que son refus de proposer au conseil communal une modification du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial ». Ladite décision est motivée comme suit :

« La résidence …, qui était soumise originairement au projet particulier d’aménagement « Copropriété Kirchberg », fut ensuite soumise au régime du plan particulier d’aménagement « Schoettermarial » approuvé définitivement le 25 juin 1973. La partie écrite de ce plan stipule sous 8. Equipement collectif : « Tous les immeubles de la s.àr.l. … et aussi le cas échéant pour les immeubles à réaliser par la Ville de Luxembourg, une centrale chaufferie alimentera à partir du fond de la vallée « Val des Bons Malades » toute la cité résidentielle en chauffage et en eau chaude ».

4 Le collège échevinal ne saurait autoriser dès lors un raccordement individuel de la résidence précitée au réseau de gaz de la ville, avec tout ce que cela comporte, sans heurter les dispositions formelles de l’article 12 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes : « A partir du jour où le projet d’aménagement est déposé à la maison communale, tout morcellement des terrains, toutes construction ou réparation confortative, ainsi que tous travaux généralement quelconques, en tant que ces morcellements, constructions, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions du plan, sont interdits. Cette servitude frappe les propriétés sans conférer le droit à indemnité ».

Pour ce qui est du refus de proposer au conseil communal une modification du plan en question, plus spécialement de sa partie écrite, article 8 : Equipement collectif, il est fait remarquer qu’il s’agit en l’occurrence d’un plan dû à l’initiative privée. Il n’appartient dès lors pas au collège de proposer un changement des dispositions, qui se trouvent par ailleurs à la base des actes de vente, sans y être contraint par des considérations urbanistiques d’ordre général, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, alors que votre partie sollicite une modification dans son seul intérêt économique ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 1998, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence …, ci-après « le syndicat des copropriétaires », a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision prérelatée du collège échevinal du 7 octobre 1997.

Quant à la recevabilité du recours La partie tierce intervenante … S.A. conclut d’abord à l’irrecevabilité de ce recours en se prévalant du principe de l’autorité de la chose votée au motif que lors de sa réunion du 20 juin 1983, le collège échevinal avait déjà décidé de ne pas faire droit à la demande lui adressée par le syndicat des copropriétaires tendant à l’octroi d’une autorisation pour le raccordement de la résidence concernée au réseau du gaz de la Ville de Luxembourg et qu’une itérative demande adressée par le syndicat en date du 10 juillet 1992 en vue de l’installation d’une chaufferie individuelle aurait apparemment également été refusée par la Ville de Luxembourg.

La partie tierce intéressée, rejointe sur ce point par la partie défenderesse, fait valoir que faute d’avoir invoqué des éléments nouveaux à l’appui de sa nouvelle demande du 17 mars 1997 par rapport aux demandes ci-avant visées des 22 mars 1983 et 10 juillet 1992, les décisions de refus qui s’en seraient suivies ne sauraient plus être mises en cause à l’heure actuelle pour avoir acquis autorité de chose votée, sinon décidée.

Tel que relevé par la Ville de Luxembourg elle-même dans son mémoire en réplique, presque 15 années se sont écoulées depuis la première décision de refus du 20 juin 1983 invoquée dans ce contexte pour conclure à l’irrecevabilité du recours sous examen, tandis que, d’après les informations non utilement contestées en cause du syndicat demandeur, la deuxième demande dudit syndicat des copropriétaires du 10 juillet 1992 ayant tendu non pas au raccordement de la Résidence … au réseau de gaz de la Ville, mais à l’installation d’une chaufferie individuelle au mazout, n’a pas fait l’objet d’une décision de la part des autorités compétentes, de manière à ne pas pouvoir être utilement invoquée au titre de l’autorité de 5chose décidée, ceci au-delà même du constat que cette deuxième demande, si elle se meut certes sur une même toile de fond, ne saurait être confondue pour autant avec celle à la base de ce litige qui a un objet clairement distinct, en l’occurrence non pas l’installation d’une chaufferie individuelle au mazout, mais le raccordement de la résidence au réseau de gaz de la Ville de Luxembourg.

Il s’y ajoute que la Ville de Luxembourg, loin de rencontrer la demande introduite le 7 mars 1997 par le syndicat des copropriétaires par une décision simplement confirmative de son refus invoqué du 20 juin 1983, l’a traitée comme une demande nouvelle pour l’avoir accueillie favorablement dans un premier temps et l’avoir retirée par la suite sur base de considérations sans rapport aucun avec l’existence d’une ancienne décision de refus remontant à l’année 1983.

Dans ces circonstances et compte tenu notamment de l’évolution générale du contexte économique sur un laps de temps aussi étendu que celui ayant couru en l’espèce depuis la première décision de refus intervenue, le moyen d’irrecevabilité basé sur le principe de l’autorité de chose décidée, seul susceptible d’être examiné par rapport à la décision de refus invoquée du 20 juin 1983, laisse d’être fondé sous tous ses aspects.

La société … S.A. conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté à un triple égard :

1) il ne ressortirait pas des documents versés au dossier que le recours ait été déposé avant l’expiration du délai de trois mois ouvert pour l’introduction du recours, soit avant le 1er juillet 1998 ;

2) la requête introductive d’instance aurait été signifiée après le dépôt au greffe et après l’expiration du délai ouvert pour l’introduction du recours ;

3) la décision de retrait administratif du 11 juillet 1997 serait une véritable décision administrative à caractère individuel, de sorte que le syndicat des copropriétaires aurait eu la faculté soit d’attaquer cette décision de retrait administratif directement devant le tribunal administratif, soit d’introduire un recours gracieux à son encontre.

Dans la mesure où la réclamation du syndicat demandeur du 25 juillet 1997 serait en réalité un recours gracieux introduit contre la décision de retrait, la portion de la demande relative au retrait administratif n’aurait plus été susceptible du second recours gracieux introduit en date du 5 janvier 1998 seulement.

Il se dégage clairement du libellé du courrier prérelaté du collège échevinal du 11 juillet 1997 que la possibilité accordée au syndicat des copropriétaires de présenter ses observations dans la quinzaine de la notification dudit courrier s’inscrit dans le cadre de la procédure du retrait rétroactif d’une décision administrative telle que réglementée par les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, le collège échevinal d’énoncer clairement à cet égard qu’il a décidé en date du 3 juillet 1997 « d’entamer la procédure du retrait rétroactif » de la décision du 16 avril 1997.

Une décision de retrait au sens de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité tombant, de par sa nature, également dans le champ d’application de l’article 9 de la 6même loi en ce qu’elle s’analyse en tout état de cause en une décision que l’autorité se propose de prendre en dehors d’une initiative de la partie concernée, l’autorité concernée est tenue d’observer la procédure inscrite audit article 9.

En effet, conformément aux dispositions de l’article 9 dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’autorité qui se propose de prendre une décision de ce type est tenue d’informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir et de lui accorder un délai d’au moins huit jours pour présenter ses observations, de sorte que le courrier du syndicat demandeur du 25 juillet 1997, loin de constituer un recours gracieux par rapport à une décision administrative qui se serait déjà définitivement matérialisée, traduit clairement l’expression des observations de l’administré concerné par rapport aux intentions annoncées de la Ville de Luxembourg et constitue partant non pas une revendication post-décisionnelle, mais une prise de position, expressément envisagée par le pouvoir réglementaire, faisant partie intégrante du processus décisionnel proprement dit tel que réglementé en la matière.

Au vu de l’article 11, alinéa 2 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable en l’espèce, la réclamation faite dans les trois mois contre une décision administrative a pour effet de reporter le point de départ du délai du recours contentieux à la date de la notification de la nouvelle décision statuant sur cette réclamation (cf. Conseil d’Etat, 9 mars 1947, Pas. 14, p. 575).

Il se dégage des considérations qui précèdent que pour les besoins du calcul du délai de recours contentieux, c’est à la seule décision confirmative du 1er avril 1998 qu’il y a lieu de se référer.

Conformément aux dispositions de l’article 11, alinéa premier, de l’arrêté grand-royal grand-ducal du 21 août 1866 précité, « sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus cour,t le recours au comité du contentieux contre les décisions d’une autorité qui y ressortit, ne sera plus recevable après trois mois du jour où cette décision aura été notifiée. » La charge de la preuve relativement au moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté soulevé incombant à la partie qui s’en prévaut, force est de constater en l’espèce que la Ville de Luxembourg reste en défaut d’établir avec toute la précision requise la date de notification de la décision du 1er avril 1998 au syndicat des copropriétaires, de sorte qu’eu égard aux délais généralement admis en matière de transmission d’un courrier par la voie postale, le recours, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 juillet 1998, est à considérer comme ayant été introduit dans le délai légal. Ledit recours ayant pour le surplus été signifié à la partie défenderesse par exploit d’huissier du 2 juillet 1998, le moyen basé sur une signification tardive laisse d’être fondé à son tour pour ne pas être vérifié en fait.

Le recours en annulation dirigé contre le volet du retrait de la décision autorisant le raccordement de la résidence concernée au réseau de gaz de la Ville de Luxembourg ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable, étant entendu que la décision confirmative sur recours gracieux intervenue en date du 1er avril 1998, en ce qu’elle tire son existence de la décision initiale déférée du 7 octobre 1997, est à considérer comme formant un seul tout avec cette dernière.

7 Concernant ensuite le volet de la décision litigieuse ayant trait à la demande de modification du plan d’aménagement particulier « Schoettermarial », ci-après désigné par « le PAP Schoettermarial », tant la Ville de Luxembourg que la société … concluent en ordre principal à l’incompétence du tribunal pour en connaître, au motif que la demande introduite par le syndicat tendant la modification de ce PAP, de même que la décision qui s’en est suivie, ne seraient pas des décisions administratives à caractère individuel, étant donné qu’en raison de la nature réglementaire du PAP lui-même, une modification afférente serait également un acte de nature réglementaire.

Elles font valoir pour le surplus que la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes prévoit des conditions spécifiques et prédéterminées pour l’introduction d’une demande en modification d’un plan d’aménagement particulier, de sorte que toute personne souhaitant pareille modification serait tenue d’introduire sa demande conformément aux dispositions ainsi visées et qu’il serait dès lors impossible d’introduire une demande en modification d’un PAP par simple lettre adressée à l’administration compétente.

La Ville de Luxembourg estime par ailleurs à cet égard que la demande du syndicat de saisir le conseil communal en vue de modifier le PAP Schoettermarial serait à qualifier de simple argument de défense invoqué à titre subsidiaire seulement et qu’à aucun moment une procédure formelle en vue de modifier ce PAP existant n’aurait été officiellement introduite par la partie requérante. Elle en déduit que le tribunal ne serait valablement saisi que d’un recours contre la seule décision de retrait ci-avant visée du 3 juillet 1997.

Une décision de refus de déclencher la procédure de modification d’un plan d’aménagement implique que l’autorité compétente n’a pas encore statué dans le cadre de la procédure spécifique prévue à ces fins par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937, n’ayant ni saisi la commission d’aménagement, ni surtout procédé à un vote provisoire sur l’adoption du projet. La décision de refus de déclencher pareille procédure de modification d’un plan d’aménagement ne participe dès lors pas à l’élaboration de dispositions générales et permanentes portant sur l’aménagement des agglomérations concernées et le régime des constructions à y ériger, de sorte que la délibération, se situant avant l’ouverture par l’autorité publique d’une procédure de modification afférente du plan d’aménagement de la commune, s’analyse non pas en un acte administratif à caractère réglementaire, mais en une décision individuelle relevant de la compétence d’attribution du tribunal. (cf. trib. adm. 6 février 2002, n° 13784 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Urbanisme, n° 60, page 743) Tel que relevé à juste titre par les parties adverses, la loi modifiée du 12 juin 1937 institue une procédure spéciale en matière de modification d’un plan d’aménagement, tant particulier que général, de sorte que ce n’est que par le biais de cette procédure réglementée par les dispositions combinées des articles 5 et 9 de ladite loi de 1937 que le PAP Schoettermarial était susceptible d’être modifié.

Quant au droit d’initiative relativement à une modification d’un plan d’aménagement, force est de constater que la loi, telle qu’applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, ne le réserve pas exclusivement aux autorités communales, mais accorde également aux particuliers la possibilité d’initier la procédure prévue à cette fin.

8S’il est ainsi certes loisible à un particulier de s’enquérir sur la position des autorités communales quant à une éventuelle initiative de leur part en la matière, il n’en demeure pas moins qu’un refus essuyé sur ce plan n’est pas de nature à empêcher le particulier intéressé à initier lui-même la procédure de modification du plan d’aménagement en engageant la procédure spéciale prévue à cette fin.

Dans la mesure où ce droit d’initiative reste intact au-delà de la décision des autorités communales de ne pas entamer de leur propre initiative une modification du plan d’aménagement concerné, la décision litigieuse n’est pas de nature à mettre fin de manière définitive à toute possibilité d’engager la procédure de modification dans le sens préconisé et ne saurait partant pas être à considérée comme faisant grief, en l’état, à la partie demanderesse.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation sous examen est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir pour autant qu’il est dirigé contre le refus de modification du PAP Schoettermarial.

Quant au fond La partie demanderesse fait valoir que la Résidence …, faisant partie de la première phase du projet couvert par le PAP « Copropriété Kirchberg » approuvé définitivement en date du 15 décembre 1969 par le conseil communal et ayant fait l’objet d’une approbation de la part du ministre de l’Intérieur en date du 13 février 1970, n’aurait pas été incorporée au PAP Schoettermarial. Elle fait relever à cet égard que les numéros cadastraux pertinents, en l’occurrence 519/2368, 520/2369, ne seraient pas énumérés au point 2 du PAP Schoettermarial, de sorte que le motif invoqué par les autorités communales à la base de la décision de retrait litigieuse n’aurait pas pu valablement lui être opposé.

La société … rencontre ce premier moyen en faisant valoir que la demanderesse entendrait faire naître une certaine confusion en faisant une distinction fictive entre le PAP « Copropriété Kirchberg » et le PAP Schoettermarial, alors que, pour être précis, le PAP Schoettermarial engloberait le PAP « Copropriété Kirchberg » et que ce serait partant le dernier en date, en l’occurrence le PAP Schoettermarial voté définitivement en date du 25 juin 1973 et ayant obtenu l’approbation ministérielle le 25 juillet 1973, qui s’imposerait à l’heure actuelle en tant qu’acte réglementaire.

La Ville de Luxembourg rejoint cette argumentation en faisant exposer que le PAP Schoettermarial couvrirait le site Kirchberg-Schoettermarial dans son ensemble, y compris la résidence ….

Dans son mémoire en réplique le syndicat demandeur insiste sur le fait que la partie écrite du PAP Schoettermarial dispose expressément que la deuxième phase du PAP « Copropriété Kirchberg » ne sera pas réalisée, mais incorporée dans le nouveau PAP Schoettermarial pour en déduire qu’a contrario la première phase du PAP « Copropriété Kirchberg » n’aurait donc pas été incorporée dans le nouveau PAP.

Il se dégage de l’intitulé même du plan d’aménagement particulier Schoettermarial, tel que versé au dossier, qu’il entend couvrir « un ensemble de terrains à Luxembourg-

Kirchberg », cet ensemble étant décrit expressément à sa page I, sous l’intitulé précis 9« Description de l’ensemble » comme se composant de deux parties, en l’occurrence celles énoncées sub A et correspondant au « plan d’aménagement particulier connu sous la désignation « Copropriété Kirchberg » », englobant expressis verbis les numéros cadastraux visés par la demanderesse (519/2368 et 520/2369), ainsi que d’une partie énoncée sub B, correspondant au « nouveau plan d’aménagement particulier « Schottermarial » ». Il découle ainsi clairement de la partie écrite du PAP Schoettermarial qu’il s’agit d’un plan d’ensemble, applicable en tant qu’acte réglementaire à la résidence litigieuse comme faisant partie des terrains ayant fait l’objet du PAP « Copropriété Kirchberg », cette interprétation se trouvant par ailleurs confirmée par les dispositions du point 9 du PAP Schoettermarial relatif à la description des plans où il est clairement énoncé que le « plan d’aménagement particulier « Copropriété Kirchberg-Schoettermarial » représente un projet d’ensemble ».

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’interprétation a contrario suggérée par la partie demanderesse basée sur la considération qu’il est prévu que « dans l’intérêt d’une urbanisation harmonieuse et dans l’intérêt d’accomplir l’aménagement du « plateau Schoettermarial », la deuxième phase du plan d’aménagement particulier « Copropriété Kirchberg » ne sera pas réalisée, mais incorporée dans le nouveau plan d’aménagement particulier comprenant un grand nombre de terrains longeant et adjacents au premier plan d’aménagement appartenant à la Ville de Luxembourg et à la sàrl … » parmi lesquels celui correspondant à l’implantation de la Résidence … ne figure pas. En effet, la partie invoquée du PAP Schoettermarial à ce sujet par la partie demanderesse concerne exclusivement la deuxième phase du plan d’aménagement particulier « Copropriété Kirchberg », étrangère à l’objet du litige proprement dit, la Résidence … ayant fait partie de la première phase du même PAP, de manière à laisser intacte la conclusion ci-avant dégagée quant au contenu de l’ensemble composant par ailleurs le PAP Schoettermarial.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen de la partie demanderesse basé sur une non-applicabilité en l’espèce des dispositions du PAP Schoettermarial laisse d’être fondé.

La partie demanderesse complète son argumentation relative à la non-applicabilité en l’espèce du PAP Schoettermarial par la considération que l’autorisation de construire concernant la Résidence … a été accordée dès l’année 1972 sous l’empire du PAP « Copropriété Kirchberg » et que son acte de base établi suivant acte notarié du 22 mars 1973 ainsi que les pièces annexes sont également antérieurs au PAP Schoettermarial.

Encore que la partie demanderesse reste en défaut de tirer une conclusion en droit à partir des considérations ainsi avancées en cause, il y a lieu de relever qu’en tout état de cause la demande à la base du litige sous examen formulée en date du 7 mars 1997 pour solliciter le raccordement de la Résidence … au réseau de gaz de la Ville fut clairement posée postérieurement à la prise d’effet du PAP Schoettermarial, de sorte que d’un point de vue de l’applicabilité dans le temps, c’est à juste titre que la Ville de Luxembourg s’y est référée pour toiser cette demande.

La partie demanderesse poursuit son argumentation au fond en critiquant plus particulièrement les dispositions de la première phrase du point 8, 1er alinéa, du PAP Schoettermarial qui prévoit que « tous les immeubles de la sàrl … et aussi le cas échéant pour les immeubles à réaliser par la Ville de Luxembourg, une centrale chaufferie alimentera à 10partir du Fond de la Vallée « Val des Bons Malades » toute la cité résidentielle en chauffage et en eau chaude ».

Au-delà de toute une série d’interrogations concernant l’application concrète de cette disposition, la partie demanderesse a évoqué dans son mémoire en réplique la question de la compétence des autorités communales, dans le cadre strict leur tracé par la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, pour imposer aux résidences tombant dans le champ d’application du PAP Schoettermarial le raccordement à un système de chauffage à distance, en faisant valoir qu’une charge de ce type pourrait tout au plus être imposée par le ministre de l’Environnement, à condition que l’utilité écologique en soit établie, ce qui ne serait nullement le cas en l’espèce en raison de la déperdition importante de la chaleur due aux distances importantes entre les différentes résidences, ainsi qu’en l’absence d’un système de cogénération susceptible de récupérer la chaleur inutilisée pour la transformer en une autre source d’énergie, telle que l’électricité.

Elle fait relever en outre à cet égard qu’en imposant une pareille restriction au droit de propriété des copropriétaires sans veiller à en régler le fonctionnement et le mode d’établissement du prix des calories pour éviter les abus inhérents à une pareille situation de monopole de la part du gestionnaire privé du système de chauffage à distance, la commune aurait non seulement dépassé ses pouvoirs, mais aurait également apporté au droit de propriété une restriction non justifiée et disproportionnée par rapport à un éventuel objectif écologique à atteindre, pour autant que la poursuite d’un tel objectif serait susceptible de tomber dans la sphère de compétence des autorités communales dans le cadre de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, ce qu’elle conteste.

Ces réflexions ayant conduit la partie demanderesse à demander sur base de l’article 95 de la Constitution la non application des dispositions litigieuses du PAP Schoettermarial, le tribunal, souhaitant voir aborder cette question plus en avant par les parties au litige, alors que le moyen afférent n’a pas directement été formulé dans le cadre de la requête introductive d’instance, a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de développer le cas échéant leurs prises de position afférentes.

Sur ce, la partie demanderesse a précisé que le législateur a imposé à travers l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 aux projets d’aménagement de comprendre trois types de plans, à savoir un plan d’alignement, un plan de lotissement et un plan avec programme d’extension, tout en limitant la portée et les matières devant être régies par ses trois plans aux questions d’alignement, d’écartement et de hauteur des constructions, à la fixation des directions, niveau et largeur des voies, à la détermination des terrains destinés aux voies, places, édifices, jardins et autres, ainsi qu’à la prévision des distributions d’eau potable, d’éclairage, de canalisation, d’évacuation des eaux pluviales et résiduaires, sans pour autant autoriser la commune à déterminer et à imposer par le biais d’un plan d’aménagement particulier un mode de chauffage collectif à distance, l’implantation d’une station hydrophore, l’installation d’une antenne collective de télévision ou d’un vide ordures ou bien encore la construction d’une station de lavage des véhicules particuliers, tel que cela est pourtant prévu par l’article 8 du PAP Schoettermarial.

Elle maintient ainsi son moyen relativement à l’illégalité des dispositions du PAP Schoettermarial et plus particulièrement de son point 8 en raison de sa non-conformité à la loi modifiée du 12 juin 1937 prise plus particulièrement en son article 2. Elle fait valoir en outre 11que lesdites dispositions constitueraient une restriction au droit de propriété excédant la réserve de l’article 16 de la Constitution.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg fait valoir que les dispositions litigieuses rentreraient dans la compétence du conseil communal en ce que les prescriptions énoncées à l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 seraient minimales et devraient être reprises dans un projet d’aménagement sans qu’il n’y ait un quelconque empêchement à ce que le conseil communal approuve un plan d’aménagement particulier qui, dans le même esprit de réglementation du système de distribution d’eau potable, d’éclairage et d’évacuation des eaux, donc dans l’esprit de réglementation des infrastructures des habitations, fixe aussi le système d’alimentation en chauffage, le tout dans un intérêt urbanistique, étant entendu qu’il s’agirait notamment d’éviter des demandes éparses de raccordements individuels de la part de résidents après réalisation des infrastructures communes et de garantir une infrastructure uniformisée de chauffage.

La société … S.A. relève de son côté que le syndicat demandeur ainsi que l’ancien exploitant de la centrale, à savoir la société … s.àr.l. (…) se sont livrés à un certain nombre de procès en justice concernant surtout la revendication par le syndicat de la propriété de la chaufferie centrale et la demande en paiement par … des frais de chauffage non réglés par le syndicat. Ces deux procès ayant été toisés en faveur de …, elle estime que le syndicat, ayant à plusieurs reprises soulevé l’illégalité du PAP Copropriété Kirchberg-Schoettermarial en faisant état notamment de la violation du « principe du non-discriminatoire » et des « principes gravitant autour du monopole », ce moyen, en ce qu’il aurait été débattu entre son propre prédécesseur et le syndicat demandeur, revêtirait à l’heure actuelle l’autorité de la chose décidée.

A titre subsidiaire et quant au fond, la société … S.A. fait valoir que dans le cadre du pouvoir accordé aux autorités compétentes pour réglementer l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, des entorses au droit de propriété seraient nécessaires.

Elle relève que c’est pour cette raison que la loi modifiée du 12 juin 1937 aurait été votée afin d’imposer un certain nombre de règles qui doivent être communes à certains quartiers résidentiels et que c’est dans cette optique que la loi autoriserait, sous l’égide d’une partie écrite d’un PAG ou d’un PAP, de prévoir les mesures de recul, de hauteur, de profondeur des constructions, ainsi que maintes autres possibilités de limiter, de réglementer et de contrôler ce que le syndicat demandeur appelle son droit de propriété. Elle estime que l’article 2 de ladite loi permettrait de prendre des programmes d’extension déterminant les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques, c’est-à-dire urbanistiques dans un intérêt général et que c’est uniquement sous cet aspect que l’obligation de raccordement à une chaufferie centrale aurait été décidée en 1973 par les autorités communales. Plutôt que de violer la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, le PAP Schoettermarial s’inscrirait dès lors parfaitement dans l’esprit de celle-ci en ce qu’il aurait pour objet notamment d’éviter une discordance urbanistique évidente au niveau des chaufferies centrales.

Concernant d’abord le moyen invoqué par la société … S.A. basé sur le principe de l’autorité de la chose décidée, ainsi qualifiée, basé sur la considération que dans le cadre de deux autres procès lors desquels l’illégalité du PAP Copropriété Kirchberg-Schoettermarial avait été soulevée au titre de moyen d’exception, force est de relever que les conditions d’application dudit principe ne sont pas remplies en l’espèce.

12En effet, l’autorité de chose jugée à laquelle la société …, en faisant état de décisions judiciaires, se réfère, requiert à la fois l’identité des parties, de l’objet et de la cause, ce qui manifestement n’est pas le cas en l’espèce, les deux procès invoqués ayant eu pour objet, d’après ses propres indications, la revendication par le syndicat demandeur de la propriété de la chaufferie centrale et la demande en paiement par … des frais de chauffage non réglés par ledit syndicat, soit des droits civils concernant un objet clairement distinct du litige sous examen qui porte sur une décision administrative de retrait relative au raccordement de la Résidence … au réseau de gaz de la Ville, partant à une décision administrative individuelle étrangère en tous points à la problématique purement civile abordée par les jugements invoqués.

Conformément aux dispositions de l’article 95 de la Constitution « les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois ».

Il y a partant lieu de vérifier si le PAP Schoettermarial, invoqué à l’appui de la décision litigieuse est conforme en sa qualité de règlement général, au cadre légal tracé en la matière par les dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, et disposant que « les projets (d’aménagement) comprennent a) un plan d’alignement qui fixe la direction, la largeur et le niveau des voies à créer ou à modifier. Ce plan détermine l’alignement à bord de rue, l’alignement en recul et éventuellement l’alignement des arrières-façades ;

b) un plan de lotissement qui réserve les terrains destinés aux voies, places, édifices et jardins publics, aux terrains de jeux et aux espaces libres divers ;

c) un plan avec un programme d’extension, déterminant les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques que comportent les différents quartiers. Les plans et programmes fixent l’écartement des constructions entre elles, de même que leur hauteur, et prévoient les distributions d’eau potable, d’éclairage, ainsi que les canalisations pour l’évacuation des eaux pluviales et résiduaires. (…) ».

Le PAP Schoettermarial est critiqué du point de vue de sa non-conformité alléguée audit article 2 en ce qu’il prévoit dans son point 8 que pour « tous les immeubles de la sàrl … et aussi le cas échéant pour les immeubles à réaliser par la Ville de Luxembourg, une centrale chaufferie alimentera à partir du fond de la vallée « Val des Bons Malades » toute la cité résidentielle en chauffage et en eau chaude », de manière à imposer le raccordement de la Résidence … à la centrale thermique actuellement exploitée par la société … S.A..

L’article 16 de la Constitution disposant que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité », toute restriction à l’usage de la propriété prévue par la loi doit faire l’objet d’une interprétation stricte, alors qu’il s’agit par essence d’une hypothèse d’exception.

En effet, le droit de propriété est un droit fondamental et toute dérogation qui y porte atteinte est d’interprétation stricte (cf. Cour Constitutionnelle, arrêt 16/03 du 7 février 2003).

13Sur la toile de fond de ces considérations, force est partant de constater que l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, en ce qu’il énonce de manière limitative les éléments que comprennent les plans d’aménagement, ne saurait être lu dans le sens préconisé par la Ville de Luxembourg consistant à considérer ces prescriptions comme étant simplement indicatives et non limitatives. Il s’agit au contraire d’une disposition cadre, traçant les limites du pouvoir réglementaire en la matière, de sorte que l’action du pouvoir réglementaire des autorités communales en la matière, exercée sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, doit rester strictement circonscrite à ce cadre.

La disposition réglementaire critiquée n’étant visiblement pas susceptible d’être rattachée aux points a) et b) de l’article 2 prérelaté, il y a partant lieu d’examiner si l’exigence du raccordement à la centrale thermique concernée présente un facteur de rattachement direct avec l’un des éléments énoncés sub c) dudit article 2.

Ne s’agissant à l’évidence ni d’une question d’écartement des constructions, ni encore d’une question de distribution d’eau potable, d’éclairage, ainsi que de canalisation pour l’évacuation des eaux pluviales et résiduaires, seule la qualification de servitude hygiénique énoncée à la première phrase dudit alinéa c) mérite une analyse quant à sa pertinence en l’espèce, étant entendu que la servitude litigieuse ne saurait en tout état de cause être qualifiée d’archéologique ou d’esthétique non plus.

L’hygiène, dans le contexte urbanistique pertinent en l’espèce, étant synonyme de propreté et de salubrité, une servitude hygiénique s’entend comme un moyen mis en œuvre par les pouvoirs publics pour la sauvegarde et l’amélioration de la santé. Or, concernant la prescription litigieuse du PAP Schoettermarial relative au raccordement obligatoire des résidences y visées à une centrale thermique, le tribunal est amené à constater qu’elle laisse de présenter un facteur de rattachement utile aux moyens d’action concédés par le législateur au pouvoir réglementaire en la matière, de sorte que cette prescription, invoquée à la base de la décision de retrait litigieuse, est à considérer comme étant illégale pour dépasser le cadre légal tracé par l’article 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée.

En effet, les justifications avancées en cause à cet égard s’analysent en des considérations générales d’ordre urbanistique qui, si elles paraissent certes plausibles à ce titre pour traduire un souci de cohérence dans l’approche globale du quartier concerné en la matière à travers le recours à des infrastructures communes, ne sont pas pour autant de nature à conférer à l’exigence litigieuse le caractère spécifique d’une servitude hygiénique.

Par application de l’article 95 précité de la Constitution, le tribunal administratif ne saurait partant prendre en considération la base légale invoquée à l’appui de la décision litigieuse dans le cadre de ce litige.

A défaut d’autre base légale utilement invoquée en cause, la décision de retrait litigieuse encourt partant l’annulation pour violation de la loi.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

14 déclare le recours en annulation irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le refus des autorités communales de procéder à la modification du PAP Schoettermarial ;

le reçoit pour le surplus en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant, annule la décision de retrait du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 7 octobre 1997 telle que confirmée en date du 1er avril 1998 ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à la Ville de Luxembourg et pour moitié à la société anonyme … S.A. .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 décembre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10784
Date de la décision : 15/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-15;10784 ?

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